Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 08/12/2000
Question posée en séance publique le 07/12/2000
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers
collègues, le Conseil européen de Nice, qui s'ouvre aujourd'hui, marque la fin de la présidence
française de l'Union européenne.
M. le Premier ministre avait annoncé, au mois de mai dernier, que l'adoption d'un agenda social
constituant un programme de travail de l'Union européenne pour les cinq années à venir serait
l'une des actions prioritaires de la présidence française de l'Union européenne. L'enjeu de cet
agenda social européen n'est pas mince, puisqu'il s'agit tout simplement de rééquilibrer la part
du social par rapport à l'économique dans la construction européenne.
Les lignes directrices de cet agenda social sont certes séduisantes. On y parle de sécurité,
d'égalité ou de lutte contre l'exclusion. Mais l'orientation économique et sociale de l'Europe est
tout autre. L'actualité, monsieur le ministre, c'est la levée de l'interdiction du travail de nuit des
femmes ; c'est le développement de la précarité et le maintien d'un taux élevé du chômage à
travers toute l'Europe ; c'est également une pression permanente sur les salaires. Le
libéralisme progresse en Europe et vous savez bien qu'il s'accomode mal du progrès social.
Les dizaines de milliers de citoyens de tous les pays européens qui se sont retrouvés à Nice
ont exprimé avec force cette volonté de voir se substituer à l'Europe de l'argent une Europe du
progrès et de la justice sociale.
Or nous constatons l'absence d'engagements précis et chiffrés contraignant les Etats à adopter
une politique sociale ambitieuse. La charte européenne des droits fondamentaux, qui devrait
refléter cette volonté populaire européenne, apparaît comme un accord a minima, bien souvent
en deçà de notre législation sociale. Monsieur le ministre, la France sera-t-elle porteuse de ces
exigences ? Les orientations que le Gouvernement entend faire prévaloir porteront-elles sur les
conditions d'une Europe de progrès social, fondée sur l'intérêt général - je pense notamment
aux services publics -, fondée sur les droits sociaux, sur les coopérations avec le Sud, plutôt
que sur les intérêts particuliers des plus favorisés ? (Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs travées socialistes.)
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Réponse du ministère : Relations avec le Parlement publiée le 08/12/2000
Réponse apportée en séance publique le 07/12/2000
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, je
peux vous confirmer que la présidence française avait placé les questions sociales parmi ses
actions prioritaires. Le Conseil européen de Lisbonne, sous la présidence portugaise, l'avait
d'ailleurs mandatée pour parvenir à un accord sur un agenda social européen, puisqu'il s'agissait
bien d'assurer le social au coeur de l'Europe et de promouvoir une Europe plus proche des
citoyens.
Conformément à ce mandat, le conseil « emploi et politique sociale » du 28 novembre, présidé
par Mme Elisabeth Guigou, est parvenu à un accord à l'unanimité sur l'agenda social européen.
Cet accord sera examiné par le Conseil européen de Nice. Il porte sur l'accès à l'emploi, la
protection des travailleurs, la lutte contre la pauvreté et les discriminations, ainsi que sur
l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est la feuille de route européenne pour les cinq ans
à venir. Il faudra la remplir.
Comme vous l'indiquiez, madame Borvo, la France sera porteuse des exigences sociales, en
particulier pour l'application de cet agenda, qui n'est qu'un volet. Vous avez évoqué la charte des
droits fondamentaux. Elle était en retard. La France s'est efforcée de débloquer ce dossier,
notamment par des contacts bilatéraux entre les représentants de l'exécutif français - le
Président de la République et le Premier ministre - et les représentants des exécutifs étrangers.
La charte des droits fondamentaux va être adoptée à Nice. Elle représente une avancée
importante parce qu'elle constituera un socle de droit pour les pays européens. Il est vrai que ce
texte n'a pas aujourd'hui un caractère contraignant puisqu'il n'est pas intégré au traité,...
Mme Hélène Luc. C'est dommage !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... mais des progrès sont
possibles, et il faut le considérer dans cet esprit. En tout cas, c'est le souhait de la France et
son message pour parvenir à inscrire dans les textes européens des niveaux plus élevés de
droit social. Je pense aussi que la mobilisation des partenaires sociaux, plus particulièrement
dans le cadre de la confédération européenne des syndicats, puisque participaient les grandes
organisations syndicales françaises, est un élément pour faire progresser cette Europe sociale
que nous appelons de nos voeux. Je crois que la présidence française, de ce point de vue, a
permis d'avancer.
Un sénateur du RPR. Merci Chirac !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Il faudra continuer, en
particulier sous les prochaines présidences suédoise et belge. Oui, l'Europe sociale doit être
construite et des fondations solides ont été placées dans le cadre de la présidence française.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Gérard Le Cam applaudit également.)
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