Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 22/02/2002
Question posée en séance publique le 21/02/2002
Ma question s'adresse à M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
Lors de la trente-deuxième édition du Forum économique mondial, venus de 106 pays, des centaines de décideurs du monde politique, économique ou financier ont débattu d'un vaste éventail de sujets, dont la réduction de la pauvreté, la lutte contre la récession et contre le terrorisme dans le monde après les attentats du 11 septembre.
Ce forum, porteur à la fois d'avancées et d'incertitudes, a donné lieu à un certain nombre de propositions.
Bien sûr, on a parlé de « mondialisation », un mot qui suscite invariablement les mêmes remarques, laissant perpétuellement de côté l'analyse.
La mondialisation n'est pas l'apocalypse planétaire que certains décrivent. Elle n'est pas non plus la panacée dont d'autres rêvent avec plus ou moins de naïveté. Elle suscite la réflexion et appelle à une certaine discipline. Loin de la diaboliser a priori, il faut lui donner un sens, c'est-à-dire lui assigner des finalités et des perspectives. Il faut aussi en maîtriser le cours en évitant que ceux qui la dénoncent ne glissent vers un nationalisme frileux.
Bref, il s'agit de bâtir un monde humain et ouvert, et de le bâtir sur des bases solides de justice et de progrès social, un monde organisé, rassemblé dans une construction politique devenue nécessité, un monde régulé, fondé sur des valeurs de coopération, de solidarité, et non sur des rapports de force.
Ce qui est notamment en jeu, c'est la définition des moyens permettant de mieux maîtriser les capitaux spéculatifs, de renforcer l'aide au développement, de revoir la dette publique des pays pauvres, d'encadrer une économie de marché que certains veulent débridée, de mieux redistribuer les richesses.
Une nouvelle culture a émergé. Une pensée et une vision du monde se sont affirmées. Porto Alegre a démontré que les décideurs multinationaux, essentiellement mus par la course au profit, devaient composer avec des aspirations fortes que le capitalisme sauvage ne saurait satisfaire.
Monsieur le ministre, quel sentiment retirez-vous de votre passage au Forum économique mondial ? Comment, en particulier, articuler questions sociales et questions géopolitiques ? Pouvez-vous nous faire part de vos impressions sur les différentes prises de position dans ce débat, sachant que, à nos yeux, l'unilatéralisme et le simplisme de la politique des Etats-Unis ne laissent guère présager une évolution positive du mouvement de globalisation.
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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 22/02/2002
Réponse apportée en séance publique le 21/02/2002
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur-maire de Château-Chinon. (rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants),...
M. Gérard Larcher. Comme quoi c'est bon de cumuler !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. ... depuis 1997, le gouvernement de Lionel Jospin a agi à tous les niveaux et dans toutes les négociations pour que nous puissions progresser vers une mondialisation maîtrisée.
En effet, il ne s'agit pas de contester le phénomène en soi, qui comporte d'ailleurs des potentialités créatrices, libératrices et enrichissantes sur tous les plans ; il convient simplement d'essayer d'en maîtriser les aspects destructeurs, néfastes ou déstabilisants. En tout cas, on ne peut pas, sur ce sujet, se contenter d'incantations, car nous avons à surmonter des obstacles considérables.
Il existe dans le monde des forces énormes de dérégulation, au sens le plus brutal du terme, qui sont en même temps des forces de nivellement. C'est cela que nous voulons maîtriser.
Nous devons, bien sûr, mener notre action propre, en tant que Français, mais aussi agir à l'échelon européen. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, il faut compléter la coalition contre le terrorisme qui s'est imposée à nous tous depuis le 11 septembre par une coalition pour un monde équitable et pluraliste. C'est ce même message de régulation, de maîtrise de la mondialisation que nous avons porté à Davos, à New York et à Porto Alegre. Les différents membres du Gouvernement qui se sont déplacés tant à New York qu'à Porto Alegre ont tenu le même discours. A New York, il s'agissait d'écouter, d'interpeller, de contester et de présenter des contre-propositions. A Porto Alegre, il s'agissait d'écouter et de dialoguer. Dans tous les cas, l'objectif est de rassembler les forces qui veulent voir s'instaurer un autre type de mondialisation. C'est dans ce sens que nous agissons.
J'ajoute que tous ces efforts seraient évidemment beaucoup plus efficaces si nos amis américains se réengageaient, comme le Premier ministre français les y a appelés voilà quelques jours, dans une approche multilatérale du monde. Tant que cette évolution reste hypothétique, nous persévérons à défendre nos propres idées et à agir en conséquence. Mais on voit bien quelles perspectives ouvrirait une véritable entente entre les Etats-Unis et l'Europe sur ce grand objectif qu'est la maîtrise de la mondialisation et sur lequel nous continuerons à travailler.
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