Question de M. GOULET Daniel (Orne - RPR) publiée le 30/03/2001
Question posée en séance publique le 29/03/2001
M. Daniel Goulet. Si ma question s'adresse à vous, madame la secrétaire d'Etat au budget, c'est qu'un aspect fondamental des crises à répétition qui frappent tous les acteurs de l'économie rurale a été passé sous silence.
Vous n'avez tiré aucun enseignement de la gestion fiscale de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, qui n'est pas terminée et qui s'est révélée catastrophique.
En effet, malgré la compréhension affichée et les promesses faites par le ministre de l'agriculture dans cette enceinte, le 7 décembre dernier, les éleveurs ont été gravement pénalisés par une fiscalité lourde et inadaptée puisque les indemnisations qu'ils ont reçues, en cas d'abattage des troupeaux, ont été intégrées à l'assiette de l'impôt sur le revenu.
M. Henri de Raincourt. Incroyable !
M. Daniel Goulet. Les exonérations votées ici même n'ont été in fine que des mesures d'étalement classiques, sans commune mesure avec la gravité de la situation des éleveurs, décevant ainsi leur attente.
L'Etat a donc repris d'une main ce qu'il avait chichement consenti à donner de l'autre.
Aujourd'hui, la crise de la fièvre aphteuse, qui a touché en priorité la Mayenne et l'Orne, déborde ces départements pour s'étendre à l'ensemble du territoire français, soumettant le pays à un embargo général dont les effets sur le plan économique sont catastrophiques.
Tous les maillons de la chaîne sont touchés de façon grave et durable, y compris les industries agroalimentaires, viandes et produits laitiers confondus.
Comment gérer les stocks et leurs destructions prévisibles ? Comment gérer les cheptels dévalorisés ? Comment aider à la renégociation des prêts en cours ? Comment gérer le tourisme d'une région mise en quarantaine ? Comment faire face aux pertes d'exploitation, aux licenciements économiques, aux fermetures de sites, avec leurs cortèges de drames humains et leurs répercussions sur les autres acteurs de la vie économique ? Et ce n'est pas - bien que ce soit une bonne idée - le « M. fièvre aphteuse » dépêché sur les lieux qui apportera toutes les réponses appropriées !
Nous ne ferons pas, monsieur le président, mes chers collègues, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, l'économie d'un débat national, qui devra s'achever par le vote d'une loi spécifique,...
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Daniel Goulet. ... car je ne crois pas que des dispositions dans une loi de finances rectificative soient suffisantes. C'est bien là le fond de la question.
Plusieurs sénateurs socialistes. La question !
M. Jacques Mahéas. C'est un pamphlet inutile !
M. Daniel Goulet. Alors, madame la secrétaire d'Etat, serions-nous moins imaginatifs et moins européens que nos collègues italiens, qui ont décidé une suspension de toutes les impositions à l'adresse de leurs agriculteurs ?
Par souci de crédibilité et compte tenu de l'enjeu, nous attendons, madame la secrétaire d'Etat, des actes et des mesures concrètes, fortes, significatives. Il y a urgence, après ce terrible séisme que constitue l'embargo.
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Réponse du ministère : Budget publiée le 30/03/2001
Réponse apportée en séance publique le 29/03/2001
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, je vais essayer de répondre dans le temps qui m'est imparti, mais je sollicite par avance votre indulgence, car la question posée mérite une réponse détaillée.
Monsieur le sénateur, ne faisons pas d'un sujet aussi terrible sur les plans humain, social et économique un sujet de discorde politicienne entre nous. Votre interpellation est tout à fait légitime, et tous les élus, qu'ils soient de gauche ou de droite, partagent votre préoccupation. L'exigence qu'ils expriment traduit ce que ressentent les éleveurs et leurs familles.
Le Parlement, dans son ensemble, s'est saisi de la question du traitement fiscal des indemnités versées aux agriculteurs dont les bêtes avaient été abattues au titre des mesures prises pour lutter contre l'ESB, et j'ai bien en tête les débats que nous avons eus ici même au mois de décembre dernier.
Pourquoi la solution d'exonération, que préconisait la Haute Assemblée, n'était-elle pas la bonne, comme l'a plus tard confirmé l'Assemblée nationale lorsque nous avons débattu en dernière lecture de la loi de finances pour 2001 ?
Parce que, si - chacun peut le comprendre - l'abattage entraîne évidemment une perte, l'indemnité compense cette perte. Les deux doivent être pris en compte. C'est logique, car si l'on ne comptabilise pas l'indemnité qui a effectivement été touchée, on ne laisse dans les comptes que la perte, et cela ne correspond pas à la réalité.
C'est aussi une question d'égalité des citoyens devant la loi, car les événements naturels qui frappent les agriculteurs, les commerçants, les artisans ou les industriels ne sont, hélas ! plus rares.
Analysons concrètement les différents cas de figure.
Il y a, d'abord, les agriculteurs qui sont au régime du forfait. Ils sont très nombreux. Ce sont les plus modestes. Eux ne subissent aucune conséquence fiscale du fait de la perception des indemnités. C'est dû à la nature même de leur régime, dans lequel le résultat est fixé forfaitairement et annuellement, en concertation avec l'administration et les organismes représentatifs du monde agricole.
Pour les autres, il y aura malheureusement, bien souvent, une perte, même après indemnité, car à la perte du capital s'ajoute une perte d'exploitation. Cela étant, il n'y a évidemment pas d'impôt à acquitter sur une perte. Celle-ci se reporte, au contraire, sur les revenus des années ultérieures.
Enfin, il y a le cas, qui peut se produire, en effet, parce que les indemnités ont été heureusement calculées de manière large, où le résultat de l'exploitant reste positif.
Si rien n'avait été fait à la fin de l'année 2000, il y aurait effectivement eu un problème pour les exploitants concernés, dans la mesure où l'impôt aurait pu, alors, peser très lourdement.
Nous avons donc retenu, dans l'article 15 de la loi de finances pour 2001, le mécanisme le plus avantageux possible.
D'abord, nous avons prévu l'étalement sur sept ans - ce n'est pas, monsieur le sénateur, un étalement banal ! - de l'éventuel résultat positif dégagé l'année de versement des indemnités. Cela permet, en pratique, de ne prendre en compte des fractions de ce résultat qu'au fur et à mesure que l'activité se restaure.
Ensuite, nous avons appliqué le système dit du quotient, qui permet d'atténuer la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu.
Je tiens à dire que ce dispositif global a été préparé par le Gouvernement et proposé au Parlement après une étroite concertation avec les fédérations professionnelles.
Aujourd'hui, alors que nous sommes tous confrontés à la crise de la fièvre aphteuse, je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous annoncer très solennellement que cette mesure fiscale sera, bien évidemment, étendue aux indemnités perçues pour la fièvre aphteuse. Le Parlement en sera saisi dans le projet de loi de finances pour 2002, en temps utile, donc pour les déclarations afférentes à l'année 2001.
Je termine en rappelant que tous les services des impôts, tous les comptables publics savent, comme ils ont toujours su le faire en pareilles circonstances, accueillir avec le maximum d'écoute et de compréhension tous les agriculteurs mis en difficulté et qui ne peuvent pas faire face à leurs échéances.
J'espère, monsieur le sénateur, avoir ainsi répondu à votre question. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
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