Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - RI) publiée le 08/12/2000
Question posée en séance publique le 07/12/2000
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, vingt ans après, vous êtes en train de relancer la
guerre scolaire. (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult. Ah ! cela fait longtemps qu'on ne l'avait pas entendue, celle-là ! Ils n'ont plus
rien à dire !
M. Jean-Claude Carle. Oh ! certes, de façon moins spectaculaire qu'il y a vingt ans, mais de
façon beaucoup plus pernicieuse, et malheureusement plus efficace.
J'en veux pour preuve deux faits précis.
Premièrement, votre intention de vouloir assassiner l'enseignement agricole, et à tout le moins
une de ses composantes essentielles, les maisons familiales rurales. (Nouvelles protestations
sur les travées socialistes.)
Ainsi, lors du dernier conseil national de l'enseignement agricole, il a été décidé, sans
concertation aucune, de priver les maisons familiales rurales, comme d'ailleurs l'ensemble de
l'enseignement agricole, des classes de quatrième et de troisième, qui constituent leur vivier
naturel. De plus, il a été décidé, pour les maisons familiales rurales, de bloquer toute
contractualisation nouvelle.
Il y a deux manières d'assassiner : la manière forte, et la manière douce, qui consiste à priver le
corps d'oxygène. C'est cette dernière que vous avez choisie !
La petite souris agricole effraie-t-elle à ce point le mammouth qu'il veuille l'ingérer ? (Sourires.)
Un autre exemple montre votre volonté d'assassiner d'une manière générale la filière de
l'alternance, en la confinant dans la voie d'une orientation par défaut : cette année, vous avez
réduit l'aide à l'embauche au seul niveau V.
Pour 2001, le projet de loi de finances va plus loin encore en supprimant cette aide pour une
grande partie des contrats de qualification. Là encore, l'euthanasie est douce et progressive. (M.
Piras proteste.)
Prenez garde, car vous êtes en train de réduire à néant des acquis encore fragiles obtenus par
l'implication des professions, des chambres consulaires et des régions.
Notre collègue Jean Boyer s'en est fortement inquiété, voilà deux jours, lors de la discussion du
budget de l'emploi et de la formation professionnelle. Aucune réponse ne lui a été apportée.
Votre méfiance instinctive envers ceux qui innovent et entreprennent, votre aveuglement
idéologique (Vives protestations sur les travées socialistes),...
M. Adrien Gouteyron. Il a raison !
M. Jean-Claude Carle. ... votre souci constant de ne pas braquer certains syndicats qui
drainent une partie de votre base électorale. (Brouhaha sur les travées socialistes),...
M. Adrien Gouteyron. Il a raison !
M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Carle achever son intervention ! M.
Jean-Claude Carle. Toute vérité n'est pas bonne à entendre !
Tout cela ne vous conduit-il pas à remettre en cause un mode d'enseignement qui a compris
mieux que d'autres la nécessité de valoriser cette intelligence de la main qui, aujourd'hui, fait
défaut et qui permet à des milliers de jeunes de réussir leur vie professionnelle ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Bernard Piras. La question !
M. Dominique Leclerc. Cela vous ennuie ?
M. Jean-Claude Carle. Voulez-vous rendre encore plus difficile la situation de nombreuses
entreprises, des commerçants, des artisans, des entreprises du BTP, de l'industrie, de
l'agroalimentaire, des métiers de bouche, qui n'arrivent pas à trouver le personnel qualifié dont
elles ont besoin?
En définitive, monsieur le ministre, voulez-vous tuer l'enseignement agricole parce qu'il réussit
mieux que d'autres ?
M. Paul Loridant. La question !
M. Jean-Claude Carle. Voulez-vous tuer la filière de l'alternance parce qu'elle a le mérite
d'apporter mieux que d'autres cette double réponse au souhait des jeunes et au besoin de notre
économie ? (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 08/12/2000
Réponse apportée en séance publique le 07/12/2000
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Delaneau. Cela va nous changer de la « vache folle » !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, pas plus que
je pense que l'éducation nationale serait un mammouth indomptable, pas plus je pense que
l'enseignement agricole serait une petite souris. Je pense que c'est un fier alezan, qui va bon
train et qui réussit très bien. (Vifs applaudissements sur les travées socialistes.)
Ce fier alezan, je le défends,...
M. Adrien Gouteyron. Nous vous aiderons à le défendre !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... y compris dans le budget que je
suis en train de présenter ce jour même devant votre assemblée.
M. Adrien Gouteyron. Il y a beaucoup à dire sur le sujet !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Force est de constater - ce n'est
pas moi qui le dis, ce sont les organisations syndicales - que nous n'avons jamais eu de
meilleur budget pour l'enseignement agricole depuis vingt ans.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est exact !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ainsi, pour la première fois depuis
des années, nous n'avons pas connu de grève à la rentrée, compte tenu des annonces
budgétaires.
M. Jean-Marc Pastor. C'est exact !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je ne peux donc pas vous laisser
dire que nous serions dans une logique assassine à l'égard de l'enseignement agricole, puisque
ce budget est le meilleur depuis vingt ans !
M. Charles Revet. C'est plus subtil que cela !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'ajoute que, s'agissant de l'équilibre
entre le public et le privé, je ne sais pas qui a fait la guerre, mais je sais qui l'a éteinte : c'est
Michel Rocard, alors ministre de l'agriculture, avec les lois de 1984.
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Et, pour ce qui me concerne,
j'applique les lois de 1984, toutes les lois, rien que les lois !
M. Jean-Claude Carle. Ce n'est pas la question !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous constaterez d'ailleurs que,
dans l'application de ce budget à l'enseignement agricole, l'ensemble des équilibres voulus par
les lois de 1984 seront respectés.
En particulier - puisque l'on me fait de mauvais procès -, j'ai recherché à quoi correspondait, en
termes d'ouverture de classes, le projet de budget que je présentais devant le Sénat aujourd'hui
: il y a 47 ouvertures dans le public, 46 dans le privé. Vous le voyez, les équilibres sont là !
M. Claude Estier. C'est vrai !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous ne pouvons donc porter le
moindre crédit à vos accusations. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
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