Question de M. FOUCAUD Thierry (Seine-Maritime - CRC) publiée le 12/12/2000

M. Thierry Foucaud souhaiterait attirer l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les modifications apportées en matière d'aide de l'Etat aux entreprises d'insertion. Ces entreprises bénéficiaient auparavant d'une aide forfaitaire attribuée par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et d'une aide globale de la direction des affaires sociales. La nécessité de renforcer l'accompagnement des salariés en insertion est reconnue par la loi de lutte contre les exclusions nº 98-657 du 29 juillet 1998, qui a modifié les modalités du soutien financier de l'Etat ; depuis 1999, les entreprises d'insertion se voient attribuer une seule aide au poste, forfaitaire et non indexée, ce qui génère des difficultés en cas d'augmentation du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Cette aide finance à la fois l'accompagnement social, l'encadrement et la moindre productivité des salariés en insertion. Les directions départementales de l'action sanitaire et sociale peuvent fournir, exceptionnellement, un soutien financier dans la mesure où l'entreprise d'insertion intervient auprès de publics spécifiques. Or les entreprises d'insertion connaissent les populations les plus en difficulté, dont l'accès à la qualification et à l'emploi imposent un encadrement fort. C'est d'autant plus vrai avec la reprise économique. Par ailleurs, ces entreprises interviennent dans des secteurs variés, et les besoins d'encadrement sont différents d'un secteur à l'autre, mais aussi à l'intérieur d'un même secteur, selon les corps de métiers. L'attribution d'une aide au poste forfaitaire, non indexée, ne prend pas en compte ces réalités. Il en est de même pour les entreprises de travail temporaire d'insertion qui assurent, elles aussi, le changement de nature des difficultés sociales et professionnelles des salariés en insertion. Aussi, il lui demande quelles mesures elle envisage pour que l'accompagnement des salariés en insertion soit assuré dans les meilleures conditions.

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Réponse du ministère : Droits des femmes publiée le 31/01/2001

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2001

M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d'Etat, je voudrais attirer votre attention sur la
mise en oeuvre de la réforme de l'insertion par l'activité économique, plus particulièrement sur
les modifications qu'elle a apportées en matière d'aide de l'Etat aux entreprises d'insertion.
Ces entreprises bénéficiaient auparavant d'une aide forfaitaire - « aide au poste » - attribuée
par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, ainsi
que d'une aide globale de la direction des affaires sociales.
A titre d'illustration, une entreprise d'insertion de la Seine-Maritime, Aspic Abbey, recevait
environ 38 000 francs de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale et 38 000
francs de la direction départementale du travail par poste d'insertion.
La nécessité de renforcer l'accompagnement des salariés en insertion a été reconnue par la
loi relative à la lutte contre les exclusions, ce qui est bien, mais il reste quelques problèmes
à résoudre.
Les associations intermédiaires, les entreprises de travail temporaire et les entreprises
d'insertion sont soumises à une procédure de conventionnement, lequel ouvre droit à l'aide de
l'Etat. Elles doivent préciser dans ce cadre leur projet social et les mesures
d'accompagnement qu'il comporte.
Or la loi relative à la lutte contre les exclusions, qui prévoyait le doublement de l'offre en
matière d'insertion par l'activité économique, a modifié les modalités du soutien financier de
l'Etat. Ainsi, depuis 1999, les entreprises d'insertion se voient attribuer, en principe, une seule
aide au poste, forfaitaire, de surcroît non indexée, ce qui génère des difficultés
supplémentaires en cas d'augmentation du salaire minimum interprofessionnel de croissance,
le SMIC. Son montant était de 50 000 francs en 1999 et 2000.
Cette aide finance à la fois l'accompagnement social, l'encadrement et la moindre productivité
des salariés en insertion.
Les directions départementales de l'action sanitaire et sociale, qui disposent de crédits en
faveur de l'insertion par l'activité économique, peuvent, quant à elles, fournir,
exceptionnellement, un soutien financier dans la mesure où l'entreprise d'insertion intervient
auprès de publics spécifiques tels que les personnes en état de dépendance alcoolique ou
toxicologique.
Par ailleurs, il ressort d'une récente étude menée par les services du ministère du travail que,
parmi les acteurs de l'insertion par l'activité économique, les entreprises d'insertion
rassemblent les personnes qui connaissent le plus de difficultés et dont l'accès à la
qualification et à l'emploi impose un encadrement fort. C'est d'autant plus vrai avec la reprise
économique !
En outre, ces entreprises interviennent dans des secteurs variés : le bâtiment et les travaux
publics, l'environnement et les services rendus aux entreprises. Les besoins d'encadrement
sont, bien entendu, différents d'un secteur à l'autre. Mais ils le sont aussi à l'intérieur d'un
même secteur selon les corps de métiers. C'est là que réside le problème dans la mesure où
l'attribution d'une aide au poste forfaitaire non indexée ne prend pas en compte ces réalités.
Il en va de même pour les entreprises de travail temporaire d'insertion, qui, en tant que
dernière étape d'insertion, ont, elles aussi, à assurer le changement de nature des difficultés
sociales et professionnelles des salariés en insertion.
Cette nouvelle donne sociale, ainsi que le nouveau contexte économique lié à la réduction du
temps de travail dans les entreprises où sont envoyés les salariés en insertion impliquent une
revalorisation de l'aide à l'accompagnement social et son indexation sur l'évolution du salaire
minimum interprofessionnel de croissance.
C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures vous
envisagez de prendre pour que l'accompagnement des salariés en insertion dans les
entreprises d'insertion et de travail temporaire soit assuré dans les meilleures conditions.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur l'aide aux postes d'insertion dont
bénéficient les entreprises ainsi que sur l'accompagnement des salariés en insertion.
Les ressources des entreprises d'insertion qui se situent dans l'économie marchande
proviennent essentiellement de la vente sur le marché des biens ou services qu'elles
produisent. Toutefois, les aides de l'Etat viennent compenser l'effort spécifique que ces
entreprises consentent pour l'embauche de personnes en difficulté, embauche qui nécessite
un investissement particulier en matière d'encadrement et d'accompagnement.
La loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a réformé le
système de financement des entreprises d'insertion afin de le simplifier et de le rendre plus
lisible.
Ainsi, l'aide aux postes des entreprises d'insertion, désormais prélevée sur le budget du
ministère de l'emploi, a été portée à 50 000 francs par an et par équivalent temps plein en
1999, en contrepartie de la suppression du financement de la direction de l'action sociale.
Parallèlement, l'exonération de charges patronales de sécurité sociale sur les rémunérations
des salariés en insertion est passée de 50 % à 100 %, dans la limite du SMIC.
L'Etat a donc fourni, depuis 1999, un effort important en direction des entreprises d'insertion
et des entreprises de travail temporaire d'insertion. Le budget consacré aux aides directes à
ces entreprises est ainsi passé de 363 millions de francs en 1999 à 527 millions de francs en
2001, auxquels il faut ajouter 170 millions de francs provenant du Fonds social européen, ce
qui a permis un développement important de l'offre d'insertion pour les personnes en grande
difficulté d'emploi.
Par ailleurs, pour les entreprises d'insertion qui appliquent, conformément à la loi du 19
janvier 2000, un accord négocié de réduction du temps de travail, l'aide au poste a été portée
à 58 500 francs. Grâce à la reprise économique et à la décrue du chômage, des personnes
que certains qualifiaient encore tout récemment d'« inemployables » retrouvent du travail dans
le secteur dit « classique » ; ce sont donc maintenant des personnes en très grande difficulté
que nous trouvons dans les structures d'insertion. C'est pourquoi l'encadrement technique
doit y être renforcé et l'accompagnement social systématisé et approfondi.
Je vous rappelle que Martine Aubry a, le 13 septembre dernier, dressé un bilan des deux
années de lutte contre les exclusions à l'occasion d'une communication en conseil des
ministres. Elisabeth Guigou a souhaité poursuivre ce programme de lutte, et elle le fera en
cohérence avec la nouvelle stratégie européenne de lutte contre les exclusions adoptée à
Nice, sous la présidence française, qui invite l'ensemble des Etats membres à présenter un
plan national avant le 1er juin prochain.
A cet égard, la situation des personnes en difficulté d'insertion sociale et professionnelle doit
être placée au centre de l'action publique afin que le nouveau contexte économique et la
reprise puissent profiter à tous, notamment aux personnes qui sont le plus en difficulté. C'est
pourquoi Elisabeth Guigou souhaite que l'accompagnement des personnes les plus éloignées
de l'emploi soit renforcé. La déclinaison de cet objectif pour les entreprises d'insertion sera
réalisée en collaboration avec les réseaux et le centre national d'insertion par l'activité
économique.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d'Etat, je constate, certes, qu'il y a, en la
matière, une volonté gouvernementale et j'ai bien enregistré que l'aide par poste avait été
portée à 50 000 francs. Cependant, j'ai donné tout à l'heure l'exemple d'une entreprise
d'insertion qui, auparavant, percevait 38 000 francs de la direction départementale du travail,
de l'emploi et de la formation professionnelle, d'une part, et 38 000 francs de la direction des
affaires sociales, d'autre part. Il y a donc eu une baisse qui est tout de même de 26 000
francs !
Aujourd'hui, les entreprises d'insertion souhaitent recevoir au moins un montant équivalent à
celui qu'elle recevait auparavant et sortir du forfait, de manière que soient pris en compte les
différents métiers.
Désormais, les DDASS n'apportent plus qu'une aide logistique. Or il est essentiel que soit
conservé le double ancrage : par le travail et par le social.
J'ajoute qu'en France il y avait 800 entreprises d'insertion à la fin de 1998 et qu'il n'y en avait
plus que 753 à la fin de 1999.
Actuellement, malgré la reprise économique, nombreux sont ceux qui demeurent en situation
de précarité, qui sont laissés sur le bord de la route. Cela mérite qu'on y réfléchisse, qu'on en
discute, en associant à la discussion les intéressés et les entreprises d'insertion.
Pour que la politique que, vous et moi, madame la secrétaire d'Etat, nous appelons de nos
voeux soit effectivement mise en oeuvre, il convient que les moyens dégagés soient au moins
égaux à ceux qui l'étaient antérieurement. Sinon, les entreprises d'insertion disparaîtront, ce
qui sera très dommageable.
Enfin, le poste afférent à l'encadrement de la personne en insertion n'est plus financé
aujourd'hui, alors qu'il l'était hier. Là encore, c'est une menace qui pèse sur le maintien des
entreprises d'insertion existantes et sur le développement de cette action, alors que, dans
notre pays, les besoins en la matière restent élevés.

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