Question de M. ECKENSPIELLER Daniel (Haut-Rhin - RPR) publiée le 26/10/2000

M. Daniel Eckenspieller attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les revendications émanant de l'association régionale des avocats d'Alsace. Ils souhaiteraient principalement que soient actualisés leurs émoluments fixés par décret du 6 mai 1947, modifié par le décret du 2 avril 1960, par le décret du 10 février 1967, puis par le décret du 21 août 1975, qui n'ont connu aucune actualisation depuis 25 ans ; que soit rétablie la prise en charge des émoluments par la partie perdante, même quand la représentation par avocat n'est pas exigée ; ainsi qu'une baisse de la TVA, à 5,5 % lorsque le consommateur de droit ne peut la récupérer. En effet, on constate actuellement une paupérisation de la profession d'avocat, essentiellement due à une forte augmentation des charges, alors que, dans un même temps, les interventions non rémunérées ou mal rémunérées sont de plus en plus fréquentes. Ce problème est d'autant plus vrai dans les trois départements alsaciens du fait de leur caractère frontalier. Ils se trouvent, en effet, dans une situation concurrentielle qui leur est extrêmement défavorable. La diminution des marges les empêchant, malgré un travail acharné, d'investir dans les outils de travail modernes, mais aussi dans la formation et le recrutement de personnel qualifié. C'est la raison pour laquelle il lui demande de bien vouloir lui indiquer son sentiment sur ses revendications.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 11/01/2001

Réponse. - La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire, qu'au regard du tarif de postulation, la situation des avocats d'Alsace-Moselle est la même que celle de l'ensemble de leurs confrères. Cette situation tient au fait que la rémunération des avocats repose essentiellement sur des honoraires librement déterminés, susceptibles de compenser le niveau des émoluments de postulation, de sorte que le Conseil d'Etat, lorsqu'il a été saisi d'une proposition d'augmentation de ce tarif, a toujours rendu un avis négatif. En ce qui concerne le refus de prise en charge des émoluments par la partie perdante, les dispositions de l'article 91 du code de procédure civile local et celles du décret nº 47-877 du 9 mai 1947 ne permettent pas d'inclure la rémunération des avocats parmi les frais mis à la charge de la partie qui succombe dans les procédures qui sont dispensées du ministère obligatoire d'avocats. Cette solution, qui résulte de l'arrêt d'assemblée de la Cour de cassation du 2 mai 1997, s'inscrit dans la droite ligne d'une jurisprudence constante, qui entend limiter la définition de la postulation à la seule représentation dans une procédure où le ministère d'avocat est obligatoire. La même solution s'applique, au demeurant, en matière de dépens : la Cour de cassation estime, en effet, que la rémunération des avocats, même réglementée, n'est pas comprise dans les dépens dès lors que leur ministère n'est pas obligatoire (cass. civ. 2e, 2 décembre 1987). Cette analyse ne semble pas devoir être remise en cause. S'agissant de l'assujettissement au taux réduit de 5,5 % de l'ensemble des prestations assurées par la profession d'avocat, la plupart des principes régissant la taxe sur la valeur ajoutée découle directement de la réglementation communautaire et, notamment, de la directive du 17 mai 1977 d'harmonisation des législations des Etats membres. Les Etats membres ne disposent que d'une latitude très limitée pour adapter les règles internes de taxe sur la valeur ajoutée aux exigences économiques et sociales qui leur sont propres. L'application du taux réduit est autorisée, dans l'état actuel du droit communautaire, pour certaines prestations ayant un caractère social marqué. Il en est ainsi des prestations accomplies dans le cadre de l'aide juridictionnelle, totale ou partielle. En outre, les avocats dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 245 000 francs bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe. Cette disposition permet notamment de limiter les conséquences de l'imposition à la TVA des opérations réalisées par les petits cabinets dont les particuliers constituent la principale clientèle. En revanche, l'application du taux réduit à l'ensemble des prestations fournies par les avocats excéderait nos engagements communautaires dans la mesure où ces prestations ne peuvent, par nature, faire partie des services à forte intensité de main d' uvre au sens de la directive européenne 1999/85/CE du 22 octobre 1999. S'agissant de l'environnement auquel se trouve confronté l'ensemble de la profession d'avocat, les préoccupations exprimées appellent des réponses adaptées, au premier rang desquelles figure la recherche d'une plus grande compétitivité grâce à la rénovation des modes et structures des activités des avocats. L'action des pouvoirs publics a tendu à faciliter de différentes manières les changements qu'implique cet effort d'adaptation. La loi du 31 décembre 1990 a réalisé une première avancée en permettant à l'ensemble des professionnels libéraux de constituer des sociétés de capitaux d'exercice libéral. Les sociétés de ce type offrent aux professionnels concernés des capacités accrues de capitalisation et d'investissement tout en préservant leur indépendance économique et morale. En outre, des mesures fiscales propres à faciliter le recours à ce mode d'exercice ont été prises par la loi du 30 décembre 1999 portant loi de finances rectitificative pour 1999. Ces dispositions permettent d'éviter les conséquences fiscales habituellement attachées aux restructurations. Il en est de même pour les plus-values d'apport ou d'échange de titres. Le nouveau champ de possibilités s'ouvrant ainsi aux avocats leur offre les instruments d'une plus grande compétitivité face à la concurrence des pays voisins qui ne concerne pas seulement les départements frontaliers. En ce qui concerne la participation des avocats au système d'aide juridictionnelle, la garde des sceaux, ministre de la justice, va installer dans les prochains jours une commission présidée par le haut conseiller Bouchet, réunissant des personnalités de divers horizons, chargée de réfléchir sur l'adaptation et l'évolution de notre système d'aide juridictionnelle. Ces travaux, conduits dans un esprit de large concertation, devraient déboucher sur des propositions concrètes dans le courant du premier semestre 2001. De manière plus immédiate, une concertation est d'ores et déjà engagée sur la question des mesures d'urgence devant permettre aux avocats les plus impliqués dans le secteur aidé d'assurer l'équilibre économique de leur cabinet.

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