Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC) publiée le 18/07/2002
M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les préoccupations exprimées par les conseils généraux et, notamment, celui de la Meuse, à l'égard des transferts de charges insuffisamment compensés opérés par le Gouvernement précédent qui risquent de les obliger à augmenter la pression fiscale pesant sur les contribuables locaux : il s'agit, notamment, de la montée en puissance de l'allocation personnalisée d'autonomie, de la généralisation des 35 heures, voire de la réforme des services d'incendie et de secours (SDIS). Il le prie de bien vouloir préciser les mesures que le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre visant à garantir aux départements des ressources suffisantes et évolutives leur permettant de faire face à ce surcroît, sans précédent, de dépenses.
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Réponse du Ministère délégué aux libertés locales publiée le 23/10/2002
Réponse apportée en séance publique le 22/10/2002
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, au cours du mois de juillet 2002, la presse s'est largement fait l'écho de la situation paradoxale à laquelle nos compatriotes allaient être confrontés cette année. Au moment même où le Gouvernement confirmait, à juste titre, la baisse de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, les départements allaient, de leur côté, devoir augmenter les impôts locaux, au risque de brouiller le message gouvernemental.
Dans ces conditions, les contribuables peuvent se demander si on ne leur reprend pas d'une main ce que l'on leur donne de l'autre !
Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce que le gouvernement précédent a, directement ou indirectement, transféré un certain nombre de charges aux départements sans prévoir aucune compensation financière.
Je pense, tout d'abord, à la réforme des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, réforme qui se traduit par une montée en puissance progressive des engagements substantiels de dépenses pour les départements. Ainsi, les dépenses de fonctionnement des SDIS augmentent de plus de 10 % en 2002 par rapport à 2001.
Je pense, ensuite, à la généralisation des 35 heures à la fonction publique territoriale qui a été mise en place sans aucune concertation préalable avec les associations représentatives d'élus.
Elle n'est, bien entendu, assortie d'aucune aide financière de l'Etat, contrairement à ce qui se passe pour les entreprises du secteur privé. C'est ainsi que l'application de cette mesure a imposé de nombreuses embauches de personnels dans les conseils généraux et dans les établissements de soins départementaux. Les dépenses liées à la mise en place des 35 heures augmentent donc de 7,6 % en 2002 par rapport à 2001.
Je pense, enfin, à la mise en oeuvre de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie. Dieu sait si le Sénat et l'Assemblée des départements de France avaient, en leur temps, tiré la sonnette d'alarme ! Mais rien n'y fit ! Aujourd'hui, nous voyons la traduction chiffrée de cette réforme. Une fois de plus, l'Etat a été particulièrement généreux avec les deniers des départements et, donc, des contribuables locaux.
L'APA est, en effet, financée pour plus des trois quarts par les départements. L'Observatoire national de l'action sociale décentralisée a chiffré le surcoût pour ceux-ci à 1,7 milliard d'euros pour la période 2002-2003, soit 11 milliards de francs. L'augmentation globale du poids de l'aide sociale s'élève à environ 13 % par an. En 2002, les départements vont consacrer près de 4 milliards d'euros aux personnes âgées, soit une progression de 42,5 % par rapport à 2001.
Contrairement au budget de l'Etat, les budgets de fonctionnement des départements doivent être équilibrés. Dès lors, il ne faut guère s'étonner qu'après une pause fiscale de plusieurs années ces derniers se voient, la mort dans l'âme, dans l'obligation de majorer leur fiscalité. Ainsi, la direction générale des collectivités locales, la DGCL, vient de confirmer que soixante-huit départements ont relevé leur taux d'imposition en 2002 !
Il convient d'ajouter que leur situation financière est également rendue difficile du fait de la suppression d'un certain nombre d'impôts. Ils sont remplacés par des compensations dont le montant est fixé par l'Etat : suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, suppression de la vignette automobile, baisse des droits de mutation.
Non seulement l'autonomie fiscale des départements s'en trouve considérablement réduite, mais, de plus, ils subissent une perte nette de recettes, les compensations étant toujours insuffisantes.
Ainsi les conseils généraux sont-ils condamnés à un redoutable effet de ciseaux : baisses de leurs recettes, d'une part, majoration de leurs dépenses, d'autre part.
L'inscription dans la Constitution du principe de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales constituera une bonne et saine réforme, mais elle ne suffira pas à régler les problèmes que je viens d'évoquer.
Permettez-moi donc de vous demander, monsieur le ministre, quelles mesures vous comptez proposer afin que soit compensé, pour les départements, le surcroît de dépenses provoqué par la mise en oeuvre de l'APA.
Par ailleurs, la volonté décentralisatrice exprimée par le Président de la République et par le Premier ministre - que je partage pleinement - ne devra pas se traduire, de la part de l'Etat de plus en plus impécunieux, par des transferts de compétences supplémentaires en direction des régions et des départements, transferts qui seraient, à nouveau, insuffisamment compensés.
Il faudra, dès lors, envisager, de façon concomitante, le transfert partiel d'un impôt d'Etat, faute de quoi les dérives que je viens de dénoncer ne pourront que s'aggraver.
Je compte beaucoup sur vous, monsieur le ministre, pour tenir compte des préoccupations que je viens d'évoquer et pour les relayer. Comme vous le savez, les prélèvements obligatoires sont constitués par la fiscalité d'Etat tout autant que par la fiscalité locale. Il ne servirait à rien de baisser la première et de favoriser l'augmentation de la seconde, car cela ne changerait rien au niveau global des prélèvements et ce seraient toujours nos compatriotes qui auraient à en supporter le poids.
En vérité, il faut tout mettre en oeuvre pour garantir aux départements, mais aussi aux régions, aux communes et à l'intercommunalité des ressources suffisantes et évolutives leur permettant de faire face à leurs dépenses. Pour concrétiser cette ardente obligation, vous pourrez compter, monsieur le ministre, sur l'appui du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Biwer, la description que vous donnez de la situation est exacte.
Celle-ci est en effet particulièrement critique pour l'allocation personnalisée d'autonomie. Je rappelle les chiffres : le gouvernement précédent avait prévu d'accorder une dotation pour l'APA de 800 millions d'euros par an ; or, à elle seule, l'APA coûtera 2 milliards d'euros en 2002 et 3,5 milliards d'euros en 2003, la part de l'Etat restant de 800 millions d'euros.
Le Gouvernement étudie donc un dispositif de nature à soutenir les départements, car cette dépense considérable a une forte incidence sur leur fiscalité.
S'agissant des SDIS, l'article 72 du projet de loi de finances pour 2003 prévoit un fonds d'aide à l'investissement.
Au-delà de ces phénomènes conjoncturels, auxquels il faut faire face et qui font partie, en quelque sorte, de l'héritage, c'est la réforme constitutionnelle qui protégera dorénavant les collectivités territoriales de telles dérives.
Quatre principes seront posés dans le dispositif financier.
Premier principe, la libre disposition de leurs ressources par les collectivités territoriales sera affirmée expressément dans la Constitution. Ainsi, sans même parler de transfert, l'Etat ne pourra plus créer de nouvelles prestations et en imposer, par la voie législative, la charge aux collectivités locales.
Deuxième principe, dont la pleine application impliquera nécessairement une montée en puissance progressive, les ressources propres des collectivités territoriales devront représenter une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. J'indique à ce propos que le Conseil d'Etat a estimé que l'adjectif « déterminant » avait plus de force que l'adjectif « prépondérant », dont le Sénat défendait l'emploi.
Troisième principe qui sera transcrit dans la Constitution, les transferts de compétences seront obligatoirement accompagnés du transfert des ressources correspondantes qui étaient affectées à l'exercice de cette compétence par l'Etat.
Ce principe avait déjà été énoncé dans le cadre des réformes Deferre, mais il l'avait été dans la loi ordinaire. De ce fait, le Conseil constitutionnel ne sanctionnait pas son non-respect. Dorénavant, il figurera dans la Constitution et s'imposera donc avec force.
Quatrième principe, l'Etat aura désormais l'obligation de corriger les inégalités de ressources des territoires, notamment par la péréquation, et cette obligation sera générale.
L'inscription de ces quatre principes dans nos fondements institutionnels conduira par la suite, bien sûr, à des réformes financières et fiscales qui garantiront à l'avenir la libre autonomie financière des collectivités territoriales. La réforme constitutionnelle devrait donc, sur le fond, vous donner satisfaction, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos propos rassurants. Je note la volonté de changer de méthode et de manière.
Je rappelerai seulement qu'il appartient aux collectivités départementales et communales aussi de favoriser la création d'emplois sous différentes formes, en mettant en place les dispositifs utiles et les équipements qui créent l'environnement de l'entreprise. Il faut donc absolument que ces collectivités aient la possibilité d'exercer pleinement leurs pouvoirs, c'est-à-dire qu'elles puissent consacrer les impôts qu'elles votent à leurs investissements, ce qui implique qu'elles ne soient pas trop « pompées ».
J'observe à ce propos, étant maintenant plus souvent à Paris, que les impôts locaux y sont moins chers que dans ma région. (Sourires.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Paris est riche !
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