Question de M. BOYER Jean (Isère - RI) publiée le 31/01/2001

M. Jean Boyer rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité que l'aide à domicile en milieu rural, qui joue un rôle essentiel dans nos campagnes, est en difficulté. Le personnel soignant est en nombre insuffisant ; la convention collective, qui remonte à 1970, est dévalorisante et obsolète ; l'application de la réduction du temps de travail s'avère ingérable. Les personnels de l'ADMR ont entamé un mouvement social en Isère. Ils réclament une convention collective unique d'aide à domicile, un accord de branche pour les 35 heures, une augmentation des indemnités kilométriques cantonnées à 1,68 francs depuis cinq ans, et des contrats moins précaires. Il lui demande quelles réponses elle peut apporter à ces légitimes revendications.

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Réponse du ministère : Économie solidaire publiée le 28/03/2001

Réponse apportée en séance publique le 27/03/2001

M. Jean Boyer. Ma question porte sur l'aide à domicile en milieu rural, l'ADMR.
Pour la première fois en cinquante années d'existence, les intervenants de l'aide à domicile
sont descendus dans la rue ; c'était le 21 octobre dernier. Cette manifestation a réuni environ 8
000 personnes venues exprimer le mécontentement d'un secteur qui n'est pas reconnu et qui
se caractérise par un manque criant de financements publics et des conditions d'emploi
particulièrement précaires.
Le secteur de l'aide à domicile a pris une importance considérable dans notre pays. L'aide à
domicile en milieu rural représente à elle seule 2 700 associations locales, 38 000
professionnels et 100 000 bénévoles. Chaque année, elle aide 250 000 personnes - des
personnes âgées pour la plupart, mais aussi des familles - pour des difficultés passagères, une
grossesse ou un veuvage, par exemple.
La demande est en pleine croissance, mais ce secteur de l'aide à domicile peine à recruter
étant donné les mauvaises conditions de salaires et d'emploi.
Ce secteur essentiel n'est pas suffisamment pris en compte par les pouvoirs publics.
En ce qui concerne les 35 heures, l'accord signé en juillet dernier dans la branche a fait l'objet
d'un agrément tardif, le 1er mars dernier, par le ministère de l'emploi et de la solidarité. Etant
donné que les gains de productivité potentiels dans le secteur de l'aide à domicile sont faibles,
pouvez-vous nous indiquer comment vous allez financer l'augmentation des coûts due aux 35
heures ?
De plus, les rémunérations dans ce secteur sont faibles. La grille des salaires de la convention
collective des organismes d'aide ou de maintien à domicile démarre très en dessous du SMIC.
Lorsqu'une personne est recrutée, elle a la certitude de rester au SMIC pendant onze années.
Toute augmentation de la valeur du point nécessite l'accord du ministère. Or vous refusez de le
donner. Allez-vous persister longtemps dans ce refus ?
Voilà probablement l'un des méfaits de l'absence de parité. La profession est essentiellement
féminisée. Gageons que, s'il y avait 50 % d'hommes, la grille aurait été revalorisée depuis
longtemps !
La profession souffre d'un manque de considération manifeste. Pour valoriser l'image de ce
métier, des démarches qualité ont été entreprises. L'ADMR a lancé la sienne, il y a trois ans,
et le secteur de l'aide à domicile vient de se doter d'une norme AFNOR officielle depuis le 19
septembre dernier.
Mais cet accent sur la qualité ne suffira pas à attirer des salariés si l'on ne propose pas de
meilleurs salaires, un droit à la formation pour tous et des évolutions de carrière. Alors,
monsieur le secrétaire d'Etat, qu'allez-vous faire ?
Entre les deux tours des élections législatives de 1997, M. Lionel Jospin avait écrit à l'Union
nationale des associations de soins et services d'aide à domicile, l'UNASSAD, qu'en effet l'aide
à domicile devait procurer « de vrais emplois » et que les salariés devaient bénéficier de la «
reconnaissance sociale » et de la « dignité ». Allez-vous enfin mettre en oeuvre ces convictions
?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, les
associations d'aide à domicile sont des acteurs essentiels de la prise en charge des personnes
âgées dépendantes et des personnes handicapées. Il faut les conforter dans leur mission ;
c'est pourquoi le Gouvernement a pris, depuis maintenant quatre ans, des mesures importantes
pour soutenir à la fois le développement des moyens et la qualité des services d'aide à
domicile.
Le Gouvernement a exonéré totalement de charges sociales les associations d'aide ménagère
en 1999, afin d'améliorer leurs conditions économiques et de les rendre plus attractives face à
l'emploi direct : c'est une incitation au recours aux services de qualité.
Le nombre de places en services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD, a été
considérablement accru avec 2 000 places supplémentaires par an depuis 1998 et
l'engagement d'un plan sur cinq ans à partir de 2001 permettant de doubler le nombre de places
créées chaque année.
L'augmentation de 1 850 à 5 000 du nombre de places d'auxiliaires de vie annoncée par le
Premier ministre se met en place dès cette année.
Enfin, bien évidemment, l'allocation personnalisée à l'autonomie, l'APA, va être l'occasion
d'intensifier cet effort pour développer les moyens et la qualité des services d'aide à domicile.
La solvabilisation permise par l'APA permettra aux personnes âgées de recourir plus facilement
à des associations prestataires de qualité. Le nombre des personnes concernées passera de
150 000 à plus de 800 000. Ce progrès considérable, qui est imminent, va changer
considérablement la réalité du secteur.
Le montant des plans d'aides sera modulé pour tenir compte de la différence de qualité entre
les services d'aide à domicile et l'emploi direct, ce qui n'est pas le cas actuellement.
La mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans ce secteur sera l'occasion de
promouvoir la professionnalisation : augmentation de 10 % des rémunérations pour fidéliser,
motiver, mieux recruter les salariés et faire régresser la précarité dans ce secteur, due, vous
l'avez dit, à l'augmentation de la durée du travail des « petits » contrats, moins de dix heures
par semaine. L'objectif est, grâce à ces mesures, de faire régresser ces petits contrats. Je vous
informe d'ailleurs que Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a agréé l'accord de branche
qui sera prochainement mis en oeuvre.
Enfin, le projet de loi sur l'APA institue un fonds de modernisation de l'aide à domicile qui
permettra, en concertation avec les professionnels, d'améliorer la qualité des services :
financement de formation, d'actions innovantes, aides à la création d'associations dans des
zones mal équipées.
Au total, le projet du Gouvernement et les mesures qui l'accompagnent constituent une
incitation forte à recourir aux services de professionnels de qualité qu'emploient les
associations d'aide à domicile et permettra vraiment de structurer ce secteur.
Pour travailler sur les services de proximité et sur certains des aspects qui touchent à ce
secteur, et pour avoir suivi cette politique sur tout un territoire régional, j'ai la conviction que ce
secteur est voué à un grand développement, mais qu'il ne pourra se développer massivement
que grâce à la qualité, celle du recrutement et celle des relations entre les prestataires et les
bénéficiaires. Je fais confiance à la vie. Les mesures qui ont été prises permettront de définir un
cadre complètement rénové. La demande sociale forte s'accompagnera, j'en suis persuadé,
d'un recrutement qui ne peut se traduire demain que par le mot « qualité ».
M. Jean Boyer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse positive.
Nous en avions besoin, et je pense que la France rurale qui - disons-le très clairement - n'a pas
été, jusqu'à présent, « la tasse de thé » du Gouvernement, s'en réjouira.
Sans une telle réponse, les personnels de l'ADMR auraient démissionné et il aurait alors fallu
trouver un modus vivendi permettant aux 250 000 personnes aidées d'être accueillies dans des
établissements adéquats. Votre réponse est une réponse d'espoir. Souhaitons qu'elle se
concrétise. C'est mon souhait très personnel.
M. le président. C'est un souhait qui n'est pas seulement le vôtre...

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