Question de Mme LÉTARD Valérie (Nord - UC-UDF) publiée le 24/11/2001

Mme Valérie Létard attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés financières grandissantes que rencontrent les mutuelles qui avaient décidé de participer au dispositif de prise en charge complémentaire qui a été mis en place par la loi n° 99-641 du 29 juillet 1999 créant la couverture maladie universelle. En effet, le panier de soins qui avait été prévu à l'origine pour couvrir les besoins d'une personne pour un an avait été estimé à 1500 francs. En réalité cette enveloppe s'est révélée insuffisante et le coût pour les mutuelles est toujours largement supérieur à cette limite. Devant cette sous-estimation du financement, les mutuelles engagées dans le dispositif n'ont de choix qu'entre renoncer à participer à cette mesure ou augmenter encore le montant des cotisations réglées par leurs adhérents. C'est ainsi par exemple que la mutuelle Intégrance dont l'effectif composé à 74 % de personnes handicapées et de familles aux revenus très modestes ne lui permet pas d'envisager une hausse sensible de ses cotisations, vient de décider, à regret, de sortir du dispositif CMU. D'autres mutuelles, membres de la Fédération nationale de la mutualité interprofessionnelle ont annoncé le maintien provisoire de leur participation mais leur intention de se retirer en 2003 si le principe d'une réévaluation annuelle des remboursements de la part complémentaire n'est pas envisagé. Devant la montée des mises en garde adressées par le mouvement mutualiste sur l'irréalisme du financement actuel, elle lui demande si elle envisage une remise à plat du dispositif financier, afin d'éviter un désengagement massif des organismes concernés.

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Réponse du ministère : Droits des femmes publiée le 09/01/2002

Réponse apportée en séance publique le 08/01/2002

Mme Valérie Létard. Avant d'aborder l'objet de ma question orale, je tiens, à mon tour, à adresser à tous mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.
Si chacun s'est accordé à reconnaître le bien-fondé de la mise en oeuvre d'une couverture maladie universelle, notre assemblée, lors de la discussion du projet de loi qui en a porté création, en juin 1999, avait largement alerté Mme Aubry, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, sur les modalités d'évaluation du panier de soins dans le dispositif de prise en charge de la part complémentaire de la CMU. L'évaluation était alors de 1 500 francs par personne et par an.
Notre commission des affaires sociales s'était inquiétée d'un coût unitaire qui lui paraissait nettement sous-évalué dans la mesure où il reposait sur des données de 1995 qui n'avaient pas été réactualisées. De plus, ce coût avait été calculé par référence à une population qui ne recouvrait pas complètement celle de la CMU.
Force est de constater aujourd'hui que ces craintes étaient largement justifiées. L'enveloppe de 1 500 francs n'a jamais pu être respectée et, pour les mutuelles, qui ont pour la plupart d'entre elles choisi de participer au système, le coût a toujours été nettement supérieur à cette limite. Je ne citerai qu'un exemple, celui de la mutuelle Choralis, dans mon département, qui fait état d'un montant minimum de 1 900 francs - hors frais de gestion - dans ses prévisions les plus optimistes. Pour cette mutuelle, le montant de prestations payées pour 2001 - jusqu'au 18 décembre en date de soins - s'élève à 7 400 551 francs, largement supérieur à celui des prestations versées en 2000, qui n'était que de 3 297 249 francs. La déduction de 1 500 francs par bénéficiaire, pour un montant de 5 176 000 francs en 2001, est loin de couvrir la totalité des frais engagés.
Si elles veulent assurer le financement du dispositif, les mutuelles se trouvent contraintes d'augmenter les cotisations réglées par leurs adhérents. Celles qui refusent d'alourdir la contribution déjà demandée n'ont d'autre solution que de sortir du système. C'est le cas de la mutuelle Intégrance, dont l'effectif des cotisants est composé à 74 % de handicapés et de familles très modestes, et qui a refusé d'alourdir la charge financière supportée par ses adhérents ; elle a évalué la consommation moyenne du panier de soins à environ 3 100 francs pour l'année 2001.
D'autres mutuelles membres de la fédération nationale de la mutualité interprofessionnelle, dans une résolution adoptée à plus de 90 % des voix le 27 octobre dernier, ont annoncé le maintien provisoire de leur participation, mais leur intention de se retirer en 2003 si le principe d'une réévaluation annuelle des remboursements de la part complémentaire n'est pas envisagé.
En 1999, dans sa réponse aux orateurs intervenus dans la discussion générale du projet de loi créant la CMU, Mme Aubry avait indiqué : « Nous avons donc retenu le chiffre de 1 500 francs. En agissant ainsi, nous avons la conviction que nous avons gardé une marge de sécurité. Le Gouvernement est cependant tout à fait d'accord pour faire un bilan année après année. Et s'il s'avérait qu'il y a des modifications, dont aujourd'hui je n'ai aucune raison de penser qu'elles doivent intervenir, nous en tirerions les conséquences. »
Le fonctionnement du dispositif a montré que le financement actuel a largement sous-estimé la progression des dépenses. Le Gouvernement va-t-il, avant que les organismes complémentaires ne se désengagent massivement, tirer les conséquences de cet état de fait, comme Mme Aubry en avait pris l'engagement devant notre assemblée ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Madame la sénatrice, vous voudrez bien excuser l'absence de Mme Elisabeth Guigou, au nom de laquelle je vous apporte la réponse que voici.
Alors que l'ancienne aide médicale des départements ne couvrait que 3 400 000 personnes - et encore de façon inégale sur l'ensemble du territoire ! - près de 5 millions de personnes disposent aujourd'hui, grâce à la CMU, d'une bien meilleure couverture maladie. Ce succès est le fruit de l'engagement de tous les acteurs de la CMU, dont, naturellement, les organismes de couverture maladie complémentaire : mutuelles, compagnies d'assurance, institutions de prévoyance.
Vous évoquez, madame la sénatrice, les difficultés que rencontrent certaines mutuelles à assumer les engagements qu'elles ont pris dans le cadre de la CMU.
Consciente de ces difficultés, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a demandé au directeur du fonds de financement de la CMU d'analyser ce problème. Il ressort de l'étude qu'il a rendue en décembre 2001 que, tous organismes confondus, le coût moyen de la CMU s'est élevé à 1 113 francs en 2000, soit 169,68 euros, et à 1 543 francs en 2001, soit 235,23 euros.
Il est probable que l'année 2002 verra une nouvelle progression des coûts moyens de la CMU du fait de la poursuite de la montée en charge de ce dispositif. Si cette tendance se confirmait, le Gouvernement étudierait la possibilité de revaloriser le montant de la déduction dont bénéficient les organismes complémentaires. Il reste que, globalement, le bien-fondé de la participation des organismes de couverture maladie complémentaire à la CMU n'est pas aujourd'hui remise en cause, notamment au regard des chiffres que je viens de citer.
Vous évoquez le cas de la mutuelle Intégrance : celui-ci est rès spécifique, car elle accueille un grand nombre de personnes handicapées, dont les dépenses de santé sont très élevées - supérieures à 3 000 francs en moyenne - en raison principalement des frais de prise en charge du forfait hospitalier journalier. Cette mutuelle a demandé à revenir sur son engagement de participer à la CMU. Je soulignerai que les personnes concernées ne subiront aucune rupture de droit, car elles seront prochainement prises en charge au titre de la CMU complémentaire par les caisses primaires d'assurance maladie.
Le Gouvernement attache évidemment un grand intérêt à la participation des organismes complémentaires à la couverture maladie des personnes aux ressources modestes. Nous mettrons en place dans les prochains jours un dispositif d'aide à l'acquisition de contrats de couverture maladie complémentaire en faveur des personnes dont les ressources dépassent de moins de 10 % le plafond de la CMU ; cette aide sera apportée par les fonds d'action sanitaire et sociale des caisses primaires d'assurances maladie et devrait couvrir la moitié environ du coût d'un contrat offrant une couverture représentant l'équivalent de la CMU.
Tels sont, madame la sénatrice, les éléments de réponse que je pouvais aujourd'hui vous apporter.
Mme Valérie Létard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Létard.
Mme Valérie Létard. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat, mais il est évident que je n'ai satisfaction que sur une petite partie de ma demande.
Permettez-moi d'évoquer le cas que je connais le mieux, celui de la mutuelle Choralis, qui intervient dans le Valenciennois. Voilà un territoire où une très grande partie de la population est en difficulté, et il ne s'agit pas seulement des personnes handicapées : nous avons l'un des taux de chômage les plus importants de France, et le seul arrondissement de Valenciennes compte 5 000 bénéficiaires de la CMU, avec un panier de soins représentant 1 900 francs.
Au 1er janvier 2003, cette mutuelle se désengagera, comme 90 % de celles qui adhèrent à la fédération nationale des mutuelles interprofessionnelles, et cela contre son propre souhait. Il n'empêche qu'elle va devoir changer sa politique en faveur des populations en difficulté.
De plus, les cinq personnes qui, au sein de la mutuelle, travaillent à temps plein à la mise en oeuvre de la part complémentaire de la CMU vont voir leur activité cesser dans ce domaine.
Je pense que tout cela mérite qu'on y réfléchisse sérieusement.

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