Question de M. LONGUET Gérard (Meuse - RI) publiée le 10/10/2002
M. Gérard Longuet rapelle à Mme la ministre déléguée à l'industrie qu'en octobre 1994, Charbonnages de France et les organisations syndicales des salariés concluaient, sous l'autorité du ministre de l'industrie, un accord d'ensemble sur la cessation d'activité programmée pour 2005, l'ensemble de ces mesures constituant le Pacte charbonnier. Alors que l'échéance de cessation d'activité se rapproche, l'application de ce pacte mérite d'être précisé, dans le domaine de l'énergie électrique principalement.
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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 06/11/2002
Réponse apportée en séance publique le 05/11/2002
M. Gérard Longuet. Madame la ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre présence pour répondre à cette question qui, au-delà de la Lorraine, préoccupe l'ensemble des 7 000 salariés de Charbonnages de France.
L'actualité sociale de la rentrée a été marquée en Lorraine et sur le plan national par un mouvement de grève qui a paralysé la Société nationale d'exploitation thermique, la SNET, filiale de Charbonnages de France, et principal producteur indépendant d'électricité thermique.
En réalité, cette grève exprime l'inquiétude qui s'empare des 7 000 salariés de Charbonnages de France au moment où nous approchons de l'échéance ultime de ce que l'on a appelé le « pacte charbonnier », accord d'octobre 1994, qui, grâce au soutien de l'Etat, a permis à Charbonnages de France, en accord avec les principales organisations syndicales, de gérer, dans l'ordre et dans un climat de compréhension sociale, le repli inévitable des activités charbonnières.
Ce climat a d'ailleurs contribué à créer un environnement favorable à la reconversion industrielle d'un certain nombre de sites, en particulier dans l'Est mosellan. Je pense par exemple que la réussite que représente l'implantation de l'usine Smart n'aurait pas été possible dans un climat social tendu, où l'inquiétude légitime des salariés se serait exprimée d'une façon qui aurait dissuadé les investisseurs.
Cependant, une actualité immédiate explique l'inquiétude des salariés : 440 employés de la cokerie de Carling savent que cette activité s'arrêtera vraisemblablement en 2004, faute d'avoir trouvé un repreneur.
A peu près à la même période, l'actionnaire minoritaire actif de la SNET, la société espagnole Endesa, a mobilisé ses cadres et ses dirigeants pour améliorer la productivité de cette société dans un contexte d'incompréhension mutuelle et de tension. Dans ces conditions, le président de la SNET a fait prudemment machine arrière et a reporté des mesures qui se seraient traduites par la remise à la disposition de Charbonnages de France de 360 salariés qui n'auraient pas pu trouver leur place dans les structures actuelles de Charbonnages de France ou des Houillères du bassin de Lorraine.
Compte tenu du climat d'inquiétude qui se développe aujourd'hui, je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez, compte tenu du rôle principal que joue l'Etat en tant qu'actionnaire, en tant que tuteur et, reconnaissons-le, en tant que soutien financier de Charbonages de France, nous apporter des réponses précises concernant le volet industriel, le volet social ainsi que les perspectives de développement.
S'agissant d'abord du volet industriel, pouvez-vous nous confirmer le maintien de l'activité des puits d'extraction en 2003 et en 2004 ? Pouvez-vous également nous indiquer quelles sont aujourd'hui vos relations avec Endesa et quel sera le comportement probable de cet actionnaire, qui s'efforce d'être un acteur mais qui, manifestement, ne trouve pas aujourd'hui les conditions de son développement en France ?
Sur le volet social, ma question est simple : sera-t-il mis fin à l'un des éléments importants du pacte charbonier, le volontariat ? Les pouvoirs publics envisagent-ils de revenir sur le principe 45-25, qui est bien connu des mineurs et qui permet une cessation d'activité après l'âge de quarante-cinq ans dès lors que l'on a effectivement travaillé vingt-cinq ans en sous-sol ? L'hypothèse d'un principe 43-23 vous paraît-elle d'actualité ?
Enfin, madame le ministre, pouvez-vous nous confirmer le maintien, au moins pendant la période couverte par le pacte charbonnier, des fonds dédiés à la reconversion industrielle, à savoir le fonds industriel de la Lorraine, le fonds d'industrialisation du bassin houillier et le fonds d'industrialisation du bassin minier, qui n'est d'ailleurs pas spécifique à la Lorraine ?
Votre réponse, madame le ministre, sera de nature, je l'espère profondément, à apaiser l'inquiétude des salariés, chez qui la mobilisation n'exclut pas le sens des responsabilités, car ils savent parfaitement que le succès de la reconversion industrielle passe par une telle attitude.
M. Nicolas About. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, je saisis l'occasion que me fournit votre question pour souligner le caractère extrêmement positif du bilan que nous pouvons tirer du pacte charbonnier.
Vous connaissez mieux que quiconque le contenu et l'importance de ce pacte puisque vous en avez été, en tant que ministre de l'industrie, le premier artisan, en étroite concertation avec les organisations syndicales.
Le dispositif que vous aviez proposé était particulièrement équilibré. Il comprenait à la fois la garantie de l'emploi pour les agents en activité, le gel des nouvelles embauches, l'instauration de mesure d'âge, l'amélioration des incitations à la reconversion.
L'ensemble de ce dispositif a permis la mise en oeuvre sans heurts de la fermeture progressive de l'extraction charbonnière dans notre pays, tout en offrant aux salariés des charbonnages une évolution de carrière honorable.
Ce climat social apaisé a permis de créer l'environnement favorable que vous avez opportunément souligné, monsieur le sénateur.
La baisse des effectifs a pu être continue et régulière depuis la mise en oeuvre du pacte. En 2004, environ 3 700 agents n'auront pas encore pu bénéficier des mesures d'âge initialement prévues.
Je voudrais souligner qu'il était tout à fait légitime de mobiliser la solidarité nationale pour gérer cette évolution, tant cette industrie a contribué au rayonnement économique de notre pays et aussi, même si c'est de façon indirecte, à la constitution de l'Europe puisque c'est autour du charbon et de l'acier que la Communauté européenne a vu le jour.
En 1994, vous aviez prévu l'arrêt définitif de l'extraction charbonnière avant 2005. Il apparaît aujourd'hui, alors que cette échéance approche, que la fermeture des exploitations devra être anticipée, notamment pour des raisons de sécurité. Les modalités du pacte devront être adaptées pour faire face à cette situation.
Dans cette perspective, j'ai demandé au président de Charbonnages de France de me proposer des adaptations du pacte charbonnier. Ses propositions doivent évidemment s'inscrire dans le cadre de référence de la gestion de la fin de l'extraction charbonnière. Elles devront aussi, le moment venu, faire l'objet de négociation avec les organisations syndicales.
Votre question portait plus précisément sur l'avenir de la SNET et de ses agents. Vous avez évoqué, à juste titre, l'inquiétude que ceux-ci pouvaient nourrir.
Le Gouvernement souhaite assurer la pérennité de la SNET au-delà de la fin de l'extraction charbonnière. Cela ne sera possible que si l'entreprise sait s'adapter à un environnement plus concurrentiel, étant entendu qu'il faut, dans cette perspective, parier sur le dialogue social.
Dans un souci d'apaisement, la direction de l'entreprise a annoncé aujourd'hui l'abandon de son plan initial d'évolution, ainsi que la prolongation de la convention avec Charbonnages de France relative au détachement de ses agents à la SNET. Le Gouvernement ne peut désormais qu'appeler de ses voeux la reprise du dialogue sur ces bases nouvelles, afin que la SNET puisse mettre en oeuvre, dans la sérénité, les évolutions indispensables qui lui permettront d'occuper demain la place ambitieuse qui peut et doit lui revenir dans le paysage électrique français.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Je vous remercie, madame le ministre, de votre réponse. Je me permettrai de formuler trois remarques.
La première concerne la négociation menée sous l'autorité du président Philippe de Ladoucette sur la gestion des derniers mois d'extraction. Les principes de sécurité ont toujours guidé cette activité et nous sommes attentifs à ce que la perspective de la fin de l'extraction ne les voie aucunement négligés.
Ma deuxième remarque vise le volet social. Nous devrions réfléchir ensemble à une formule moins rigide que celle qui est mise en oeuvre actuellement et dans laquelle la fin de l'extraction interdit toute activité à des gens qui sont encore dans la force de l'âge, même s'ils ont beaucoup donné d'eux-mêmes. Le président de Charbonnages de France pourrait, je crois, prendre en compte une telle préoccupation. Du reste, nous avons besoin, dans certains bassins, des compétences et des savoir-faire de ces hommes, qui sont, je le répète, encore assez jeunes et à qui on n'offre d'autre choix que d'être complètement inactifs. Pourquoi donc ne leur donnerait-on pas la possibilité d'enrichir l'activité industrielle de leur bassin, puisqu'ils sont encore en mesure de le faire ?
Ma troisième remarque porte sur la SNET. Il nous faudra de nouveau évoquer cette société dès lors que l'actionnaire extérieur Endesa aura exprimé sa volonté soit de prendre la majorité, comme le pacte d'actionnaires le lui permet, soit, au contraire, de renoncer à cette perspective. Tant que nous n'aurons pas cette réponse de l'actionnaire extérieur principal, l'inquiétude planera sur l'avenir de cette société, une inquiétude vivement ressentie par les salariés. Mais je pense que, dans les mois qui viennent, l'obligation faite à l'actionnaire principal extérieur de s'exprimer permettra de dissiper les ambiguïtés et, le cas échéant, de rouvrir la constitution du capital de cette société.
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