Question de M. TRÉGOUËT René (Rhône - RPR) publiée le 06/09/2001

M. René Trégouët rappelle à l'attention de M. le ministre des affaires étrangères certains termes du discours d'ouverture prononcé par le Président de la République dans le cadre de la conférence des ambassadeurs, fin août dernier à Paris. Il a proposé que la nouvelle capacité d'action militaire de l'Union européenne puisse être mise à disposition des Nations unies, sur la base d'un accord à conclure, afin de pouvoir être sollicitée pour le lancement de certaines opérations de maintien de la paix dans le monde. Il lui demande s'il entend promouvoir cette idée auprès de ses collègues de l'Union européenne.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 06/12/2001

Lors du Conseil européen de Nice, les chefs d'Etat et de gouvernement ont souligné que " le développement de la politique de sécurité et de défense européenne renforce la contribution de l'Union à la paix et à la sécurité internationales conformément aux principes de la charte des Nations unies ", notamment en élargissant " l'éventail des instruments de réponse aux crises à la disposition de la communauté internationale. Les efforts engagés permettront notamment aux Européens de répondre de manière plus efficace et plus cohérente à des demandes d'organisations chef de file telles que l'ONU ou l'OSCE ". A l'occasion du Conseil européen de Göteborg, les Quinze ont précisé qu'" il existe à l'évidence des possibilités de développement de la coopération avec les Nations unies en matière de gestion des crises et de prévention des conflits, au plan militaire comme au plan civil (...). Il importe tout particulièrement de faire en sorte que le développement des capacités militaires et civiles de l'Union européenne puisse contribuer de manière effective à l'action des Nations unies. " Les pays membres de l'Union européenne ont par là répondu à ceux qui, au sein de l'ONU particulièrement, craignaient que les engagements des pays européens dans le cadre du développement de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) ne les conduisent désormais à se montrer réticents à mettre des moyens à la disposition des Nations unies, voire même à retirer leur force d'opérations de maintien de la paix (OMP) des Nations unies en cours. Le secrétariat des Nations unies redoutait ainsi que l'affirmation d'une PESD ne s'opère au détriment des Nations unies. Devant les ambassadeurs, le 27 août dernier, le Président de la République a rappelé " qu'il est dans la vocation et dans l'intérêt de l'Europe d'apporter une contribution importante à la mise en oeuvre des opérations de maintien de la paix de l'ONU ". L'Union, grâce à ses nouvelles capacités de projection rapide, pourrait être sollicitée pour le lancement de certaines opérations avant que le relais ne soit pris par d'autres. L'intervention de l'Union à ce stade pourrait en effet apporter une valeur ajoutée particulière aux Nations unies, dont les capacités de déploiement rapide demeurent l'un des points faibles, en dépit des efforts déjà accomplis ou en cours (SHIRBRIG). Le " rapport Brahimi " publié au mois d'août 2000 a ainsi une nouvelle fois souligné les carences des Nations unies en la matière et formulé plusieurs propositions de réforme visant à permettre à l'ONU d'être en mesure, à terme, de déployer une OMP " classique " (type FINUL au Sud-Liban ou MINUEE en Ethiopie-Erythrée) en trente jours et une opération " complexe " (type MINUK au Kosovo ou ATNUTO à Timor-Est) en quatre-vingt-dix jours. La contribution de l'Union européenne devra toutefois tenir compte de certains principes établis dans le cadre de la PESD, notamment celui de l'autonomie de décision et de l'exercice, par le comité politique et de sécurité (COPS), du contrôle politique et de la direction stratégique de l'opération. La prise en compte de ces principes, dans le cas d'opérations militaires ou d'opérations de police civile, conduit a priori à privilégier l'intervention de l'Union européenne sous les formes suivantes : l'Union déploie une force sous sa direction pour une durée limitée avant de passer le relais à une opération des Nations unies qui est créée ultérieurement, à l'instar de ce qui s'est fait à Timor-Est où à l'INTERFET, force multinationale, a succédé ATNUTO, ou en République centrafricaine, où la MINURCA, OMP des Nations unies, a pris le relais de la MISAB, force interafricaine. L'intervention rapide de l'Union permettrait de combler le manque de disponibilité à bref délai de contingents expérimentés et de moyens logistiques dans le cadre des Nations unies, et de fournir à celles-ci le temps nécessaire pour préparer l'opération appelée à succéder à l'opération européenne. Le lien entre l'opération de l'Union et les Nations unies serait maintenu à travers l'aval politique et, en cas de recours à la force, l'autorisation du Conseil de sécurité, ainsi que par l'information régulière de celui-ci. On pourrait même envisager l'hypothèse inverse où l'Union européenne serait appelée à prendre le relais d'une opération militaire ou de police des Nations unies ; l'Union prend en charge intégralement la gestion d'une crise en menant une opération sous sa direction avec l'aval politique et, en cas de recours à la force, l'autorisation du Conseil de sécurité, sur le modèle des opérations multinationales comme Alba en Albanie, la SFOR en Bosnie-Herzégovine, la KFOR au Kosovo ou, plus récemment, " Amber fox " en Macédoine ou l'opération sud-africaine au Burundi. Ce cas de figure semble envisageable en particulier dans le cas d'opérations " robustes " - dont le mandat inclut la possibilité du recours à la force et des éléments d'imposition de la paix, pour la conduite desquelles l'expérience démontre que les Nations unies ne sont pas préparées. Ce cas de figure paraît plus vraisemblable, dans le cas de l'Union européenne, pour une opération menée en Europe. L'Union prend en charge un des volets d'une OMP multidimensionnelle des Nations unies. L'Union européenne pourrait fournir la composante de police civile d'une OMP qui comporterait également un volet militaire. Dans ce cas, toutefois, il convient de s'assurer de la comptabilité de l'engagement de l'Union avec la nécessaire préservation de l'exercice, par ses organes politico-militaires, du contrôle politique et de la direction stratégique des forces européennes engagées. L'ensemble de ces hypothèses - et plus généralement les modalités de la coopération entre l'Union européenne et les Nations unies en matière de gestion des crises - font, depuis la présidence française de l'Union, l'objet d'échanges réguliers entre les Quinze, le secrétariat du Conseil de l'Union et le secrétariat des Nations unies. La France continue à cette occasion de promouvoir, dans le respect des principes de la PESD, l'affirmation de la vocation de l'Union européenne à travailler de concert avec les Nations unies en faveur de la paix et de la sécurité internationales.

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