Question de M. CLÉACH Marcel-Pierre (Sarthe - RI) publiée le 14/12/2000
M. Marcel-Pierre Cléach appelle l'attention de M. le Premier ministre sur le lien entre les dépenses publiques et la croissance économique. En France, le Gouvernement vient d'annoncer que le déficit prévisionnel atteindra 209 milliards de francs, soit 3 milliards de plus que le déficit constaté à la fin de l'année 1999 (206), alors même que la croissance a permis à l'Etat d'engranger 75 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires par rapport à la copie initiale du budget 2000. Or, une récente étude de l'OCDE (organisation de coopération et de développement économique) publiée par La Une d'août 2000, montre que lorsque les dépenses publiques sont inférieures à 25 %, la croissance moyenne est de 6,6 %. Cette croissance passe à 4,7 % pour les dépenses publiques entre 25 et 30 %, à 3,8 % pour les dépenses entre 30 et 40 %, à 2,8 % entre 40 et 50 % et à 2 % entre 50 et 60 %. Le rapprochement de ces deux constats laisse à penser que nos responsables politiques estiment que les lois économiques s'appliquant aux pays de l'OCDE ne sont pas valables pour la France. C'est pourquoi il aimerait connaître l'appréciation qu'il porte sur l'étude faite par l'OCDE sur le lien entre dépenses publiques et croissance.
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Transmise au ministère : Économie
Réponse du ministère : Économie publiée le 31/05/2001
Réponse. - L'OCDE n'a publié aucune étude relative au lien entre les dépenses publiques et la croissance économique. L'auteur de la question doit plutôt faire référence à un texte intitulé " Taille de l'Etat et richesse des nations ", publié par l'Institut économique de Montréal et qui n'est que la traduction d'un article du Cato Journal qui dépend du Cato Institute. Celui-ci est un groupe de réflexion (think tank) proche du Parti républicain américain. Les auteurs observent, pour différents pays et différentes périodes, au sein de l'OCDE et dans d'autres pays du monde, une corrélation négative entre taille de l'Etat (mesurée par le poids de la dépense publique dans le produit intérieur brut >PIB>) et croissance économique. Ils en concluent que lorsque les dépenses de l'Etat ont un poids élevé, la croissance économique en souffre. Ce raisonnement ne paraît pas extrêmement convaincant. En effet, cette corrélation peut s'expliquer par d'autres causes que celle qui est retenue par les auteurs. Dans les périodes de forte croissance, le dynamisme du PIB entraîne naturellement une modération du poids des dépenses publiques (puisque celui-ci se mesure par le rapport entre le niveau des dépenses et le PIB). Ce simple mécanisme statistique contribue à la corrélation observée, sans que l'on puisse en inférer une quelconque causalité. S'il est possible que la faiblesse du poids de l'Etat contribue à la croissance, il est également imaginable qu'une forte croissance incite à renforcer le poids de l'Etat, en vue d'une amélioration du bien-être des individus. En effet, si la hausse de la dépense et donc des prélèvements, même plus que proportionnelle à celle de l'activité, laisse subsister une progression significative du pouvoir d'achat, cette hausse des prélèvements peut être considérée comme acceptable par les citoyens compte tenu de l'accroissement des services publics dont ils bénéficient. D'autres facteurs exogènes peuvent également contribuer simultanément à la modération de la croissance et à la hausse des dépenses publiques. Ainsi, si un pays a une population qui vieillit rapidement en raison d'un faible taux de natalité, il risque de subir simultanément une faible croissance (car la croissance est fortement liée à l'évolution de la population) et une hausse du poids des dépenses de pensions et de santé. Enfin, et notamment lorsque l'on considère d'autres pays que ceux de l'OCDE, les pays les moins développés ont généralement un faible taux de dépenses publiques (celui-ci s'est élevé progressivement au fur et à mesure de la hausse de l'activité, dans la plupart des pays) et une croissance forte (puisqu'ils se trouvent en phase de " rattrapage " par rapport aux pays riches). Cela peut faire croire, à nouveau, à la corrélation évoquée dans l'étude, mais ce n'est en réalité qu'une conséquence du cycle de développement de ces pays. Les auteurs de l'étude considèrent qu'une corrélation implique nécessairement un lien de causalité et négligent en conséquence beaucoup d'éléments propres à modérer leurs conclusions. Il convient cependant de rappeler que la politique de maîtrise des dépenses publiques mise en uvre par le Gouvernement s'est traduite par une orientation à la baisse de la part de ces dépenses dans le PIB. Après être montée à plus de 55 % du PIB de 1993 à 1996, celle-ci a amorcé une nette décrue depuis 1997, de plus de 0,5 point par an en moyenne et elle devrait retomber à 49,8 % à l'horizon du programme de stabilité 2002-2004 que la France vient de déposer.
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