Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 31/10/2002
M. Yves Détraigne appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les menaces qui pèsent actuellement sur le développement de la collecte sélective des déchets ménagers. La loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, modifiée par la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992, a fixé le cadre de la politique française en matière de déchets en retenant notamment comme objectif prioritaire la valorisation des déchets, et notamment une valorisation matière. En application de cette loi, le décret n° 92-377 du 1er avril 1992 a confié à des organismes agréés, tel qu'Eco Emballages, la mission de favoriser le développement des collectes sélectives d'emballages ménagers par les collectivités en aidant financièrement à leur mise en oeuvre et en garantissant la reprise des matériaux triés. Le dispositif ainsi mis en place a obtenu un grand succès puisque aujourd'hui plus de 40 millions de Français trient leurs déchets et que ce nombre ne cesse d'augmenter. Malheureusement, dix ans après la mise en place de ce dispositif, la société Eco Emballages vient d'écrire aux collectivités qui ont développé la collecte sélective avec son concours pour les informer que, près d'un tiers des papiers cartons collectés n'étant pas d'origine ménagère et n'ayant pas fait l'objet d'une contribution financière de la part des sociétés les ayant produits auprès d'Eco Emballages, elle mettait en place un " programme d'actions permettant de revenir rapidement à une situation normale et légitime ". Cette prise de position d'Eco Emballages, explicable au regard des risques de déséquilibre financier que fait courir à cette société son propre succès, inquiète légitimement les élus qui redoutent de voir baisser l'aide financière qu'ils reçoivent avec le risque, quasiment certain, de démobiliser bon nombre d'entre eux et de casser l'élan qui avait permis à nos concitoyens de trier leurs déchets. Aussi il demande au Gouvernement ce qu'il envisage pour faire face à cette situation et, notamment, s'il envisage de faire contribuer les producteurs de journaux, magazines et prospectus qui envahissent nos boîtes aux lettres au financement de leur recyclage.
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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 20/11/2002
Réponse apportée en séance publique le 19/11/2002
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 80, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Yves Détraigne. Madame la ministre, l'un des objectifs de la loi du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets est de favoriser le tri à la source des déchets en vue de leur recyclage, notamment de leur recyclage matière.
Pour ce faire, le décret du 1er avril 1992 a confié à des organismes agréés tels que la société Eco-Emballages la mission de recueillir auprès des sociétés productrices de déchets recyclables une contribution afin d'aider financièrement les collectivités locales à mettre en place la collecte sélective et le tri des déchets ménagers.
Le dispositif a très bien fonctionné puisque, aujourd'hui, plus de 40 millions de Français trient leurs déchets.
Malheureusement, la société Eco-Emballages vient d'écrire aux collectivités responsables de la collecte des déchets ménagers pour indiquer qu'elle constatait que près de 30 % des déchets collectés n'étaient pas d'origine ménagère et qu'elle envisageait donc de « mettre en place un programme d'action permettant de revenir rapidement à une situation normale et légitime ».
Cette prise de position est certes explicable au regard du nécessaire équilibre de ses recettes et de ses dépenses, mais elle pose un grave problème, en brisant l'élan qui avait permis de développer le tri des déchets ménagers. Il s'ensuit aujourd'hui une situation de régression, alors même qu'après dix ans d'application la loi commençait à prendre sa pleine ampleur, en tout cas sur le plan de la collecte sélective des déchets ménagers.
Aussi, je souhaite, madame la ministre, que vous indiquiez quelles mesures vous entendez prendre pour remédier à ce risque sérieux et, notamment, si vous envisagez de soumettre à cotisations auprès d'Eco-Emballages ou d'un organisme similaire les producteurs de journaux gratuits, de prospectus et autres magazines qui envahissent nos boîtes aux lettres et qui se retrouvent, bien que ne relevant pas des déchets ménagers, dans les papiers cartons collectés sélectivement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, vous avez raison d'exprimer vos inquiétudes concernant les pratiques actuelles du tri sélectif, qui avait pourtant convaincu nombre de nos concitoyens. Nous observons une stabilisation, pour ne pas dire une régression, de ces bonnes pratiques qui ne saurait nous laisser indifférents.
Vous faites aussi état d'inquiétudes qui sont partagées par nombre d'élus locaux relatives aux aides versées par Eco Emballages aux collectivités locales.
La raison est simple : alors que Eco-Emballages soutient financièrement la reprise de plus de 300 000 tonnes de papier carton trié, des vérifications effectuées en 2001 ont montré qu'un tiers n'était pas d'origine ménagère ou ne relevait pas de la catégorie des emballages.
Autrement dit, vous l'avez signalé, monsieur le sénateur, Eco-Emballages ne perçoit pas le « point vert » auprès des producteurs. Les déchets concernés sont essentiellement des emballages industriels, des papiers de bureau et des journaux et magazines. Les sociétés agréées soutenant les collectivités locales sur une base plus large que celle qu'elles perçoivent, sont mécaniquement mises en difficulté par cette situation. Il faut bien dire que chacun trouvait, jusqu'à récemment, avantage mais que cette situation ne peut ni ne doit perdurer.
Afin de rétablir son équilibre financier, la société Eco-Emballages a mis en place un programme d'action et de contrôle. Cette démarche s'est sans doute faite de manière brutale et sans concertation. Mes services l'ont signalé à Eco-Emballages, mais nous ne pouvons remettre en cause la légitimité de l'intervention, qui vise simplement à faire respecter les engagements pris, dès le départ, par les différents acteurs, sociétés agréées, collectivités locales et filières papetières.
L'espace existe pour trouver des voies de sortie de crise moins conflictuelles et respectueuses des intérêts des uns et des autres.
Au-delà de cet épisode, il convient de mener une réflexion de fond, comme vous nous y invitez, monsieur le sénateur, sur la façon de répondre aux besoins de financement des collectivités locales qui voient le coût du traitement de leurs déchets exploser depuis plusieurs années. L'examen, dans les mois prochains, des agréments des sociétés Eco-Emballages et Adelphe sera l'occasion de définir de nouvelles règles et, le cas échéant, de réviser le barème de la contribution des industriels.
Vous avez cité une autre voie qui doit, à mon sens, être explorée. Elle consiste à faire contribuer les producteurs pour d'autres catégories de déchets que celles qui entrent dans le champ du décret actuel. Je vous confirme qu'un décret concernant les journaux, magazines et prospectus est en cours de préparation, une première version ayant été rejetée en mars dernier par le comité des finances locales. J'ai, comme vous peut-être, noté avec intérêt que l'Assemblée nationale avait adopté vendredi dernier, au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, une disposition allant dans le même sens.
Pour l'avenir, cette situation délicate ne doit pas remettre en cause le bilan, jugé globalement très positif, de l'intervention des sociétés Adelphe et Eco-Emballages. Pour ma part, je ne manquerai pas de veiller au respect des engagements de chaque acteur, à l'égalité de traitement des collectivités et au maintien d'une qualité de concertation entre les acteurs, concertation primordiale pour la bonne réussite du dispositif.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je tiens à vous remercier, madame la ministre, de votre réponse. Elle ouvre des pistes de nature, je n'en doute pas, à rassurer nombre d'élus locaux.
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