Question de M. de VILLEPIN Xavier (Français établis hors de France - UC) publiée le 12/04/2001
M. Xavier de Villepin attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les conditions de la surveillance du trafic maritime et la prévention de l'immigration clandestine par voie de mer en Méditerranée. L'échouage volontaire à proximité de Saint-Raphaël, le 17 février 2001, du cargo East Sea qui avait à son bord environ 900 Kurdes irakiens, est un événement sans précédent en métropole. Des cas similaires avaient été néanmoins déplorés dans les départements et territoires d'outre-mer français des Caraïbes et du Pacifique et sont désormais fréquents sur les côtes italiennes ou espagnoles. De tels drames humains risquant de se reproduire, quelles mesures préventives la marine nationale a-t-elle d'ores et déjà été chargée de mettre en oeuvre ? Qu'en est-il, par ailleurs, des moyens juridiques dont la France dispose pour lutter contre le trafic d'êtres humains et en condamner les auteurs, ainsi que de l'évolution de la coopération avec nos partenaires de l'Union européenne et du sud de la Méditerranée. En outre, il semble que cet événement doive conduire à réexamniner l'organisation et les moyens humains et financiers consacrés à la surveillance du trafic maritime en Méditerranée. Le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage en Méditerranée (CROSS-MED) ne disposerait pas de moyens techniques lui permettant de suivre la trajectoire et éventuellement de procéder à l'identification des navires de commerce croisant dans cette zone avec autant de précision que les autres centres régionaux sur l'Atlantique, la Manche ou la mer du Nord, et seuls six sémaphores, sur les dix-neuf que compte la région maritime Méditerranée, seraient en veille vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour améliorer cette situation, ne serait-il pas de l'intérêt de notre pays d'accroître les moyens de surveillance, voire d'en créer de nouveaux, mieux adaptés à de telles situations, et d'assurer une meilleure coordination des administrations qui interviennent dans ce domaine aussi bien au niveau interministériel que dans les régions maritimes sous la responsabilité du préfet maritime.
- page 1230
Réponse du ministère : Défense publiée le 09/08/2001
Le dispositif de surveillance maritime en Méditerranée est organisé pour répondre à des impératifs à la fois militaires et de service public général en mer. Ainsi, la surveillance de l'activité militaire dans les approches maritimes, qui relève du commandant de zone maritime, est exercée dans le cadre d'un dispositif en profondeur (du large vers la côte), suivant un régime de veille appliqué en fonction d'une situation géostratégique connue. Cette surveillance repose sur des missions régulières effectuées en haute mer par des unités de combat (bâtiments et aéronefs), ainsi que sur la présence le long des côtes de sémaphores. Depuis quelques années, les missions des sémaphores s'orientent davantage vers les besoins de service public parallèlement à l'action exercée dans ce domaine par les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS). Ils assurent ainsi essentiellement une mission de vigilance qui se traduit par une écoute radio permanente des appels ou des demandes d'assistance. En outre, en complément des CROSS, ils participent de jour aux missions de police de la circulation maritime, qui peuvent être également accomplies de nuit lorsqu'ils sont situés dans des zones de trafic maritime très dense, dans les approches maritimes des installations prioritaires de défense ou des ports de commerce d'intérêt majeur. Le régime de veille optique et radar des sémaphores est donc adapté à l'activité maritime locale dans leur environnement. Les CROSS assurent également une veille permanente des fréquences radio de détresse sur une surface maritime correspondant au minimum à leur zone de responsabilité en matière de sécurité maritime. Ce dispositif, qui a donné jusqu'ici une connaissance de nos approches maritimes suffisante pour faire face aux besoins de l'Etat, doit cependant être ajusté pour mieux s'intégrer dans les actions liées au traitement d'un risque nouveau. Il s'agit en effet de déceler dans l'important trafic méditerranéen la présence potentielle d'un navire appartenant à un réseau criminel international. Cette tâche reste cependant délicate car les bâtiments qui pratiquent l'immigration irrégulière opèrent dans un espace maritime où prévaut le principe de libre circulation, y compris dans la mer territoriale suivant la règle dite du " droit de passage inoffensif " pour les navires non étatiques. Au titre de ses responsabilités directes d'Etat côtier, des dispositions internationales en matière de sécurité de la navigation, de ses intérêts et de la défense de son environnement, la France exerce des contrôles systématiques de circulation maritime dans les zones où des dispositifs de séparation de trafic sont nécessaires compte tenu des impératifs de sécurité de la navigation (Pas-de-Calais, Casquets, Ouessant, bouches de Bonifacio). Depuis l'échouage de l'East Sea, le Gouvernement a engagé, sous l'égide du secrétariat général de la mer, un travail interministériel d'analyse des réponses pouvant être envisagées face à un événement de même nature. La marine nationale a participé activement à ces travaux qui se sont rapidement traduits par l'instauration de mesures concrètes en Méditerranée pour améliorer la capacité du dispositif de surveillance et d'intervention mis au service du préfet maritime par le commandant de zone maritime. S'agissant des sémaphores, la permanence de la veille radio a été complétée par une veille optique et radar, 24 heures sur 24, sur toute la longueur du littoral de la côte méditerranéenne continentale. Toutefois, ce dispositif ne constitue que l'un des volets de réorientation des moyens de surveillance de la marine. Afin de bénéficier d'un préavis supérieur à celui d'environ deux heures pouvant être donné par les sémaphores, il a été nécessaire de réorienter un nombre significatif de moyens, notamment aériens, de la marine agissant en haute mer. Ainsi, elle met actuellement en oeuvre des moyens de prévention du risque s'étendant jusque dans le canal de Sicile, et ponctuellement au-delà, dans le cadre d'une coopération opérationnelle avec la marine militaire italienne. Enfin, l'efficacité de ce dispositif de surveillance, comme la capacité de la marine nationale à y affecter une partie de ses moyens dans la durée, reposent sur la qualité du renseignement stratégique pouvant être obtenu sur les navires suspects. L'effort à consentir en matière de renseignement est essentiel car, si les identités de quelques navires à risque peuvent parfois être connues, des informations fiables et datées sur leurs intentions réelles de mouvements ou leurs positions en Méditerranée sont pour l'instant peu accessibles. S'agissant de la coordination de tous les services de l'Etat, les travaux menés par le secrétariat général de la mer ont été prolongés par un travail pratique de planification en région Méditerranée. Pour faire face au risque de renouvellement d'un échouage du type East Sea, des concertations étroites sur ce sujet ont été engagées entre le préfet maritime et le préfet de zone de défense, ainsi qu'avec les préfets de département concernés et les services déconcentrés du ministère de l'intérieur. Ces travaux conjoints sont nécessaires pour que les actions diligentées en mer soient pleinement cohérentes avec leurs développements potentiels à terre. Par ailleurs, sur le plan juridique, les Etats membres de la Communauté européenne se sont efforcés, à travers leurs législations nationales, de réglementer et de juguler l'immigration clandestine et de sanctionner les contrevenants directs ou indirects à leur réglementation. En France, l'entrée et le séjour des étrangers sur le territoire national sont régis par l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, qui intègre les dispositions de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française. Des dispositions relatives à ce sujet sont également inscrites dans le traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997. L'Etat dispose également de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer. Cette loi permet aux commandants des navires et des aéronefs de l'Etat de reconnaître, contrôler et dérouter tous navires, à l'exception des navires de guerre ou d'Etat. Le refus d'obtempérer est sanctionné d'un million de francs d'amende, sans préjudice d'éventuelles poursuites pénales. Les mêmes peines sont applicables soit au propriétaire, soit à l'exploitant du navire s'ils sont à l'origine du refus d'obtempérer. Les commandants ou officiers en second du navire ou le commandant de bord de l'aéronef sont habilités à constater les infractions. A la suite d'un contrôle d'identité, les services de police et les unités de la gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière et à les présenter ensuite devant les juridictions judiciaires compétentes. Les sanctions pénales associées à la violation des conditions d'entrée et de séjour en France sont définies aux articles 19 à 21 ter de l'ordonnance précitée. Ainsi, un étranger en situation irrégulière peut être condamné à une peine d'emprisonnement d'un an, à 25 000 francs d'amende, et peut éventuellement faire l'objet d'une reconduction à la frontière à l'expiration de la peine d'emprisonnement. Les entreprises de transports aérien, maritime ou routier qui débarquent des étrangers sans document de voyage sur le territoire français peuvent se voir infliger une amende de 10 000 francs pour chaque passager concerné. En outre, les personnes qui aident directement ou indirectement, facilitent ou tentent de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France sont passibles de cinq ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende. Ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 5 millions de francs d'amende si ces infractions sont commises en bande organisée. Ces mesures peuvent être assorties d'une interdiction d'exercer directement ou par personne interposée, pendant une durée de cinq ans, l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise. En cas de violation de cette mesure, le contrevenant peut être puni d'un emprisonnement de deux ans, d'une amende de 200 000 francs et, s'il est de nationalité étrangère, d'une interdiction de séjour sur le territoire français fixée au maximum à dix ans. Enfin, les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement pour avoir aidé, directement ou indirectement, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France. A ce titre, elles peuvent être condamnés à une amende suivant les modalités de l'article 131-38 du code pénal ainsi que des peines relatives à l'activité professionnelle définies aux 1° à 5°, 8° et 9° de l'article 131-39 du même code. Ces dispositions pénales feront prochainement l'objet de modifications législatives, dans le sens d'un renforcement et, notamment, d'une élévation de la sanction minimale de l'infraction principale. En effet, les 28 et 29 mai dernier, le conseil justice, affaires intérieures et protection civile de la Communauté européenne a adopté une directive et une décision-cadre, sur l'initiative de la France, afin de renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée et au séjour des étrangers en situation irrégulière. Ainsi, les Etats membres de la Communauté européenne veillent au respect de la réglementation relative à l'immigration clandestine. En France, cela se traduit notamment par la mise à jour des textes applicables en la matière et un renforcement des sanctions pénales.
- page 2604
Page mise à jour le