Question de M. du LUART Roland (Sarthe - RI) publiée le 03/05/2001
M. Roland du Luart demande à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche de bien vouloir porter à sa connaissance si les pouvoirs publics envisagent de modifier la réglementation relative à l'abattage des bovins dans le cadre de l'action d'éradication de l'encéphalopatie spongiforme bovine (ESB). Actuellement, dès lors qu'un animal, au sein d'un troupeau, est atteint d'ESB, la totalité dudit troupeau est abattue. Cette mesure, fondée sur une application particulièrement stricte du principe de précaution, est surtout destinée à rassurer les consommateurs. Or l'abattage total d'un troupeau, malgré les indemnités allouées à l'éleveur, occasionne un grave préjudice à ce dernier et peut même mettre en péril l'existence de l'exploitation, compte tenu de la grande difficulté, pour l'éleveur, à reconstituer un cheptel bovin, surtout lorsque celui-ci présente une haute qualité génétique. Dès lors, ne pourrait-on envisager d'épargner de l'abattage les jeunes animaux nés après l'interdiction de l'alimentation des bovins par des farines animales, c'est-à-dire nés après 1996 ?
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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 30/05/2001
Réponse apportée en séance publique le 29/05/2001
M. Roland du Luart. Je souhaite demander à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche s'il envisage de modifier la réglementation relative à l'abattage des bovins dans l'optique de l'action d'éradication de l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Actuellement, en effet, dès lors qu'un seul animal au sein d'un troupeau est atteint d'ESB, la totalité dudit troupeau est abattue. Cette mesure, fondée sur une application particulièrement stricte du principe de précaution, est surtout destinée à rassurer les consommateurs. Or l'abattage total d'un troupeau, malgré les indemnités allouées à l'éleveur, occasionne un grave préjudice à ce dernier et peut même mettre en péril l'existence de l'exploitation, compte tenu de la grande difficulté que représente la reconstitution d'un cheptel bovin, surtout lorsque celui-ci était d'une haute qualité génétique.
Dès lors, ne pourrait-on envisager d'épargner les jeunes animaux nés après l'interdiction de l'alimentation des bovins par des farines animales, c'est-à-dire après 1996 ?
J'aimerais, monsieur le ministre, connaître la position de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments sur ce sujet, car je crois qu'elle devait trancher ces jours-ci.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, comme c'est la première fois que je m'exprime devant la Haute Assemblée depuis la parution du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur le sujet que vous avez évoqué, je voudrais en profiter non pas pour faire une mise au point, car ce n'est pas nécessaire, mais pour indiquer que j'ai été très attristé et même choqué que l'on ait pu me faire dire que j'avais mis en cause les fonctionnaires du Sénat.
Je parle ici devant certains d'entre eux, qui pourront répercuter le message : à aucun moment je n'ai mis en cause les fonctionnaires du Sénat. J'y insiste, ce n'était ni dans mon esprit ni dans mes propos ; je veux que les choses soient claires entre nous sur ce point, car j'ai été parlementaire et peut-être le redeviendrai-je, dans cette assemblée ou dans une autre plus probablement, puisque les places sont ici beaucoup plus chères ! (Sourires.) Je voulais donc que les choses soient nettement dites : en aucun cas, dans mon esprit, il n'était question de mettre en cause le travail accompli par les fonctionnaires du Sénat, même si je ne retire rien aux propos que j'ai tenus sur la manière dont les choses se sont passées.
Par ailleurs, j'ai entendu avec beaucoup d'intérêt, à l'issue de la publication de ce rapport, M. le président Poncelet indiquer qu'il proposerait une modification du règlement du Sénat sur deux points. Je n'ai rien à ajouter aux déclarations du président du Sénat, néanmoins j'estime non pas que cela confirme ce que j'avais dit, mais que cela révèle qu'un dysfonctionnement à mon avis dommageable était bien survenu. En tout cas, c'est ainsi que j'ai compris les propos de M. le président Poncelet.
En réponse maintenant à votre question, monsieur le sénateur, je puis vous assurer que je travaille depuis plusieurs mois sur le problème que vous avez évoqué. Je suis absolument convaincu que l'abattage systématique des troupeaux est un lourd traumatisme pour les éleveurs chez qui l'on découvre un cas d'ESB. C'est aussi un risque économique, dans la mesure où ils ont ensuite beaucoup de mal à restaurer la qualité, notamment sur le plan génétique, du cheptel pour lequel ils avaient investi pendant des années. Il s'agit donc d'un traumatisme à la fois affectif et économique.
Au demeurant, et même si ce n'est pas l'essentiel, c'est également un traumatisme pour les finances publiques, car nous indemnisons ces éleveurs le plus correctement possible. Je crois d'ailleurs que jamais personne n'a mis en cause la qualité de cette indemnisation, et ce pour une raison simple : nous l'avions plutôt surévaluée, parce que nous voulions inciter les éleveurs, par une approche financière qui soit le plus généreuse possible, à déclarer les cas qu'ils constatent, plutôt qu'à chercher à les dissimuler.
Il s'agit donc d'un traumatisme à la fois affectif, économique et financier, que je suis absolument désireux de réparer.
Cela étant, compte tenu du fait qu'un manque de confiance persiste parmi les consommateurs puisque, d'après les informations dont nous disposons, les achats de viande bonine sont encore inférieurs de 15 % à ce qu'ils étaient avant la crise, nous sommes dans l'obligation de ne pas prendre de mesures qui ne soient fondées sur un fait scientifique ou sur une amélioration des connaissances. Adopter une autre attitude entraverait la reprise de confiance des consommateurs.
Je veux dire par là que si je décide aujourd'hui, ex abrupto, qu'il n'y a plus abattage de la totalité du troupeau mais que l'on se contente, comme vous le proposez, d'une cohorte d'âge, donc d'un nombre limité de têtes de bétail, les consommateurs risquent de s'interroger sur les raisons d'un tel relâchement du dispositif.
C'est pour cela que j'ai besoin de l'avis de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, que j'ai sollicitée voilà plusieurs mois déjà en lui demandant de me fournir des raisons objectives et scientifiques pour revenir sur l'abattage total du troupeau.
D'une part, j'attends de l'AFSSA qu'elle tire les leçons du programme expérimental de 48 000 tests que nous avons mis en oeuvre en 2000 sur les animaux à risque, notamment s'agissant du « protocole troupeau ». En effet, vous le savez, monsieur le sénateur, chaque fois que l'on trouve un cas d'ESB, des tests sont pratiqués sur l'ensemble du troupeau avant abattage total. Or, à ma connaissance, à ce stade, dans tous les troupeaux abattus en France, nous n'avons pas trouvé un seul autre cas d'ESB. Il appartient néanmoins à l'AFSSA de nous le confirmer.
D'autre part, j'attends de l'AFSSA le bilan des tests systématiques auxquels nous procédons depuis le 1er janvier sur les têtes de plus de trente mois.
L'AFSSA doit donc nous dire si ces deux données nouvelles, l'une expérimentale, l'autre systématique, sont de nature à permettre d'alléger le dispositif.
J'attends cet avis au plus tard pour la mi-juin. Cependant, monsieur le sénateur, les derniers entretiens que j'ai eus avec les scientifiques et les responsables de l'AFSSA me confirment que nous disposerons de cet avis avant. Je peux vous assurer que, s'il existe la moindre opportunité pour permettre d'alléger le dispositif, le Gouvernement la saisira.
M. Roland du Luart. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le ministre, je vous remercie des propos que vous avez tenus en réponse à la question que je vous ai posée. Je partage à 100 % votre analyse. Cependant, il est un point sur lequel nous divergeons légèrement. En effet, si je suis de ceux qui reconnaissent que les indemnisations sont correctes au regard des cotisations sociales comme de la fiscalité, beaucoup reste à faire car, dans certains départements, on fiscalise les indemnités, reprenant d'une main ce que l'on a donné de l'autre. Je peux vous en apporter la preuve, c'est arrivé encore récemment dans mon département.
En ce qui concerne l'AFSSA, tant mieux si, dans quelques jours, nous en savons plus et souhaitons que jamais le consommateur ne puisse douter de nouveau. Nous devons tous contribuer à rétablir sa confiance.
Justement, l'occasion m'en est donnée avec votre mise au point sur le rapport sénatorial. Pour avoir été l'un des vice-présidents de la commission d'enquête, j'ai beaucoup participé à ses travaux, et je puis vous dire qu'au sein de cette maison la commission d'enquête a travaillé de façon exemplaire. Les sénateurs ont beaucoup participé, les fonctionnaires ont énormément collaboré et nous avons procédé à un nombre considérable d'auditions.
Ce que j'ai personnellement déploré, c'est cette polémique car, franchement, le travail a été mené de façon rigoureuse. Certains journalistes ont tronqué la vérité. Un compte rendu de ce rapport est même paru dans un journal du matin avant même la tenue de notre conférence de presse. Je n'arrive pas à comprendre d'où vient cette fuite.
Mais il y avait une réelle volonté de contribuer à faire émerger la vérité sur un dossier très délicat, sans accabler qui que ce soit, mais simplement pour éclairer l'opinion publique.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je me félicite que nous puissions avoir ce matin ce débat, intéressant et cordial. Cependant, monsieur le sénateur, j'ai beaucoup de mal à vous rejoindre sur l'accusation que vous portez contre les journalistes.
Quand j'ai été reçu, pendant deux heures, par la commission d'enquête parlementaire, l'ambiance était très positive, très constructive ; j'ose à peine me flatter de ce que l'on m'a félicité de mon attitude dans la gestion de la crise, parce que je ne voudrais pas mettre en difficulté ceux qui l'ont fait, mais c'est une réalité objective.
Quant aux conclusions du rapport, elles sont parfaites, elles ont fait l'objet d'un débat et d'une délibération ; je n'ai rien à dire, sauf peut-être une divergence sur un point.
Quand j'ai ce dialogue avec les responsables de la commission d'enquête, avec le président, avec le rapporteur ou avec vous-même, monsieur le sénateur, on me dit qu'il n'est pas question de m'offusquer, de me contrarier ou de m'accuser, et encore à l'instant, monsieur le sénateur, vous affirmez votre total désaccord avec l'interprétation « tronquée » des journalistes.
Mais l'interprétation des journalistes n'est pas tronquée, monsieur le sénateur. Le rapport contient bel et bien des accusations contre le ministère de l'agriculture qui m'ont choqué parce qu'elles reposaient, je vous le dis franchement, sur une contrevérité. On a fait dire au ministre de l'agriculture et à ses représentants dans les réunions interministérielles des choses qu'ils n'ont pas dites pour justifier une démonstration. C'est ce qui m'a choqué.
Il y a un décalage entre l'audition, les conclusions et certains passages du rapport qui, à mon avis, n'ont pas été maîtrisés. Cela reste une part de mystère.
M. Roland du Luart. Tout est enregistré !
M. le président. Je vous en prie, nous n'allons pas ouvrir un débat ce matin sur ce sujet.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mais il est intéressant, monsieur le président, que nous nous expliquions cordialement et de manière très détendue afin d'aller au fond des choses.
Pour le reste, monsieur le sénateur, je suis tout à fait formel, nous avons pris toutes les dispositions, y compris législatives, pour que le traitement tant fiscal que social des indemnisations perçues au titre de l'ESB soit neutre. Donc, s'il y a la moindre difficulté d'application sur le terrain, je vous demande de me le signaler, parce qu'il n'y a aucune raison que ce soit le cas.
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