Question de M. MUZEAU Roland (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 12/01/2001

Question posée en séance publique le 11/01/2001

M. Roland Muzeau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
Monsieur le ministre, la vigueur du débat sur la répartition des fruits de la croissance se fonde
sur une réalité chiffrée : les profits réalisés par les quatre-vingts plus grandes sociétés non
financières s'élèveraient à près de 500 milliards de francs durant l'année 2000. Les revenus
spéculatifs se chiffrent par centaines de milliards de francs. Par ailleurs, sur un an, les salaires
n'ont progressé que de 1,9 % et les prix, eux, ont crû de 2,1 %. Tous les sondages l'attestent,
nos concitoyens exigent une augmentation des salaires. Notre pays et la gauche plurielle au
pouvoir ne peuvent laisser perdurer une augmentation des inégalités qui est bien réelle.
Or nous avons appris ce matin que le Gouvernement avait opté pour un système de crédit
d'impôt, appelé « prime pour l'emploi ». Je tiens à le dire clairement, nous désapprouvons cette
solution (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste), qui fait suite à la décision inacceptable d'un Conseil constitutionnel se comportant
de plus en plus comme le dernier rempart face au changement voulu par notre peuple !
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean Chérioux. On ne peut pas laisser dire cela !
M. Roland Muzeau. Cette mesure - qui n'a pas d'effet immédiat puisqu'elle ne sera applicable
qu'au mois de septembre - dédouane les entreprises de leur responsabilité essentielle dans la
politique salariale du pays.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Roland Muzeau. Cette mesure, soutenue bec et ongles par la droite et le patronat, est
libérale par essence, puisqu'elle tend - qui peut le contester ? - à limiter, voire à réduire les
salaires.
M. Henri de Raincourt. Ah !
M. Roland Muzeau. Cette mesure est, par là même, contraire à une politique de croissance
durable.
Est-il vrai, monsieur le ministre, que l'augmentation du SMIC aurait été recalée au nom d'un
risque d'inflation revendicative ? Nous l'affirmons fortement, la gauche n'a rien à craindre de la
montée des exigences sociales. Bien au contraire, c'est la garantie de ses succès futurs !
(Sourires sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et de l'Union centriste.)
Ma question, monsieur le ministre, est la suivante : entendez-vous favoriser une augmentation
des salaires prise en charge par les entreprises ? Quand allez-vous appuyer une augmentation
du SMIC d'au moins 3,2 % ? Quelles mesures d'augmentation des minima sociaux
envisagez-vous - je pense aux retraites également - avant la grande manifestation unitaire du 25
janvier ?
Enfin, que répondez-vous à notre proposition de revoir la CSG, en l'allégeant pour les bas
salaires et en la renforçant pour les revenus du capital, par le biais d'un collectif budgétaire ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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Réponse du ministère : Économie publiée le 12/01/2001

Réponse apportée en séance publique le 11/01/2001

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le
sénateur, je vous remercie de votre question, qui comporte deux aspects liés.
S'agissant de l'évolution générale des salaires, on enregistre depuis 1997 une progression que
personne ne conteste, même si elle a été moins forte pour l'année 2000, en raison notamment
de l'amputation considérable due à la hausse des prix du pétrole et correspondant à un
prélèvement sur le pouvoir d'achat du pays d'environ 80 milliards de francs. Malgré cela, le
pouvoir d'achat a quand même progressé en 2000 grâce aux dispositions qui ont été prises, en
particulier aux allégements d'impôts qui ont été votés.
J'en veux pour preuve, d'un côté, l'augmentation de la consommation, qui explique aussi la
bonne tenue de notre économie, et, de l'autre, le maintien du taux de l'épargne.
Mécaniquement, il faut en effet, qu'il y ait eu une augmentation du pouvoir d'achat pour que ce
soit possible !
M. Henri Weber. Eh oui !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. S'agissant de la
seconde partie de votre question relative au SMIC et à la CSG, le Premier ministre a expliqué
tout à l'heure dans quelles conditions nous avons été amenés à reprendre le dispositif. Nous
n'avons aucun a priori idéologique. Nous avons réfléchi à un relèvement du SMIC - qui
augmentera en 2001 comme c'est le cas chaque année - mais nous n'avons pas retenu cette
piste. Mettez-vous à notre place !
La mesure qui avait été votée concernait de huit à neuf millions de personnes. Si l'on agit à
travers le SMIC, non seulement on ne touche que deux millions de personnes environ, mais de
plus on ne touche absolument pas les non-salariés, qui ont pourtant droit, quand ils disposent
de petites ressources, à bénéficier également de ce volet de notre politique, ni les personnes
dont le revenu est compris entre 1,1 et 1,4 fois le SMIC. Or, dans notre esprit - et dans le vôtre
aussi, je crois -, ils avaient droit à bénéficier de ce dispositif. Voilà une première raison
extrêmement forte.
Deuxièmement, depuis que nous avons décidé l'application des trente-cinq heures, les
personnes concernées sont justiciables non pas directement du SMIC, mais de ce que l'on
appelle la garantie mensuelle. Il devenait alors nécessaire, pour toucher ces salariés-là, de
déposer un projet de loi, et l'argument de la rapidité tombait.
Troisièmement, et je vous demande d'y être attentifs, si l'on opte pour un mécanisme dans
lequel il ne peut y avoir d'augmentation du SMIC que lorsqu'il y a diminution corrélative des
cotisations patronales, le problème qui, ne serait-ce que du point de vue idéologique, vous
intéresse, devient extrêmement sérieux.
Par conséquent, nous avons mis le problème à plat, comme on doit le faire, nous en avons
discuté et, finalement, c'est la mesure de la prime à l'emploi qui a été retenue.
Enfin, après m'être repenché sur la proposition qui émanait du Sénat - Mme Parly, qui défendait
à l'époque un texte, avait dit du débat qu'il était honorable - j'ai remarqué que, si elle avait été
suivie, un couple de smicards n'aurait eu droit à rien et, de plus, on aurait introduit une
distinction qui n'est pas admissible pour nous, d'une façon générale, et en droit en particulier,
entre les concubins et les personnes mariées. Je tenais à le préciser ! (Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. le président. Conclusion, monsieur le ministre, il faut se marier ! (Sourires.)

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