Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 09/10/2002
Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la situation des salariés de Cerruti et celle de la haute couture et du prêt-à-porter en France. Sacrifiés sur l'autel de la productivité et de la rentabilité financière, ils se battent pour défendre leurs droits et leur dignité ainsi que pour préserver l'avenir de la haute couture et du prêt-à-porter à Paris et ailleurs. La haute couture et le prêt-à-porter sont des oeuvres culturelles qui font partie de l'exception culturelle et contribuent grandement au prestige de la France et de sa capitale dans le monde. Les faire passer sous les fourches caudines des logiques de rentabilité financière ne peut qu'avoir des conséquences désastreuses du point de vue économique, social et culturel. L'Etat doit au contraire affirmer la dimension culturelle de la mode en tant que patrimoine vivant qu'il convient d'enrichir et, dans une conjoncture difficile, de sauvegarder. Dans ce cadre, il devrait contribuer à relancer une véritable politique d'apprentissage, des transmissions de savoir et des compétences dans ce secteur, ce qui constituerait une des garanties pour assurer l'avenir de cette branche prestigieuse. Par ailleurs ne s'agirait-il pas de créer un fonds d'aide à la création, comme cela existe pour le cinéma et la chanson ? Car si aujourd'hui il y a encore un cinéma d'auteur en France, on le doit à ce système. Peut-on faire moins pour la création dans la haute couture et dans la mode ? Il serait également souhaitable que la tutelle gouvernementale de la mode en tant qu'industrie culturelle se rééquilibre en faveur du ministère de la culture. Ce rééquilibrage constituerait un premier pas vers la véritable reconnaissance que celle-ci est partie intégrante de l'exception culturelle. Pour toutes ces raisons, elle lui demande que le Gouvernement accueille favorablement la proposition de créer une commission d'enquête parlementaire sur l'activité haute couture et prêt-à-porter parisienne et nationale. Dans l'immédiat, toutes les mesures pour sauver l'emploi et l'avenir de cette branche doivent être prises.
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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 06/11/2002
Réponse apportée en séance publique le 05/11/2002
Mme Nicole Borvo. Cerruti, Yves Saint Laurent, Louis Féraud, Inès de La Fressange : la création française, la haute couture française sont aujourd'hui gravement menacées, monsieur le ministre.
Sacrifiés, les salariés à la productivité et à la rentabilité financière de Cerruti mènent une bataille exemplaire pour défendre leurs droits et leur dignité ainsi que pour préserver l'avenir de la haute couture et du prêt-à-porter, à Paris comme ailleurs. Des représentants de ces salariés sont aujourd'hui dans nos tribunes et vous écouteront avec attention, monsieur le ministre.
Leur révolte a suscité la mise en place d'un comité de soutien qui compte des artistes et de nombreux élus. La Mairie de Paris, sous l'impulsion des élus communistes, a témoigné sa solidarité avec les actions conduites par les salariés et a suspendu tous les partenariats en cours ou en projet avec la maison Cerruti.
Monsieur le ministre, les créations de la haute couture sont des oeuvres culturelles qui font partie de l'exception culturelle et qui contribuent grandement au prestige de la France et de sa capitale dans le monde. La haute couture se situe à la fin de la chaîne, très rentable, du prêt-à-porter et peut être comparée au cinéma.
Ne pas tenir compte de cette spécificité culturelle ne peut avoir que des conséquences désastreuses tant économiques et sociales que culturelles. L'Etat doit, au contraire, affirmer la dimension culturelle de la mode en tant que patrimoine vivant qu'il convient d'enrichir et, dans une conjoncture difficile comme celle que nous connaissons aujourd'hui, de sauvegarder.
Dans ce cadre, l'Etat devrait contribuer à relancer une véritable politique d'apprentissage, des transmissions de savoir et des compétences dans ce secteur, ce qui constituerait l'une des garanties pour assurer l'avenir de cette branche prestigieuse.
Par ailleurs, ne s'agirait-il pas de créer un fonds d'aide à la création, comme il en existe pour le cinéma et la chanson ? Car si, aujourd'hui, il y a encore un cinéma d'auteur en France, on le doit à ce système. Peut-on faire moins pour la création dans la haute couture et dans la mode ?
Il serait également souhaitable que la tutelle gouvernementale exercée sur la mode en tant qu'industrie culturelle soit rééquilibrée en faveur du ministère de la culture. Ce rééquilibrage constituerait un premier pas vers la véritable reconnaissance de la mode en tant que partie intégrante de l'exception culturelle.
Je souhaiterais également que vous accueilliez favorablement la proposition de créer une mission d'enquête parlementaire sur l'activité haute couture et prêt-à-porter tant parisienne que nationale. Dans l'immédiat, toutes les mesures pour sauver l'emploi et l'avenir de cette branche doivent être prises. Quel est votre avis sur cette question, monsieur le ministre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, jeudi dernier, la maison Yves Saint Laurent Haute Couture a fermé définitivement ses portes. L'avenir de la haute couture fait, bien sûr, partie de mes préoccupations et de celles du Gouvernement. Comment pourrait-il en être autrement ? Cette préoccupation se porte sur l'ensemble du secteur de la mode et de la couture, y compris la situation de l'entreprise Cerruti et de ses salariés.
La dimension culturelle de la mode est incontestable ; elle est d'ailleurs hautement reconnue dans notre pays, dont les créateurs jouissent d'un statut prestigieux. Cette dimension est illustrée par l'action de nombreuses institutions culturelles, notamment les musées de la mode et du costume : à Paris, le musée Galliera, qui relève de la Ville de Paris, et la section de la mode et du costume du Musée des arts décoratifs, qui relève de l'Etat.
Elle est également illustrée par les nombreux dispositifs mis en place par le ministère de la culture et de la communication, notamment par la délégation aux arts plastiques en faveur de la formation des jeunes créateurs ou de la transmission des savoirs. S'il existe encore une activité de fabrication de dentelle d'Alençon dans notre pays, par exemple, c'est grâce à la création de l'Atelier national de la dentelle par le ministère de la culture.
La dimension industrielle du secteur n'en est pas moins évidente. Cette activité de création engendre, vous le savez, une économie massive, en général florissante. Nous pouvons, certes, intensifier une aide déjà soutenue à la formation et à l'apprentissage, notamment dans le cadre de nos écoles d'art. L'Etat ne peut cependant pas envisager de prendre en charge ou de protéger directement, de façon artificielle, l'ensemble de ce vaste secteur.
Il appartient aux professionnels d'assumer, dans ce domaine, leur entière responsabilité. Si la mode existe en France, si l'économie de la mode contribue largement à l'équilibre de la balance commerciale et au rayonnement de notre pays dans le monde, il revient aussi aux professionnels d'assumer l'ensemble de leurs responsabilités à l'égard du phénomène de la création. D'ailleurs, la plupart des professionnels le savent.
Que certaines maisons ferment est, certes, toujours regrettable, mais telle est l'histoire de la mode dans notre pays. Parallèlement, à chaque saison de défilé, nous constatons avec bonheur que de nouvelles maisons, animées par de jeunes créateurs, apparaissent sur le devant de la scène.
Dans ces conditions, madame la sénatrice, la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'activité haute couture et le prêt-à-porter est-elle nécessaire ? Le sujet est important. Votre souhait traduit une inquiétude tout à fait légitime que je partage. Je n'ai cependant pas, vous le savez, à me prononcer sur cette question, la constitution d'une commission d'enquête parlementaire relevant de la décision souveraine de la Haute Assemblée. Si, en tout cas, une telle commission était créée, je répondrais à son invitation très volontiers.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse qui, cependant, conforte mes inquiétudes.
Nous avons récemment eu un débat, dans cette enceinte, sur la situation de l'industrie textile. Je rappelle que le secteur du textile-habillement, auquel sont rattachés la mode et le prêt-à-porter, va mal. Alors qu'elle employait un million de salariés à la fin des années soixante, la filière textile-habillement-cuir connaît, depuis les années soixante-dix, un processus continu de régression : en trente ans, elle a perdu les deux tiers de ses effectifs, soit environ 20 000 emplois par an, et l'hémorragie continue, au rythme de 2 000 suppressions d'emplois par mois.
N'est-il pas temps aujourd'hui, au regard de la situation, d'oser d'autres choix et de faire preuve de plus de volontarisme ? Telle est la question sur laquelle nous avions débattu, notamment en ce qui concerne le versant industriel. Or, nous pensons que l'avenir de la haute couture est lié à celui du secteur industriel.
Il serait souhaitable, selon moi, dans un premier temps, d'ouvrir l'actuel comité de développement et de promotion de l'habillement, alimenté par les taxes parafiscales, pour permettre des actions de promotion du secteur de l'habillement contrôlé par l'Etat et l'aide à la création, comme le souhaite d'ailleurs la Mairie de Paris, qui vous saisira sans doute de cette question.
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