Question de M. DÉSIRÉ Rodolphe (Martinique - RDSE-R) publiée le 11/07/2002

M. Rodolphe Désiré souhaite faire part à Mme la ministre de l'outre-mer de ses préoccupations concernant la crise que connaît le secteur du tourisme martiniquais, crise non pas conjoncturelle mais structurelle, résultant de multiples facteurs. Tout d'abord, la Martinique souffre, depuis 1998, d'un arrêt des investissements touristiques privés, consécutif à la mise en cause de la loi de défiscalisation de 1986 (n° 86-824 du 11 juillet 1986), sans qu'aucune autre source de financement n'ait été envisagée. Une illustration de cette carence en investissement nous est donnée par le parc hôtelier martiniquais, encore largement insuffisant que ce soit quantitativement (on compte environ 5 000 chambres dans la grande, moyenne et petite hôtellerie) ou qualitativement (déficit en hôtels haut de gamme). Aussi, la concurrence des autres îles de la Caraïbe (Cuba, Saint-Domingue...) ne cesse de croître depuis le début des années quatre-vingt-dix sans que rien de significatif n'ait été fait pour la contrer. Cela est d'autant plus préjudiciable que ces îles ont procédé au développement intensif de leur capacité d'accueil et à une conquête du marché européen, en particulier français. Or la métropole a toujours été le gisement naturel de clientèle touristique de la Martinique. S'agissant de la desserte aérienne, on se trouve aujourd'hui dans une conjoncture totalement différente de celle des années 80-90. A cette époque, la libéralisation des transports français vers les Antilles avait institué une concurrence souvent féroce entraînant une baisse des tarifs allant jusqu'au " dumping ". Actuellement, la compagnie nationale se trouve dans une situation de concurrence fortement préjudiciable aux usagers (touristes, socioprofessionnels, utilisateurs du fret...) à destination des départements d'outre-mer. Enfin, le tourisme martiniquais a souffert de la non-application du schéma de développement et d'aménagement touristique (SDAT) prescrit par la loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992. Véritable processus de dynamisation, fruit d'un long travail collectif impliquant l'ensemble des acteurs du secteur, le SDAT pointait les réelles potentialités touristiques de la Martinique. Pourtant adopté en juin-juillet 1999 par les deux assemblées territoriales à l'unanimité moins une voix, ce dernier n'a malheureusement pas vu la moindre de ses propositions s'appliquer jusqu'à ce jour. Cela est d'autant plus dommageable que le SDAT préconisait, entre autres, la sensibilisation de la population à l'importance du secteur touristique dans le développement de l'économie locale ainsi qu'une vigoureuse politique de promotion de notre île. Aujourd'hui, le tourisme, qui est un secteur d'exportation moderne de services, ne doit plus être traité comme une simple " économie de cueillette ", autrement dit comme un secteur subsidiaire de l'économie martiniquaise. Le retour à la confiance (des clients et des opérateurs) ainsi que le développement d'un tourisme durable ne s'obtiendront que si des problématiques aussi cruciales que l'amélioration de la desserte, la création de nouveaux " produits ", la relance de l'investissement ou le renforcement du professionnalisme des opérateurs, font l'objet d'un traitement privilégiant une vision à long terme. C'est pourquoi il lui demande si elle ne croit pas nécessaire, comme il l'avait déjà suggéré il y a quelques années, de reposer à la base, avec tous les acteurs concernés (pouvoirs publics, socioprofessionnels, responsables politiques...), le problème d'une relance globale du tourisme français dans les départements français d'Amérique.

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Réponse du Ministère de l'outre-mer publiée le 24/10/2002

L'honorable parlementaire a attiré l'attention de la ministre de l'outre-mer sur les difficultés que rencontre actuellement le secteur touristique à la Martinique. Il y a lieu d'observer à ce sujet que le Gouvernement reste particulièrement attentif au développement de ce secteur en Martinique, et plus largement dans les départements d'outre-mer. Les difficultés actuelles du transport aérien et du tourisme ont conduit les ministères concernés à envoyer sur place, en mai 2001, une mission interministérielle chargée, d'une part, de dresser un constat de l'évolution de la desserte aérienne de ces départements et de proposer des solutions pour améliorer cette situation et, d'autre part, d'analyser les raisons de la baisse de fréquentation des structures hôtelières et proposer des pistes de réflexion pour tenter de l'enrayer. Il peut être précisé que le recul de l'offre de sièges qui avait été constaté au début de l'année 2001 résulte principalement de la diminution des fréquences de desserte d'Air Liberté et d'AOM (suite à leur regroupement) et de l'arrêt des vols d'Aérolyon. Mais la baisse de l'offre de sièges ne saurait expliquer à elle seule le recul de l'activité touristique constatée aux Antilles, dès lors que ce recul porte non seulement sur le tourisme de séjours autres que les plaisanciers et excursionnistes (38 000 personnes de moins en Martinique en 2000 par rapport à 1999, mais 66 000 en moins en 2001 par rapport à l'année 2000. De sorte que de 1999 à 2001, en deux ans, le nombre de ces touristes de séjours est passé de 564 000 à 460 000, soit une baisse de 18,5 %), mais aussi et de façon plus forte encore en valeur relative sur le tourisme de croisière (202 400 passagers en 2001 en Martinique contre 428 000 en 1995, soit une baisse de plus de 52 % en six ans ; 361 700 en 2001 à Pointe-à-Pitre contre 610 000 en 1996, soit une baisse de 40,7 % en quatre ans). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution, notamment, en premier lieu la concurrence accrue des autres destinations du bassin caraïbe qui se fait de plus en plus sentir ; il s'agit de pays plus récemment équipés en hôtellerie, tels que Cuba ou la République dominicaine : le nombre total des visiteurs originaires de métropole s'étant rendus dans ces deux pays a crû de 250 % entre 1996 et 2001, passant de 95 000 à 333 000. La ministre de l'outre-mer et le secrétaire d'Etat au tourisme ont tenu une première réunion de travail le 24 septembre 2002 pour examiner les conditions de relance du tourisme outre-mer. La nécessité de bâtir un plan d'urgence, en étroite concertation avec les collectivités locales, les acteurs institutionnels et professionnels, a été au centre des discussions entre les deux ministres compte tenu du bilan préoccupant que présente l'activité touristique ultra-marine, en particulier aux Antilles et en Guyane. Les principaux thèmes abordés ont concerné : l'amélioration et la diversification des produits touristiques, la promotion des destinations outre-mer, la question de la desserte aérienne, ainsi que l'amélioration de l'environnement social. Un programme et un calendrier de travail ont été mis au point. Par ailleurs, des mesures de soutien et de relance de ce secteur sont d'ores et déjà à l'étude dans le cadre de la future loi de programme pour l'outre-mer.

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