Question de M. LORRAIN Jean-Louis (Haut-Rhin - UC) publiée le 11/01/2001
M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés actuelles de la fonction publique hospitalière. L'augmentation significative de l'emploi précaire, signalée dans le rapport ROCHE, ne prend pas en compte l'importance des effectifs non médicaux. Le temps de travail du personnel de nuit a été fixé en 1994 sur la base de 35 heures hebdomadaires, soit 220 jours de présence ou 1540 heures ouvrées. Or, le décret relatif à l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique d'Etat prévoit un décompte du temps de travail sur une base annuelle de 1600 heures ouvrées. Il est compréhensible qu'un décret particulier soit le souhait des syndicats, incluant un cadre réglementaire national, défini sur la base existante (ordonnance de mars 1982, décret d'octobre 1982). Les personnels hospitaliers s'opposeront donc à la flexibilité comme mode de gestion des effectifs. Ils estiment que la nouvelle réduction du temps de travail ne doit pas systématiquement générer l'annualisation des salaires. Par ailleurs, les cadres hospitaliers constatent la dégradation de leurs conditions de travail : la surcharge de travail qui pèse sur eux, liée à la multiplicité et à la complexité des dossiers à gérer, entraîne régulièrement le dépassement du temps réglementaire. Elle a un impact négatif sur la vie privée et la santé des intéressés. De plus, les statuts des différentes filières professionnelles sont maintenant obsolètes. L'activité professionnelle requiert des compétences techniques de plus en plus pointues. L'absence de promotion bouche l'horizon de l'encadrement hospitalier et les grilles indiciaires connaissent un phénomène d'écrasement. L'inadéquation des rémunérations aux responsabilités assumées, les insuffisances de la formation initiale face aux enjeux actuels, nécessitent des mesures urgentes. Quelle politique compte mener à court et à moyen terme le ministère de l'emploi et de la solidarité pour remédier aux difficultés précitées.
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Réponse du ministère : Emploi publiée le 07/02/2001
Réponse apportée en séance publique le 06/02/2001
M. Jean-Louis Lorrain. Madame le ministre, je souhaite vous interroger sur les personnels
hospitaliers. Je précise au préalable qu'il ne s'agit pas d'une question d'opportunité - ce qui lui
ferait perdre de sa valeur - mais d'une question de fond, qui se pose depuis longtemps. Certes,
elle coïncide avec un mouvement revendicatif ; néanmoins, vous et moi, madame le ministre,
avons sans doute, comme beaucoup d'autres, l'envie de répondre aux questions de fond.
Les personnels hospitaliers ont une charge de travail particulièrement lourde. L'emploi précaire
augmente parmi les personnels non médicaux sans être quantifié et le temps de travail du
personnel de nuit, fixé dès 1994 sur la base de 35 heures, soit 1 540 heures de travail par an,
est plus favorable que le récent décompte fixé par décret pour la fonction publique d'Etat, en
fonction de la réduction du temps de travail et réalisé sur la base d'une durée de travail de 1 600
heures.
Il devient nécessaire de créer de vrais emplois statutaires pour compenser la réduction du
temps de travail sur la base de 10 % des effectifs, comme cela avait initialement été envisagé.
Malgré le calendrier prévu pour les négociations statutaires relatives à l'ensemble des filières
professionnelles, l'impatience des cadres hospitaliers s'accroît face aux réponses
insatisfaisantes formulées par les pouvoirs publics.
Les dossiers sont de plus en plus complexes à gérer, non seulement pour les cadres mais
aussi pour l'ensemble des personnels. Je pense au programme de médicalisation du système
d'information, le PMSI, à l'accréditation, à la vigilance et à la pénurie d'effectifs. La durée
réglementaire du travail est devenue un concept abstrait, largement absorbé par une vie
professionnelle stressante et accaparante.
D'un côté, la profession exige un savoir-faire et une technicité irréprochables ; de l'autre, elle ne
donne aucune perspective sur les plans salarial, promotionnel et social, en pénalisant la vie
privée et la santé des intéressés.
C'est pourquoi se posent un certain nombre de questions, qui sont importantes tant pour vous
que pour nous. La fonction publique hospitalière dans son ensemble requiert de toute évidence
une politique énergique : comment le ministère de l'emploi et de la solidarité va-t-il juguler
l'emploi précaire ? Quelles mesures statutaires seront prises ? Un décret spécifique au
personnel hospitalier sera-t-il établi au sujet de la réduction du temps de travail ? Les sujétions
particulières liées à la pratique individuelle et collective des métiers de l'encadrement hospitalier
feront-elles l'objet d'une reconnaissance formelle ? Quelles améliorations significatives seront
portées aux grilles indiciaires et au régime indemnitaire pour offrir une rémunération équitable,
aux cadres hospitaliers notamment ? Quelle harmonisation statutaire peut-on envisager entre
l'Etat et la fonction publique territoriale ? Quant seront créés le statut d'attaché pour la filière
administrative et les instituts régionaux de cadres de santé qui représentent des priorités, pour
les organisations syndicales en particulier ? Enfin, ne pourrait-on officialiser la représentation de
l'encadrement hospitalier au sein d'un collège cadre unique dans les comités techniques
d'établissement ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je vous
remercie de votre question, car elle me permet de souligner que ce sont d'abord les personnels
des hôpitaux qui font de notre système de soins l'un des meilleurs au monde. Par conséquent,
il faut que nous reconnaissions toute leur place à ces personnels.
Je veux aussi souligner que le protocole du 14 mars 2000 va dans ce sens. En effet, dans ce
texte, il a été prévu, d'une part, de parler, à l'occassion de la réduction de la durée du travail, de
l'organisation du travail dans les hôpitaux, pour l'ensemble des personnels, et, d'autre part, de
négocier sur les filières professionnelles. Je vais faire le point sur ces deux grands chantiers,
qui sont ouverts aujourd'hui.
En ce qui concerne la mise en place de la réduction de la durée du travail, nous devons bien
sûr prendre en compte la spécificité de la fonction publique hospitalière.
J'ai ouvert ces négociations. Le premier objectif que j'ai fixé à mon ministère, c'est de travailler
avec les organisations syndicales d'ici à la fin du mois de mars 2001, sur un cahier des
charges permettant à chaque établissement de réaliser un diagnostic de l'organisation
existante. C'est évidemment le premier pas.
Par ailleurs, la nouvelle réglementation fera l'objet de négociations avec un objectif partagé par
tous, à savoir disposer d'un cadrage national précis pour que les établissements sachent dans
quelle direction aller. C'est à la fin du premier semestre 2001 que cette nouvelle réglementation
devra être prête pour donner aux établissements les moyens de préparer concrètement la
nouvelle organisation du travail adaptée à la réduction du temps de travail.
Les craintes qu'ont exprimées les personnels sont bien sûr compréhensibles puisque nous
sommes face à un changement de grande ampleur. Ces craintes existeront sans doute jusqu'à
la mise en place de la réduction de la durée du travail. Le travail que nous allons faire à
l'occasion de la réduction du temps de travail va d'abord permettre de renouveler le dialogue
social à tous les niveaux. Il permettra aussi de créer des emplois, dont le nombre sera,
évidemment, connu une fois le diagnostic effectué et la négociation engagée. Je ferai en sorte
que les risques éventuels que vous évoquez, monsieur le sénateur, ne puissent se concrétiser.
En ce qui concerne les filières professionnelles et l'encadrement, vous le savez, des
négociations sont en cours pour régler les situations que vous relevez. Il est vrai que nous
observons une insuffisante perspective dans l'évolution des carrières et, quelquefois, un
écrasement des grilles indiciaires. Nous devons adapter la formation et reconnaître l'évolution
des missions des cadres. C'est un dossier lourd, qui débouchera sur des mesures immédiates
dont les effets se feront sentir à court terme ou à moyen terme, s'agissant, par exemple, de la
formation professionnelle.
Je sais que les missions des personnels d'encadrement ont beaucoup évolué. Les travaux en
cours doivent permettre de définir la fonction de cadre sur la base d'un référentiel.
Vous savez peut-être que mon cabinet réunit aujourd'hui même les organisations syndicales
afin de faire le bilan des premières négociations, qui ont lieu depuis le mois de novembre, de
fixer les avancées et de donner les orientations pour la poursuite des discussions.
Je vous signale que je mettrai en place, dans le courant de cette année, un observatoire de
l'emploi et des métiers hospitaliers, qui donnera au Gouvernement les moyens de mieux prévoir
sa politique dans ce secteur.
Voilà les travaux que le Gouvernement mène avec les organisations syndicales et l'ensemble
de la communauté hospitalière, afin de trouver des réponses aux difficultés qui s'expriment
aujourd'hui et que vous avez mentionnées, et pour faire en sorte que l'hôpital et les
professionnels qui y travaillent gardent ce très haut niveau de performance qui nous est envié et
qui assure la qualité des soins dans notre pays.
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Madame la ministre, je vous remercie de votre intervention. J'ai
compris que le travail se fait dans la durée et que le dialogue est renoué.
Néanmoins, je souhaiterais insister sur le fait que l'ajustement du temps de travail ne peut pas
être dissocié des opérations qui sont menées en matière d'évaluation de nos hôpitaux, en
particulier par l'ANAES, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Je sais,
pour l'avoir vécu, que cette agence travaille sérieusement, établit des bilans et permet d'intégrer
le personnel dans le diagnostic. Mais, pour améliorer les outils de santé, il faut aussi que les
personnels bénéficient de bonnes conditions de travail. Il importe également de développer des
rapports de confiance avec l'ensemble du personnel, objectif qui, semble-t-il, avait été perdu de
vue pendant un certain temps.
M. André Maman. Très bien !
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