Question de M. MAMAN André (Français établis hors de France - UC-R) publiée le 02/11/2000

M. André Maman appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la question de la brevetabilité des logiciels. Il lui rappelle en effet que, traditionnellement, les programmes d'ordinateur sont exclus de la protection par le droit des brevets, du moins dans la plupart des législations européennes, et en particulier dans la loi française qui prévoit, en revanche, qu'un logiciel peut être protégé par le droit d'auteur. Cette règle classique connaît, pourtant, quelques nuances dans la jurisprudence française (les tribunaux admettent la brevetabilité d'inventions complexes incluent des logiciels), et surtout, dans la jurisprudence des chambres de recours de l'office européen des brevets (OEB), qui a tendance à interpréter cette exclusion de manière très restrictive. C'est dans ce contexte que la commission européenne envisage, depuis 1997 (date de publication d'un livre vert relatif aux brevets), de mettre en place un brevet communautaire unique, afin de protéger les logiciels par des brevets. Selon la commission, en effet, l'absence d'une législation harmonisée au niveau de l'union européenne, dans ce domaine, pourrait entraver la croissance industrielle, la compétitivité et le développement du marché intérieur. Néanmoins, cette perspective suscite de vives réactions de la part des professionnels qui souhaitent défendre la notion de logiciel libre et qui dénoncent les effets négatifs qu'entraînerait une telle décision sur la concurrence et l'innovation. Selon eux, la brevetabilité des logiciels favoriserait, en effet, les grandes entreprises capables de racheter les petites strat-up et mettrait ainsi un frein à l'innovation et à la concurrence loyale. Afin de prendre en compte ces réactions, la Commission européenne a engagé, depuis le 19 octobre, une large consultation, sur internet, auprès des acteurs du domaine. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer la position de son ministère à l'égard de cette question épineuse qui doit recevoir une réponse à la fin du mois de novembre, lors de la conférence de révision de la convention de Munich.

- page 3739


Réponse du ministère : Économie publiée le 26/04/2001

Réponse. - A l'initiative de la France, la conférence diplomatique pour la révision de la convention sur le brevet européen (CBE), qui s'est tenue à Munich du 20 au 29 novembre derniers, a décidé de maintenir en l'état l'article 52, paragraphe 2, de la convention, qui exclut les " programmes d'ordinateurs " de la liste des inventions. A cet égard, il convient de rappeler que les éléments exclus de la brevetabilité par la convention ne le sont que " dans la mesure où la demande de brevet européen ou le brevet européen ne concerne que l'un de ces éléments, considéré en tant que tel " (art. 52, paragraphe 3). L'évolution technique a conduit à une interprétation évolutive de l'exclusion. Les directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office des brevets européens (OEB) ont ainsi été remaniées en 1985, en vue de clarifier la portée de l'exception édictée à l'article 52 à l'encontre des programmes d'ordinateurs " en tant que tels ". Celle-ci n'empêche nullement les inventions, de plus en plus nombreuses, qui ont pour objet ou qui font intervenir un logiciel, de bénéficier de la protection par brevet dès lors que " l'invention apporte une contribution technique réelle à l'état de la technique ". Les autorités françaises considèrent que la politique en matière de brevet doit favoriser la mise en uvre d'un cadre aussi stable, harmonieux et prévisible que possible dans ses effets pour les entreprises, sachant que l'industrie du logiciel concerne des marchés de plus en plus vastes à la fois sur le plan de l'activité économique et sur le plan géographique. Elles défendent ainsi une conception rigoureuse de la brevetabilité dans le domaine du logiciel, conforme au droit substantiel des brevets, lesquels doivent être accordés pour des inventions à caractère purement technique. Par conséquent et sur le fond, la France estime qu'il faut encadrer juridiquement la délivrance de brevets dans le domaine des logiciels, afin d'éviter que ne se développent au niveau de l'OEB les dérives déjà perceptibles aux Etats-Unis vers une brevetabilité très large incluant les méthodes d'affaires (business methods). Les autorités françaises estiment, en outre, que la politique en matière de brevet doit s'inscrire dans les objectifs d'une Union européenne favorable à la recherche et à l'innovation, conformément aux conclusions du Conseil européen de Lisbonne de mars 2000. Sur le thème de la brevetabilité des inventions logicielles, la résolution de la conférence diplomatique de Munich de novembre 2000 montre qu'il existe déjà une volonté de constituer une position européenne solide en vue de discussions au niveau mondial. En effet, cette résolution estime nécessaire le maintien des dispositions de la convention régissant l'exclusion en la matière, de façon à permettre " de mener à terme les larges consultations déjà en cours à ce sujet ". Lors du Conseil de l'Union européenne " marché intérieur, consommation et tourisme ", qui s'est tenu à Bruxelles le 12 mars dernier, la France a estimé nécessaire de disposer des résultats exhaustifs et définitifs de la consultation engagée par la Commission auprès des milieux intéressés au dernier trimestre 2000, relative à la brevetabilité des inventions logicielles, ayant toute prise de décision sur la brevetabilité des logiciels ; la Commission ayant indiqué la transmission d'un rapport final pour la fin du mois de mars 2001. Il est ainsi indispensable d'apprécier correctement les enjeux juridiques, économiques, techniques et politiques de la brevetabilité des logiciels et, parallèlement au débat communautaire, les autorités françaises mènent actuellement une réflexion nationale sur la question. Elles souhaitent être en mesure, dans les meilleurs délais, d'élaborer des propositions concrètes destinées à définir un cadre pour la brevetabilité des logiciels au plan communautaire, dont l'application soit garantie dans les perspective de la délivrance du futur brevet communautaire par l'OEB.

- page 1436

Page mise à jour le