Question de M. LORRAIN Jean-Louis (Haut-Rhin - UC) publiée le 26/10/2000
M. Jean-Louis Lorrain attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de la profession d'avocat qui, hormis quelques grands cabinets trop souvent étrangers, s'est trouvée appauvrie par les augmentations des charges alors que ses interventions non rémunérées (ou mal rémunérées) ne cessent d'accroître. Ainsi, les émoluments n'ont pas été augmentés depuis plus de 25 ans, autant dire que les avocats ont subi une baisse de leur rémunération. De même, les indemnités versées dans le cadre de l'aide juridictionnelle sont largement insuffisantes, alors que les cas traités dans ce cadre sont de plus en plus nombreux, voire de plus en plus lourds. Malgré les hautes valeurs toujours soutenues par l'Ordre, il serait préjudiciable tant pour les justiciables que pour la justice elle-même, qu'à l'instar de certains pays, des avocats novices assurent seuls la défense des cas ne représentant qu'un très faible intérêt économique. Il souhaiterait savoir : si elle entend reconnaître, à sa juste valeur, la qualité du travail fourni par cette profession en augmentant de façon conséquente, (pour tenir compte du passé) lesdits émoluments et indemnités. Par ailleurs et plus particulièrement pour les régions Alsace-Moselle, si elle entend rétablir la prise en charge des émoluments par la partie perdante, même quand la représentation par avocat n'est pas exigée et ce, contrairement à une interprétation inexacte des textes de la Cour de cassation par méconnaissance de la réalité des dispositions du droit local. De plus, il souhaiterait également savoir si elle envisage d'obtenir une baisse de la TVA sur les prestations d'avocats dès lors que le consommateur de droit ne peut en obtenir le remboursement. D'autre part, la spécificité régionale fait que les CARPA (caisse autonomie des règlements pécuniaires des avocats) d'Alsace-Moselle ne peuvent recueillir les fonds provenant des exécutions forcées immobilières (contrairement aux autres CARPA de " Vieille France "). Ne pourrait-elle envisager une compensation, par exemple par une participation plus importante de l'Etat dans le financement des centres de formation à la profession d'avocat ?
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Réponse du ministère : Justice publiée le 01/03/2001
Réponse. - La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire, s'agissant de l'environnement auquel se trouvent confrontés les avocats, que les préoccupations de cette profession appellent des réponses adaptées, au premier rang desquelles figure la recherche d'une plus grande compétitivité grâce à la rénovation des modes et structures de leurs activités. L'action des pouvoirs publics a tendu à faciliter de différentes manières les changements qu'implique cet effort d'adaptation. La loi du 31 décembre 1990 a réalisé une première avancée en permettant à l'ensemble des professionnels libéraux de constituer des sociétés de capitaux d'exercice libéral. Les sociétés de ce type offrent aux professionnels concernés des capacités accrues de capitalisation et d'investissement tout en préservant leur indépendance économique et morale. En outre, des mesures fiscales propres à faciliter le recours à ce mode d'exercice ont été prises par la loi du 30 décembre 1999 portant loi de finances rectificative pour 1999. Ces dispositions permettent d'éviter les conséquences fiscales habituellement attachées aux restructurations. Il en est de même pour les plus-values d'apport ou d'échange de titres. Le nouveau champ de possibilités s'ouvrant ainsi aux avocats leur offre les instruments d'une plus grande compétitivité face à la concurrence des pays voisins qui ne concerne pas seulement les départements frontaliers. S'agissant du tarif de postulation, la situation des avocats d'Alsace-Moselle est la même que celle de l'ensemble de leurs confrères. Cette situation tient au fait que la rémunération des avocats repose essentiellement sur des honoraires librement déterminés, susceptibles de compenser le niveau des émoluments de postulation, de sorte que le Conseil d'Etat, lorsqu'il a été saisi d'une proposition d'augmentation de ce tarif, a toujours rendu un avis négatif. S'agissant de la participation des avocats au système d'aide juridictionnelle, la garde des sceaux, ministre de la justice, a installé une commission présidée par M. Paul Bouchet, président d'ATD Quart Monde, conseiller d'Etat, ancien bâtonnier de Lyon, réunissant des personnalités de divers horizons, chargée de réfléchir sur l'adaptation et l'évolution de notre système d'aide juridictionnelle. Ces travaux, conduits dans un esprit de large concertation, déboucheront sur des propositions concrètes au mois d'avril prochain. Suite à une concertation ayant abouti au protocole d'accord signé le 18 décembre dernier entre la ministre de la justice et les organisations professionnelles représentant les avocats, des mesures immédiats ont été prises pour revaloriser les conditions d'indemnisation des avocats qui assurent la représentation des plus démunis au titre de l'aide juridictionnelle. En ce qui concerne le refus de prise en charge des émoluments par la partie perdante, les disposition de l'article 91 du code de procédure civile local et celles du décret nº 47-877 du 9 mai 1947 ne permettent pas d'inclure la rémunération des avocats parmi les frais mis à la charge de la partie qui succombe dans les procédures qui sont dispensées du ministère obligatoire d'avocats. Cette solution, qui résulte de l'arrêt d'assemblée de la cour de cassation, du 2 mai 1997, s'inscrit dans la droit ligne d'une jurisprudence constante, qui entend limiter la définition de la postulation à la seule représentation dans une procédure où le ministère d'avocat est obligatoire. La même solution s'applique, au demeurant, en matière de dépens : la cour de cassation estime, en effet, que la rémunération des avocats, même réglementée, n'est pas comprise dans les dépens dès lors que leur ministère n'est pas obligatoire (cass. civ. 2e, 2 décembre 1987). Cette analyse ne semble pas devoir être remise en cause. S'agissant de l'assujettissement au taux réduit de 5,5 %, de l'ensemble des prestations assurées par la profession d'avocat, la plupart des principes régissant la taxe sur la valeur ajoutée découle directement de la réglementation communautaire et, notamment, de la directive du 17 mai 1977 d'harmonisation des législations des Etats membres. Les Etats membres ne disposent que d'une latitude très limitée pour adapter les règles internes de taxe sur la valeur ajoutée aux exigences économiques et sociales qui leur sont propres. Toutefois, un groupe de travail réunissant l'administration et les représentants des avocats examinera, au regard des dispositions communautaires, les incidences du taux de TVA sur l'accès du droit et sur l'exercice de la profession d'avocat. S'agissant enfin des règles particulières applicables en matière d'exécution forcée immobilière, il y a lieu d'observer que la remise en cause d'une règle de procédure civile propre au droit local ne peut se concevoir indépendamment d'une réflexion d'ensemble sur le droit processuel applicable dans les trois départements d'Alsace-Moselle, expression d'une construction dotée d'un équilibre complexe et comportant des conséquences variées en matière de rémunération.
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