Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 01/08/2002

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'inopportunité et les dangers de la poursuite des programmes de vente d'armes au Pakistan et à l'Inde. Elle n'a pas besoin de lui rappeler le terrible attentat de Karachi du 8 mai dernier qui a coûté la vie à 14 personnes dont 11 salariés de la direction des constructions navales (DCN) et qui a suscité une émotion générale dans le pays. Cet attentat odieux a dévoilé à l'opinion publique l'existence d'un contrat de livraison de 3 sous-marins de type Agosta 90B par la DCN au Pakistan auquel la France fournit aussi des dragueurs de mines et pour lequel l'entreprise française Dassault modernise la flotte de Mirage V. La presse a également fait état depuis le 8 mai de la signature d'un contrat de livraison de 6 sous-marins de type Scorpène par la DCN à l'Inde. Dans un contexte régional particulièrement instable, au moment où les tensions et l'escalade militaire entre le Pakistan et l'Inde font courir des risques graves à la paix dans cette partie du monde, ce que reflètent les consignes de plusieurs gouvernements occidentaux à leurs ressortissants de quitter la région en raison " de risques majeurs de conflit ", la poursuite et la mise en oeuvre de ces programmes d'exportation d'armes lui semblent particulièrement choquants sur le plan éthique et irresponsables en politique extérieure. Concernant les contrats signés avec le Pakistan, qui de surcroît entraînent d'importants transferts de technologie, elle souligne qu'ils se situent depuis leur signature en 1994 en contradiction avec l'ensemble des critères adoptés par l'Union européenne sur les exportations d'armements : respect des droits de l'homme dans le pays destinataire, existence de conflits ou de tensions intérieurs, comportement du pays notamment vis-à-vis du terrorisme, compatibilité de l'achat avec les capacités économiques du pays... Sur ce dernier point, elle lui rappelle aussi les conclusions du rapport de la Cour des comptes d'octobre 2001 sur les industries d'armements de l'Etat qui démontre comment le contrat d'exportation des sous-marins Agosta 90B était déficitaire dès le départ et constitue un lourd foyer de pertes pour la DCN. Elle lui fait part enfin de l'opposition massive des salariés de la DCN et de leurs organisations syndicales à la poursuite d'une politique d'exportation d'armements hasardeuse économiquement, injustifiable sur le plan éthique et contradictoire avec le statut et les missions d'intérêt national de leur service et leur refus de voir leur entreprise suivre une logique de " marchand de canons ". Au regard de tous ces éléments, elle lui demande de lui indiquer sa position sur la poursuite des ventes d'armes françaises au Pakistan et à l'Inde. Elle lui demande également de lui communiquer l'ensemble des programmes en cours concernant ces deux pays et leur montant. Enfin, elle lui demande quelles dispositions il compte prendre pour détourner la DCN d'une politique d'exportation néfaste économiquement et contraire à ses missions et à son statut dans un contexte où il annonce lui-même d'importantes commandes à venir de la Marine nationale.

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Transmise au Ministère de la défense


Réponse du Ministère de la défense publiée le 13/02/2003

La France respecte scrupuleusement les mesures restrictives édictées par la communauté internationale en matière d'exportations d'armements à l'égard de l'Inde et du Pakistan. De plus, la France inscrit pleinement sa pratique du contrôle des exportations d'armement dans le cadre du code de conduite européen sur les exportations d'armements du 8 juin 1998. Il n'apparaît pas que les exportations auxquelles fait référence l'honorable parlementaire soient contraires aux principes retenus tant sur le plan national qu'international. Elles ne sont pas, au surplus, de nature à changer la situation ou les équilibres existant entre les deux protagonistes, Etats souverains, dont nul ne songe, pour l'un, à contester le caractère démocratique, et dont tous s'accordent, pour l'autre, à saluer les efforts dans la lutte contre le terrorisme et pour la démocratisation. La France entretient des relations continues depuis plus de trente ans avec le Pakistan dans le domaine de l'armement. Les forces pakistanaises disposent ainsi d'hélicoptères Alouette III et Puma, d'avions Mirage III/V, de batteries anti-aériennes Crotale, de missiles AM 39 Exocet, d'avions de patrouille maritime Atlantic 1 et de sous-marins Daphné et Agosta. Le contrat de commande de trois sous-marins classiques de type Agosta 90 B a été signé le 21 septembre 1994 pour un montant d'environ 800 M EUR. La maîtrise d'oeuvre de la réalisation de ces sous-marins est assurée par DCN. Le premier bâtiment, fabriqué à Cherbourg, est en service dans la marine pakistanaise depuis 1999. L'assemblage du second s'achève à Karachi et la construction du troisième a commencé. Ce contrat a permis à DCN de maintenir une activité et une compétence dans le domaine des sous-marins conventionnels au moment où la forte réduction des commandes nationales aurait pu contribuer à installer durablement dans les établissements une situation de sous-productivité préjudiciables à la bonne exécution des programmes nationaux. Par ailleurs, le contrat concernant la révision générale de 40 avions Mirage III/V d'occasion issus des stocks de l'armée de l'air française, d'un montant d'environ 80 M EUR, signé en 1996 avec SAGEM, prévoyait une opération de maintenance incluant une modernisation de l'avionique pour 20 d'entre eux. L'option de la modernisation de l'avionique de 14 autres avions a été signée en juillet 2002. Enfin, un flux moyen annuel de 45 M EUR de commandes pakistanaises résulte de la fourniture de rechanges destinées à assurer le maintien en l'état des matériels français livrés au cours des années antérieures. L'Inde a lancé peu de programmes majeurs au cours des cinq dernières années. Cependant, l'année 2000 a été marquée par l'achat de 10 Mirage 2000 RDM pour un montant d'environ 300 M EUR. Les autres commandes actuellement en cours d'exécution sont essentiellement : la fourniture, avec option de licence, du moteur Snecma Larzac 04-20 en vue du développement de l'avion d'entraînement indien HJT 36 ; la livraison par Turbomeca de 82 moteurs TM 333-3B2 pour l'hélicoptère indien ALH ; le renouvellement de la licence de fabrication de missiles antichar Milan et de la fourniture de kits de fabrication ; la livraison par Thales Optronique de 330 caméras thermiques Catherine FC ; la fourniture, pour 130 M EUR par an environ, de rechanges destinées à assurer le maintien en l'état des matériels français livrés au cours des 30 dernières années. L'exportation des sous-marins Agosta 90 B vers le Pakistan est le seul contrat de DCN en vigueur concernant l'un de ces deux pays. Actuellement, l'exportation représente pour DCN plus du quart de son activité et mobilise à cet effet une proportion globalement équivalente de ses ressources humaines. Dans ces conditions, un repli de DCN sur le seul créneau national ne pourrait se traduire que par la nécessité d'une adaptation de ses effectifs à ce contexte plus limité et conduirait progressivement à sa marginalisation au niveau européen.

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