Question de M. BAILLY Gérard (Jura - RPR) publiée le 04/07/2002
M. Gérard Bailly appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la difficulté qu'éprouvent certaines personnes de la famille Romand de voir à nouveau leur nom traîné dans la boue à l'occasion d'un film récent du festival de Cannes reconstituant une affaire criminelle qui avait fait grand bruit à l'époque. Les réalisateurs de films ne devraient-ils pas être tenus d'utiliser des pseudonymes lorsqu'ils mettent en scène des faits réels pouvant être douloureux pour la descendance ou parenté et qui ne sont pas encore tombés dans le domaine historique ? Il aimerait connaître la législation exacte à ce sujet et dans quelle mesure les dispositions de l'article 9 du code civil relatives aux atteintes à la vie privée ne pourraient-elles pas s'appliquer.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 22/08/2002
Le garde des sceaux, ministre de la justice, conscient de la difficulté que peut constituer pour des familles la réalisation de livres ou de films portant sur des faits réels et récents les concernant, fait connaître à l'honorable parlementaire que la protection de la vie privée à l'égard des atteintes pouvant résulter d'une oeuvre littéraire ou artistique lui paraît difficilement pouvoir être assurée par une norme générale prescrivant le maintien de l'anonymat de toutes les personnes directement ou indirectement parties prenantes à des faits de l'actualité ayant donné lieu à des décisions judiciaires. Il importe de souligner à cet égard que le droit au respect de la vie privée peut entrer en conflit avec d'autres droits fondamentaux qui imposent à celui-ci des limitations. S'agissant d'un procès amplement médiatisé, il en va ainsi de la liberté d'expression et de communication ainsi que du principe de publicité des jugements et des débats. Cette exigence de conciliation fonde la compétence du juge judiciaire, gardien des libertés, lequel, statuant, au cas par cas, est appelé à rechercher un équilibre pour chaque cause. L'article 9 du code civil, qui pose le principe du respect de la vie privée de toute personne, donne un cadre législatif à cette recherche et prévoit que peuvent être décidées toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée. Dès lors qu'une telle atteinte est établie, cette disposition est donc susceptible de recevoir application dans des espèces comparables à celles à laquelle l'honorable parlementaire fait référence. Sous réserve du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, une mesure propre à assurer le strict anonymat des personnes mises en scène par une oeuvre de fiction pourrait alors être prononcée. Il convient cependant de relever que la recherche d'une conciliation entre le " droit à l'oubli ", propre à garantir la protection de la vie privée de certaines personnes mêlées involontairement à des événements dramatiques de l'actualité, et l'attente légitime du public à l'égard d'une tentative historique ou artistique pour reconstituer ceux-ci conduit le juge, s'il est saisi, à apprécier l'ensemble des circonstances de la cause. En l'espèce, on peut estimer que cette appréciation porterait notamment sur la nature exacte des détails relatifs aux proches de M. Jean-Claude Romand, ou à leurs descendants, qui figurent dans le film l'Adversaire, sur le caractère plus ou moins nécessaire qu'y présente leur évocation compte tenu du sujet traité, ainsi que sur la connaissance qu'a pu déjà avoir le public de ces informations par le biais des débats judiciaires et des oeuvres précédemment consacrées à l'affaire Romand.
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