Question de Mme BIDARD-REYDET Danielle (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 19/10/2001

Question posée en séance publique le 18/10/2001

Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation en Afghanistan et dans les pays limitrophes, les bombardements continus et leurs conséquences sur les populations civiles et les opinions publiques des pays musulmans suscitent beaucoup d'inquiétude. Hier, l'assassinat d'un ministre israélien, répondant aux assassinats ciblés de responsables palestiniens, a renforcé ce sentiment.
Dans cette crise dont chacun mesure la gravité et le risque constant d'engrenage et de dérapage meurtriers, l'attitude des autorités françaises, dans le cadre du respect de leurs engagements, a été d'investir le terrain politique et diplomatique. Nos analyses et nos propositions continuent à susciter attention et intérêt.
Au-delà des articles de presse qui, dans leur pluralisme, couvrent la complexité des événements, il existe un immense besoin d'information.
M. le Premier ministre s'est déjà exprimé devant l'Assemblée nationale et le Sénat ; il a réuni à Matignon les présidents de groupe et de commission. Mais les parlementaires souhaitent, pour eux-mêmes et pour leurs concitoyens, être régulièrement tenus au courant de l'évolution des événements et des risques de toute nature, y compris sanitaires ; ils souhaitent être associés aux prises de décision.
Pouvez-vous répondre concrètement à ces demandes ?
La coalition des différents pays voulant éradiquer les méthodes terroristes est diverse. Bon nombre de pays européens, africains et musulmans ne font pas partie du Conseil de sécurité de l'ONU. Pour autant, il est nécessaire d'entendre leurs analyses et leurs propositions d'action. Une réunion exceptionnelle de l'Assemblée des Nations unies nous semble particulièrement opportune pour aboutir à une solution efficace et juste.
M. Alain Gournac. C'est une déclaration, et non une question !
Mme Danielle Bidard-Reydet. On peut d'ailleurs s'interroger sur les conséquences de la volonté de mettre en place un gouvernement de talibans dit modéré.
La France est-elle prête, monsieur le ministre, avec ses partenaires européens, à oeuvrer dans ce sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 19/10/2001

Réponse apportée en séance publique le 18/10/2001

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Madame la sénatrice, je vous répondrai sur les deux points principaux de votre intervention, à savoir la question du Parlement et celle de l'ONU par rapport à cette crise.
S'agissant tout d'abord des Nations unies, je rappellerai que le Conseil de sécurité, dès le lendemain de la tragédie, a reconnu que les Etats-Unis étaient en état de légitime défense - de « légitime riposte », pourrait-on dire - aux termes de l'article 51 de la Charte. Cette décision n'a été contestée par aucun Etat membre des Nations unies.
Mais il faut surtout regarder la suite. Aux Nations unies, la question afghane était suivie depuis un certain nombre d'années, sans succès d'ailleurs, par un groupe dénommé « 6 + 2 », qui regroupait quelques Etats directement concernés, sur des bases essentiellement géographiques.
Ce groupe n'est plus satisfaisant aujourd'hui. Il faut maintenant, à notre avis, un groupe moteur réunissant les membres permanents du Conseil de sécurité et un certain nombre d'Etats voisins.
Vous avez eu raison de souligner que tous les Etats membres sont concernés. La prochaine assemblée générale des Nations unies, qui se déroulera dans moins de trois semaines - c'est l'assemblée de fin septembre qui a été reportée en raison des événements - devrait nous permettre de procéder à des consultatons beaucoup plus larges et d'associer l'ensemble des Etats membres à la suite.
Mais que faut-il envisager pour la suite ? Ce pourrait être un rôle important joué par l'ONU sous l'égide de laquelle devrait se produire ce processus politique auquel nous travaillons par des contacts très nombreux que vous avez pu observer ces derniers jours. Il faut empêcher qu'un vide du pouvoir précipité à Kaboul n'entraîne la reprise des affrontements fratricides qui, malheureusement, ont autant nui à ce pays que les actions ou les guerres étrangères.
Nous travaillons donc sur ce plan pour qu'un processus politique, dans lequel l'ancien roi, de l'avis général, devrait pouvoir jouer un rôle utile, permette de n'exclure aucune composante, aucune faction, aucune région, aucune ethnie, et de tenir compte de la réalité de l'Afghanistan d'aujourd'hui. Par rapport à cela, l'ONU peut fournir un cadre, des garanties, une légitimité, peut-être même jouer un rôle plus actif ; mais nous le verrons quand le schéma aura été un peu plus précisément déterminé.
En tout cas, l'intention que je vous ai exprimée est claire : il faut aider le peuple afghan à reprendre la maîtrise de son destin qui lui a échappé voilà maintenant plus de trente ans.
J'en viens au Parlement qui, depuis le 11 septembre, a été informé très régulièrement et le plus complètement possible par les ministres directement concernés, et qui le sera aussi longtemps que la situation internationale l'exigera. Un débat s'est déjà déroulé dans les deux assemblées. Chaque groupe politique a pu exprimer officiellement ses positions, ses craintes, ses questions.
En raison de la nature constamment évolutive de ce conflit, la France a fait le choix d'une consultation et d'une information du Parlement en temps réel, sous toutes les formes que cette démarche peut prendre en fonction de la situation. Le Premier ministre s'y est engagé ici même, comme il l'avait fait devant l'Assemblée nationale ; il en ira ainsi autant que ce sera nécessaire pour que les parlementaires soient parfaitement au fait de l'évolution des choses. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen).

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