Question de M. AMOUDRY Jean-Paul (Haute-Savoie - UC) publiée le 17/10/2001

M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conditions d'application de l'article 69 de la loi de finances pour 2001 n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 permettant aux communes et établissements publics de coopération intercommunale de bénéficier du fonds de compensation pour la TVA au titre de leurs dépenses d'investissements sur leurs immobilisations affectées à l'usage d'alpage. Il précise que, dans les départements alpins, la plupart des alpages communaux comportent sur leur territoire un ou plusieurs bâtiments utilisés par l'exploitant agricole locataire de l'alpage pour abriter son troupeau, vivre auprès de lui et, le plus souvent, y fabriquer des fromages. Cependant, en réponse à la demande de la commune de Montriond (Haute-Savoie), sollicitant le bénéfice du FCTVA dans le cadre de la rénovation d'un chalet d'alpage communal, afin d'y aménager un atelier de fabrication fromagère fermière satisfaisant aux normes sanitaires françaises et européennes, le préfet de ce département a récemment indiqué au maire de cette collectivité que l'article 69 de la loi de finances pour 2001 ne pouvait s'appliquer en pareil cas, au motif que la fabrication fromagère serait une activité commerciale faisant obstacle à l'éligibilité au FCTVA. Or, la présence d'une exploitation agricole sur les alpages, nécessaire pour l'entretien des espaces pastoraux de montagne, suppose l'existence sur le site d'un local adapté à la fabrication fromagère fermière. Sans cette possibilité de fabrication - activité de production et non de commercialisation -, la plupart des alpages des Alpes du nord seraient voués à l'abandon. La volonté du législateur n'étant pas de rompre le lien ancestral naturel entre l'alpage et la production fromagère, il lui demande de lui confirmer qu'en pareil cas, l'article 69 de la loi de finances pour 2001 est bien applicable.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 14/11/2001

Réponse apportée en séance publique le 13/11/2001

M. Jean-Paul Amoudry. Je souhaite obtenir des éclaircissements sur les conditions d'application de l'article 69 de la loi de finances pour 2001, qui permet aux communes situées en zone de montagne de bénéficier du FCTVA, le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, au titre des dépenses d'investissement que ces collectivités effectuent sur leurs alpages et estives.
En montagne, en effet, la plupart des pâturages communaux comportent sur leurs territoires un ou plusieurs bâtiments, utilisés le plus souvent par les exploitants locataires pour abriter les troupeaux, vivre auprès d'eux et transformer la production laitière.
Les travaux nécessaires à la bonne gestion et à la pérennité de ces unités pastorales représentent, pour les collectivités locales propriétaires, une charge très importante, en investissement comme en entretien, qu'il s'agisse des accès, des réseaux ou des bâtiments présents sur ces sites, notamment en vue de la mise en conformité avec les normes sanitaires françaises et européennes.
Or le produit des loyers et fermages est bien loin de couvrir l'ensemble de ces dépenses, de telle sorte que nos communes payent une lourde contribution à l'entretien du patrimoine montagnard français et à son ouverture au public.
C'est, à mes yeux, la raison majeure pour laquelle le législateur a décidé d'étendre, à partir de cette année, le bénéfice du FCTVA aux investissements des communes sur leurs alpages et estives.
Pourtant, le préfet de la Haute-Savoie a récemment indiqué au maire de la commune de Montriond que l'article 69 de la loi de finances pour 2001 ne pouvait pas s'appliquer à des travaux d'aménagement d'un atelier de fabrication fromagère. Le représentant de l'Etat justifie cette position en expliquant que la fabrication fromagère est une activité « revêtant un caractère commercial », ce qui ferait obstacle à l'éligibilité au FCTVA.
Mais il ne peut y avoir maintien d'exploitations agricoles en alpage, donc entretien durable et de qualité des espaces pastoraux d'altitude, sans présence sur le site de locaux adaptés à la fabrication fromagère. C'est pourquoi le bâtiment est indivisible du foncier, et l'activité de production fromagère, qui n'assure pas le retour sur investissement, ne peut et ne doit en aucune façon être assimilée à un acte de commercialisation.
La position prise par l'administration aboutit ici à vider de sa substance la décision du législateur puisque, sans bâtiments adaptés aux besoins du pastoralisme, il n'y a plus de véritable gestion de nos terres d'altitude.
Aussi je souhaite que soit rétabli tout le sens de cette mesure législative.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le FCTVA est destiné à consentir une aide directe à l'investissement selon des critères généraux, dont l'un des principaux veut que la dépense entre dans le champ de compétence de la collectivité et qu'elle soit ensuite intégrée dans le patrimoine de la collectivité.
Toutefois, comme vous l'indiquez, l'article 69 de la loi de finances pour 2001 a rendu éligibles, au FCTVA, par dérogation, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale au titre des dépenses d'investissement exposées sur leurs immobilisations affectées à l'usage d'alpage.
Laissez-moi vous préciser préalablement l'esprit de cette mesure particulière. Elle vise à aider le financement d'infrastructures en haute montagne. Il s'agit, dans ce cas particulier, des dépenses concernant des cabanes de berger, des refuges de hautes montagne, etc.
Or l'éligibilité d'infrastructures d'intérêt public mises à disposition de tiers non éligibles au FCTVA est normalement conditionnée par l'égalité d'accès des usagers potentiels, égalité d'accès qui caractérise le fonctionnement du service public. La dérogation introduite par l'article 69 de la loi de finance 2001 se justifie dans la mesure où il est difficile de vérifier dans les faits que cette condition est remplie, les usagers potentiels de ces bergeries étant très peu nombreux, alors que ces derniers participent pleinement à la préservation des activités pastorales.
En revanche, votre suggestion de rendre par ailleurs éligibles au FCTVA les investissements réalisés sur des locaux mis à disposition d'un exploitant agricole permanent, locataire d'une chèvrerie pour laquelle il souhaiterait voir engager des travaux d'extension estimés à 1 050 000 francs hors taxes, contreviendrait à ces principes, qui ne peuvent être remis en cause, sauf à dénaturer le FCTVA.
En effet, il s'agirait là du développement d'une activité commerciale implantée dans des locaux appartenant à la commune et non d'une mise à disposition dans le cadre du service public en haute montagne. Dans ces conditions, ces investissements ne peuvent bénéficier du FCTVA.
Cela étant, les dépenses supportées par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pour la rénovation d'un chalet d'alpage peuvent ouvrir droit à récupération de la taxe sur la valeur ajoutée par la voie fiscale si le loyer perçu en contrepartie de la mise à disposition du bâtiment est lui-même soumis à la TVA.
Or, dans le cas d'un bâtiment à usage agricole, le loyer afférent à la partie du bâtiment qui n'est pas affectée à l'habitation peut être soumis à la TVA sur option formulée par la collectivité bailleresse, à condition que le bail ait été enregistré et si le preneur est lui-même redevable de la TVA ; je vous renvoie à l'article 260, paragraphe VI, du code général des impôts.
L'exploitant agricole locataire déduit, quant à lui, la taxe afférente au loyer dans les conditions habituelles.
Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je suis en mesure de vous apporter, et je pense que la deuxième partie de ma réponse, notamment, vous donnera satisfaction.
M. Jean-Paul Amoudry. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Je vous remercie, monsieur le sécrétaire d'Etat, des pistes que vous avez, en effet, bien voulu ouvrir à la fin de votre intervention.
Toutefois, je tiens à faire observer que l'on ne peut, en l'occurrence, considérer qu'il s'agit d'une activité commerciale. Il suffit de se rendre sur le terrain pour constater que l'activité de chèvrerie en haute montagne est très loin, comme je le disais tout à l'heure, d'assurer le retour sur investissement. Il s'agit beaucoup plus d'une activité relevant de ce que le Gouvernement appelle le « développement durable », dans la mesure où un début de rentabilité ne peut apparaître qu'à très long terme ; alors que cette activité ne procure qu'un revenu extrêmement réduit, couvrant à peine les besoins de la famille, elle a bien un caractère de gestion durable de l'espace.
Autrement dit, nous nous trouvons là devant une activité qui se situe en dehors des logiques économiques. Dès lors, elle ne peut être qualifiée de « commerciale », et elle relève beaucoup plus de ce que l'on appelle le « service public ».
Peut-être les conditions, stricto sensu, d'éligibilité au FCTVA ne sont-elles pas remplies mais j'affirme à nouveau qu'il s'agit d'une activité de service public et, à mon avis, en l'espèce, le loyer ne pourra pas donner lieu à l'application de la TVA de droit commun.
Il s'ensuit que la collectivité sera pénalisée puisqu'elle ne pourra ni bénéficier du FCTVA ni entrer dans le système de la TVA de droit commun.
Or, si nous n'y prenons pas garde, il y a là l'amorce d'un déclin.
La France est de plus en plus citadine et, de ce fait, les conseils municipaux doient faire face à des besoins de « fond de vallées », c'est-à-dire des besoins à caractère urbain : équipements scolaires, sociaux, de transports, etc.
Si les conseils municipaux ne reçoivent pas un petit coup de main de l'Etat, ils négligeront leurs terrains de montagne. La montagne sera alors abandonnée, ce qui est à l'opposé de l'objectif de développement durable que nous tous, aussi bien au Gouvernement qu'au Parlement, nous avons fait nôtre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais donc qu'une réflexion soit menée plus avant pour trouver une solution réellement satisfaisante.

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