Question de M. CANTEGRIT Jean-Pierre (Français établis hors de France - UC) publiée le 14/06/2001
M. Jean-Pierre Cantegrit appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés que rencontrent un nombre croissant de Français résidant dans un pays de l'Union européenne pour obtenir le respect et l'application de la réglementation européenne dans le domaine de la protection sociale. Il lui signale en particulier le cas de plusieurs Français à qui des institutions de sécurité sociale européennes, luxembourgeoises en l'occurrence, ont reconnu le droit à une pension d'invalidité en raison d'un état de santé incapacitant et qui ne peuvent les percevoir en raison du refus des caisses françaises de sécurité sociale (CPAM - Caisse primaire d'assurance maladie - ou CRAM - Caisse régionale d'assurance maladie) d'appliquer - pour des motifs divers - les décisions prises par un autre Etat membre. Plus largement, se pose le problème du non-respect et de la non-application par les institutions françaises de sécurité sociale des conventions européennes, ce qui - à l'heure de la libre circulation européenne - pénalise lourdement nos compatriotes qui ont décidé de vivre dans un pays de l'Union européenne. C'est pourquoi il lui demande de lui faire connaître les mesures qu'elle envisage de prendre vis-à-vis notamment de la sécurité sociale afin que celle-ci se conforme et respecte le droit européen, et si des instructions précises seront données dans ce sens aux caisses locales.
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Réponse du ministère : Emploi publiée le 20/12/2001
Les dispositions du traité instituant la Communauté européenne relatives à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux, sont très précises en ce qui concerne la protection sociale des travailleurs migrants. Ainsi l'article 42 du traité dispose que " le Conseil (...) adopte, dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l'établissement de la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant d'assurer aux travailleurs migrants et à leurs ayants droit : a) la totalisation, pour l'ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales ; b) le paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires des Etats membres. " Le traité a établi de la sorte le principe de la coordination et non de l'harmonisation des régimes de sécurité sociale en présence - chaque système national de protection sociale demeurant autonome quant à l'organisation, au financement et au contenu de la protection offerte - qui s'ajoute au principe de non-discrimination en fonction de la nationalité mentionné à l'article 12 et rappelé à l'article 39 de ce même traité en matière de libre circulation des travailleurs. Sur cette base, les règlements (CEE) n° 1408/71 et n° 574/72 organisent concrètement la coordination des législations nationales de sécurité sociale et comportent des dispositions relatives à la détermination de la législation applicable et, pour chaque branche, des dispositions concernant la liquidation coordonnée des prestations et leur service sur le territoire des autres Etats membres, en respectant les principes d'égalité de traitement, de maintien des droits en cours d'acquisition (recours à la technique de totalisation des périodes d'assurance) et de maintien des droits acquis (levée des clauses de résidence). Dès lors, le travailleur migrant ayant été soumis à la législation de plusieurs Etats membres bénéficie d'un système de coordination qui tient pleinement compte du morcellement de sa carrière d'assurance, mais qui ne peut néanmoins effacer les différences existant entre les régimes nationaux. Ainsi en matière d'assurance invalidité, la décision d'une institution luxembourgeoise quant à la reconnaissance d'un état d'invalidité, prise sur la base des critères de la réglementation luxembourgeoise d'assurance invalidité, ne s'impose-t-elle pas à une institution française, qui devra prendre sa décision en fonction des critères de sa propre réglementation. Les différences d'appréciation s'expliquent par les différences dans les critères mis en oeuvre c'est-à-dire dans la conception de l'invalidité (professionnelle, générale, médicale, médico-professionnelle...) et les seuils fixés pour ouvrir droit à une indemnisation par l'assurance invalidité. Le ministère de l'emploi et de la solidarité veille à la bonne application du droit communautaire dans son domaine de compétence et donne aux institutions toutes les instructions utiles pour ce faire. En outre, le centre de sécurité sociale des travailleurs migrants, organisme de liaison entre les institutions françaises et les institutions étrangères, est normalement saisi par ces institutions de toute difficulté d'application des textes. La Commission européenne, gardienne du droit communautaire, est chargée à ce titre par l'article 211 du traité instituant la Communauté européenne de veiller " à l'application des dispositions du présent traité ainsi que les dispositions prises par les institutions en vertu de celui-ci ", intervient auprès des autorités nationales compétentes dès qu'une disposition d'une réglementation nationale ou une décision d'application de cette réglementation lui paraît a priori susceptible de constituer un manquement aux obligations d'un Etat membre. Si elle estime que ce manquement est avéré, elle saisit la Cour de justice au terme de la procédure pré-contentieuse de l'article 226 du traité. Le contrôle de l'application effective et uniforme du droit communautaire relève enfin du juge de droit commun qui peut, à titre préjudiciel, saisir la Cour de justice d'une question d'interprétation du droit communautaire ou d'appréciation de validité du droit national au regard des exigences communautaires.
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