Question de M. LEGENDRE Jacques (Nord - RPR) publiée le 14/11/2001
M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le projet de dissolution du 58e régiment d'artillerie, stationné à Douai. Ce projet a été annoncé brutalement et sans aucune discussion préalable fin juillet dernier. Une vive émotion et une profonde consternation en ont résulté, tant au sein de la population que parmi les élus qui la représentent. Or, dans le cadre du plan Armées 2000, la loi de programmation militaire n° 96-589 du 2 juillet 1996 prévoyait une augmentation nette des emplois militaires dans le Douaisis, grâce à la professionnalisation et au renforcement du 58e RA. Par ailleurs, une telle décision entraînerait des conséquences catastrophiques pour le Douaisis. Ainsi, 900 militaires, dont beaucoup venaient d'être recrutés, quitteront la région, soit en fait le départ de plus de 2 000 personnes compte tenu des familles de ces derniers. L'économie locale se verra amputée d'un manque à gagner qui peut être évalué à plus de 100 millions de francs, tant en ce qui concerne les commerces que les entreprises (consommation, travaux maintenance...). 17 classes d'école devront fermer... Ces raisons ont poussé de nombreux élus et parlementaires, dans une démarche consensuelle, à s'élever contre la disparition du 58e RA. Il lui demande donc si le Gouvernement entend revenir sur une décision dont les effets seraient dramatiques et désastreux localement, à un moment où l'actualité nous montre par ailleurs et malheureusement toute la pertinence pour notre pays de disposer d'un outil militaire de qualité.
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Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 19/12/2001
Réponse apportée en séance publique le 18/12/2001
M. Jacques Legendre. Au début du mois de juillet, le 58e régiment d'artillerie de Douai commémorait, en présence de nombreux élus locaux, les grands faits d'armes auxquels il a participé dans le passé. Des travaux venaient d'être effectués dans son casernement. Tout semblait donc destiner cette unité importante à continuer de tenir une place essentielle dans la vie de l'agglomération douaisienne.
Et voilà que, le 27 juillet, dans la torpeur de l'été, est annoncée, ô stupeur, la dissolution du 58e régiment d'artillerie comme entrant dans le cadre de nouvelles mesures de restructuration de l'armée de terre pour 2003 ! Cette décision a été prise contre toute attente, sans discussion ni concertation préalable avec les élus et les forces vives de la région concernée.
Or les conséquences d'une telle dissolution sont importantes pour une ville comme Douai. Les estimations réalisées par la municipalité laissent craindre un manque à gagner évalué à 100 millions de francs pour les commerces et les entreprises. Par ailleurs, dix-sept classes seront menacées de fermeture dans la ville de Douai.
Vous comprendrez donc l'émotion, doublée d'une incompréhension : dans la période actuelle et alors que se trouvent à proximité des points sensibles comme la base aérienne de Cambrai, est-ce bien le moment de dissoudre le 58e régiment d'artillerie, qui jusqu'alors assurait sa protection ?
Malgré les protestations des élus, qui, quelle que soit leur tendance, sont attachés à la présence de ce régiment, le 12 novembre 2001, est signé un arrêté ministériel prévoyant la dissolution de cette unité.
Le 16 novembre est votée par le conseil régional du Nord - Pas-de-Calais une motion de protestation vous demandant de réexaminer cette décision.
Et le 18 novembre - c'était un dimanche - les élus de Douai, le député, le maire, le député de la circonscription voisine - ils sont de toutes tendances, de la droite au parti communiste, en passant par le parti socialiste - le président du conseil général et le président du conseil régional sont venus - fait tout à fait inhabituel - manifester à Paris derrière le géant traditionnel de la ville de Douai, le géant Gayant, pour demander que le dossier soit réexaminé. Ils devaient être reçus par le directeur de cabinet du ministre. On trouvera finalement deux fonctionnaires pour les recevoir, et il ne sortira rien de cet entretien.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je dois vous le dire, les élus de la région concernée ne comprennent pas. Ils ont le sentiment de ne pas avoir été traités avec le minimum de considération qui s'impose dans une décision aussi grave. Cette décision est d'ailleurs confirmée, puisque le 21 novembre un arrêté paru au Journal officiel a officialisé la dissolution du 58e régiment d'artillerie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quand j'ai posé cette question, je souhaitais, comme d'autres, que cette décision soit examinée sur le fond. Elle est maintenant prise. J'ai insisté sur la gravité de ses conséquences. On parle évidemment de quelques mesures de compensation, du transfert à Douai de 300 ou 400 soldats du 43e régiment de Lille. Cela n'est pas tout à fait à la mesure du traumatisme qui vient d'être provoqué.
Nous aimerions comprendre pourquoi il serait maintenant indispensable de dissoudre le 58e régiment d'artillerie et savoir quelles mesures réellement importantes ont été prises pour assurer à Douai le maintien de la présence réelle et forte de l'armée.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. La dissolution du 58e régiment d'artillerie de Douai est l'une des conséquences de la réorganisation et de la professionnalisation de l'armée française, qui conduisent à la réduction d'un certain nombre d'effectifs.
M. le ministre de la défense m'a chargé de vous répondre en son nom. Je vais vous apporter des précisions et vous rappeler les engagements qui ont été pris pour Douai et sa région.
Les engagements récents en opérations extérieures ont mis en évidence la nécessité de rééquilibrer les fonctions opérationnelles de l'armée de terre. La réduction de trois à deux du nombre de régiments d'artillerie sol-air afin de regrouper les moyens et les hommes qui les servent en est la traduction.
C'est dans ce cadre qu'a été prise la décision de dissolution du 58e régiment d'artillerie, qui comptait 824 militaires et 41 civils. Dans les faits, les pièces d'artillerie seront transférées vers les deux régiments de Bitche et de Hyères.
En compensation, et pour maintenir le niveau d'emploi constaté en janvier 1997, soit 358 militaires et 4 civils, un bataillon de commandement des forces terrestres de 400 militaires professionnels et 41 civils sera créé. Il sera chargé d'assurer la préparation opérationnelle, la maintenance, le soutien des équipements et l'armement en projection des postes de commandement de la force d'action terrestre ou de la force logistique terrestre. Ce renforcement significatif des moyens du 43e régiment d'infanterie de Lille est nécessaire pour permettre à la France d'assurer les responsabilités de nation-cadre qu'elle doit pouvoir exercer au sein d'une coalition.
Ce bataillon, qui représentera un outil de commandement unique en Europe et un pôle d'innovation technologique au sein des armées, permettra également de maintenir une activité militaire importante sur Douai.
M. le ministre de la défense ne partage pas votre point de vue quant aux conséquences de la décision qui fait l'objet de votre question pour le Douaisis. Entre les premières mesures de restructuration prises en 1996 et l'achèvement du processus de dissolution-création, le bassin d'emploi du Douaisis, qui comptait alors 482 militaires professionnels et 315 civils de la défense - soit au total 797 personnes - n'aura pas à constater une baisse des effectifs de la défense. En effet, à l'achèvement de la création du bataillon de commandement des forces terrestres, le Douaisis pourra compter sur 850 professionnels militaires et civils. Cela correspond aux chiffres que vous venez de donner, monsieur le sénateur. Il y a donc stabilisation de la présence militaire.
Dans le même temps, le département du Nord verra les effectifs du ministère de la défense passer de 5 840 à 6 436, soit un gain de 596 personnels.
Une importante proportion des personnels militaires, principalement des sous-officiers et militaires du rang, sera réemployée sur place par le futur bataillon de commandement. Cela permettra à de nombreuses familles de militaires de rester sur Douai et les communes voisines. Les desiderata des personnels quant à leur futur lieu d'affectation seront, comme à l'accoutumée, et dans la mesure du possible, pris en considération. Les militaires originaires de la région pourront y demeurer s'ils le souhaitent. Les personnels civils seront tous maintenus sur place, sauf demande contraire de leur part.
Il n'est donc pas envisagé de revenir sur cette décision, qui correspond à une nécessité opérationnelle pour l'armée de terre. C'est le sens des propos qui ont été tenus à la délégation d'élus reçue le 18 novembre dernier par le cabinet de M. le ministre de la défense. Ce dernier est prêt revenir sur le sujet si vous le souhaitez.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. J'ai bien entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. J'ai noté que M. le ministre est prêt à s'entretenir avec les élus du Douaisis ; je leur en ferai part.
Je dois dire que nous persistons à ne pas très bien comprendre la relative désinvolture - le mot doit quand même être utilisé ! - avec laquelle cette mesure a été prise et annoncée, sans préparation.
Je ne suis pas tout à fait sûr que les comptes que vous avez présentés donnent pleinement satisfaction aux élus du Douaisis. En tout cas, les contacts doivent être maintenus afin d'effacer dans toute la mesure possible le coup qui vient d'être porté à Douai et à sa région.
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