Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 28/11/2002
Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur une décision du Conseil d'Etat en date du 10 juillet 2002 qui annule les décisions implicites par lesquelles le Premier ministre a refusé d'abroger ou de modifier l'article 8 du décret du 30 mai 1985, en tant qu'il exclut du corps électoral les agents non titulaires n'occupant pas un emploi permanent et les agents de droit privé. Le Conseil d'Etat précisait ainsi : " Lorsque la consultation des travailleurs sur les questions d'hygiène et de sécurité est assurée exclusivement par l'intermédiaire d'un organisme élu, le droit pour tout travailleur d'être consulté et de participer aux questions touchant à la sécurité et à la santé au travail, prévu par la directive européenne du 12 juin 1989, implique nécessairement que les représentants du personnel dans cet organisme soient élus par toutes les catégories d'agents ", qu'il s'agisse des agents non titulaires occupant un emploi permanent ou non et d'agents relevant du droit privé. La mairie de Paris vient de mettre en place pour ses agents municipaux et départementaux une commission consultative paritaire compétente pour les non-titulaires. Elle souhaite que les emplois-jeunes et autres emplois aidés financés par la mairie et le département de Paris puissent participer aux élections permettant de mettre en place cette commission consultative paritaire. Le Conseil de Paris du 18 novembre 2002 a adopté un voeu en direction du Gouvernement afin que celui-ci modifie l'article 8 du décret du 30 mai 1985 et permettre ainsi aux collectivités parisiennes de donner toute leur place à ces jeunes qui participent pleinement au service public parisien et au service rendu aux Parisiennes et aux Parisiens. Le Gouvernement prendrait un risque très important d'annulation de toutes les élections des comités techniques paritaires par le juge administratif s'il ne mettait pas rapidement sa réglementation en conformité avec la jurisprudence française et la directive européenne n° 89-391 du 12 juin 1989. Elle lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet.
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Réponse du Secrétariat d'Etat à la réforme de l'État publiée le 15/01/2003
Réponse apportée en séance publique le 14/01/2003
Mme Nicole Borvo. Je souhaite attirer l'attention du ministre chargé de la fonction publique et la vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les mesures réglementaires qui devraient à mon sens permettre aux personnels non titulaires de la fonction publique de participer aux commissions consultatives paritaires mises en place par certaines collectivités territoriales.
Ainsi, par deux délibérations adoptées lors de ses séances des 18 et 19 novembre 2002, le Conseil de Paris a créé une commission consultative paritaire compétente s'agissant des personnels non titulaires de la commune et du département de Paris.
Sur proposition des élus de mon groupe, le Conseil de Paris a émis le voeu que les emplois-jeunes, les contrats emplois consolidés, les CEC, et les contrats emploi-solidarité, les CES, ainsi que l'ensemble des emplois aidés - dont relèvent les agents non titulaires des deux collectivités parisiennes - puissent bénéficier de la mise en place de cette commission consultative paritaire.
Or l'article 8 du décret du 30 mai 1985 relatif aux comités techniques paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics exclut du corps électoral les agents non titulaires n'occupant pas un emploi permanent, ainsi que les agents de droit privé.
Jusqu'à présent, le ministère chargé de la fonction publique n'a pas modifié ces dispositions. Pourtant, un arrêt du Conseil d'Etat du 10 juillet 2002 a annulé les décisions implicites par lesquelles le Premier ministre a refusé de les abroger ou de les revoir. Le Conseil d'Etat fonde son argumentation notamment sur une directive européenne du 12 juin 1989 relative à la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des salariés au travail, en particulier par le biais des comités d'hygiène et de sécurité, dont l'action concerne l'ensemble des agents, qu'ils soient ou non titulaires.
Le Conseil de Paris a donc souhaité que le Gouvernement modifie le décret régissant l'élection des instances paritaires compétentes pour les collectivités territoriales, de manière que l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat soit pleinement appliqué à Paris. Cela permettrait aux différents personnels non titulaires des administrations parisiennes de bénéficier de la mise en place de la commission consultative paritaire que j'ai évoquée.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais savoir si le Gouvernement envisage de modifier les dispositions en question. Dans le cas contraire, pour quelles raisons juge-t-il pertinente la réglementation actuelle ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, je voudrais tout d'abord former à mon tour des voeux de bonne année à l'adresse de la Haute Assemblée.
Mme Borvo a soulevé une question délicate et importante relative à la possibilité, pour des agents contractuels de la fonction publique territoriale, de prendre part aux élections aux comités techniques paritaires. Cette question apparemment technique est en fait essentielle, puisqu'elle concerne la représentativité des comités techniques paritaires et, par voie de conséquence, l'association des salariés à la définition des mesures visant à améliorer leur sécurité et leur santé au travail.
Vous avez fait référence, madame Borvo, à un voeu émis, sur l'initiative du groupe auquel vous appartenez, par le Conseil de Paris. Permettez-moi de rappeler que les fonctionnaires des administrations parisiennes sont régis par des dispositions particulières et que, pour l'essentiel, les textes relatifs à la fonction publique territoriale ne leur sont pas applicables.
D'ailleurs, qu'il s'agisse des administrations parisiennes ou des administrations d'Etat, les représentants du personnel au sein des comités techniques paritaires sont désignés librement par les organisations syndicales compte tenu du nombre de voix obtenues lors de l'élection des représentants du personnel aux commissions administratives paritaires. Il en est de même, sous certaines conditions, pour la prise en compte des résultats obtenus par les organisations syndicales en ce qui concerne les commissions consultatives paritaires, dont les compétences sont identiques. Sachant votre groupe très attaché au dialogue avec les syndicats, je ne doute pas que vous soyez très vigilante sur ce sujet !
Cela étant, quels sont les éléments juridiques du débat s'agissant de la fonction publique territoriale ? Comme vous l'avez rappelé, par une décision du 10 juillet 2002 « Fédération CFDT INTERCO », le Conseil d'Etat a jugé que le Gouvernement avait imparfaitement transposé la directive européenne du 12 juin 1989 concernant les mesures à promouvoir pour améliorer la sécurité et la santé des salariés au travail. Il a donc écarté comme non conformes les dispositions réglementaires qui excluaient certains agents contractuels, à savoir les agents non titulaires n'occupant pas un emploi permanent et les agents de droit privé, du corps électoral pour les élections aux comités techniques paritaires dans la fonction publique territoriale. Nous ne pouvons bien évidemment qu'appliquer cette décision.
Ce sujet intéresse au premier chef les organisations syndicales et exige un dialogue et une concertation approfondis. C'est pourquoi Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a inscrit ce point à l'ordre du jour des négociations sur l'évolution de la gestion des ressources humaines dans les trois fonctions publiques qu'il a engagées avec l'ensemble des syndicats de la fonction publique.
C'est dans ce cadre que le Gouvernement ouvrira le débat sur les enjeux relatifs au dialogue social dans les administrations et que sera évoquée de façon très précise la représentation des agents non titulaires au sein des comités techniques paritaires.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de me renvoyer aux organisations syndicales ! (Sourires.) Je suis évidemment tout à fait favorable à ce que la question que j'ai soulevée soit débattue avec ces dernières, mais la situation demeure bloquée dans l'attente de l'issue des négociations. Quoi qu'il en soit, le ministère devra prendre un décret si un accord intervient avec les organisations syndicales.
Cela étant, qu'il soit bien clair que notre objectif n'est pas d'institutionnaliser la précarité ! Nous souhaitons au contraire permettre à des personnels qui ne relèvent pas du statut de la fonction publique et dont les effectifs, aujourd'hui importants, sont certainement appelés à décroître, à défaut, hélas ! de titularisation et d'intégration, de participer tout de même à la prise de décisions concernant leur vie quotidienne au travail.
En l'occurrence, la directive européenne qui a été évoquée me paraît aller plutôt dans le bon sens. Je tiens à le souligner ici, car cette directive européenne, indépendamment des questions de statut, tend à considérer que tous les agents employés par une administration doivent pouvoir être associés, en particulier, au fonctionnement des organes consultatifs sur les conditions de travail.
Je souhaiterais donc que la situation évolue rapidement, afin que nous puissions déboucher sur une issue positive en ce qui concerne les administrations parisiennes. Certes, comme vous l'avez relevé, monsieur le secrétaire d'Etat, la situation parisienne est spécifique, mais, pour l'heure, les titulaires d'emplois-jeunes ou d'autres contrats non permanents ne peuvent prendre part aux élections aux commissions consultatives paritaires. Telle est du moins l'interprétation de la loi retenue par les administrations parisiennes, et il serait dommage que cette situation perdure.
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