Question de M. BRAYE Dominique (Yvelines - RPR) publiée le 18/10/2000

M. Dominique Braye attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'inexistence en France de sites de stockage spécifiques aux déchets radifères et sur l'inquiétude des collectivités locales qui ne savent de quelle manière gérer ces déchets. L'absence de tels sites, qui permettraient de prendre en charge ces déchets si particuliers dans des conditions de sûreté et de radioprotection satisfaisantes, oblige en effet les collectivités locales soit à solliciter les exploitants d'installations nucléaires (solution peu crédible pour des quantités limitées de déchets), soit à maintenir sur site ces déchets, conduisant ainsi à la création de décharges " sauvages " de matériaux radioactifs. En conséquence, il lui demande de préciser ses intentions quant à la création de sites de stockage appropriés pour ces déchets radifères.

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Réponse du ministère : Économie solidaire publiée le 20/12/2000

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2000

M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, ma question, qui s'adressait à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement, concerne l'absence en France de sites de stockage spécifiques pour les
déchets radifères, entraînant l'inquiétude des élus qui ne savent pas de quelle manière gérer
ces déchets.
Cette situation est d'autant plus critique en Ile-de-France que l'histoire même du radium s'est
concentrée dans et autour de Paris, autrement dit dans un milieu urbain dense.
Véritable engouement populaire au début du siècle, la radiumthérapie ou curiethérapie a été
beaucoup utilisée dans le traitement des cancers ou des lésions dermato-logiques par
application directe du radium.
Abondonnés dès les années cinquante, les outils utilisés, que ce soient des aiguilles, des
sondes, des applicateurs ou des plaques ont été délaissés et oubliés dans les placards des
hôpitaux, des cliniques, parmi les affaires des médecins ou dans les caves de leurs maisons
qui ont parfois été cédées ou héritées par des tiers.
Aujourd'hui, nous savons que tous ces objets présentent un risque majeur pour la santé
publique, car ils sont toujours radioactifs, et ce pour des milliers d'années.
Voilà quelques mois, la communauté d'agglomération de Mantes-la-Jolie en Yvelines, que j'ai
l'honneur de présider, a été confrontée à ce problème de prise en charge de déchets radifères
lors d'une collecte d'encombrants ménagers.
Nous avons donc contacté l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs, agence dont l'intitulé nous avait naïvement laissé penser qu'elle devait être
compétente en la matière, pour lui demander ce qu'il fallait faire.
Or, sa réponse fut pour le moins étonnante. Faute d'un site de stockage spécifique, l'ANDRA
nous a en effet conseillé soit de solliciter les exploitants « d'installations nucléaires de base
», soit de regrouper ces déchets et de les maintenir sur site - je me demande où, d'ailleurs -
ce qui risque fort de conduire, si ce n'est déjà fait, à la création de véritables décharges «
sauvages » de matériaux radioactifs, au mépris des règles les plus élémentaires de sécurité
pour la santé de nos concitoyens.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi l'ANDRA nous a-t-elle fait cette réponse, alors que
nous avons appris entre-temps, en lisant son rapport annuel, qu'elle avait lancé depuis
décembre 1999 une campagne nationale de collecte d'objets au radium qui sont ensuite
provisoirement transférés à Saclay dans le cadre d'accords de partenariat avec le
Commissariat à l'énergie atomique, ou CEA ?
Bien que cette solution ne soit qu'un pis-aller qui ne nous satisfait nullement, pas plus que
l'ANDRA, dont les dirigeants plaident pour un site de stockage définitif, ce en quoi ils ont
parfaitement raison, je tiens néanmoins à souligner que cela ne justifie en rien la légèreté de
la réponse qu'ils nous ont transmise.
Face à cette désinvolture, je souhaiterais savoir, monsieur le secrétraire d'Etat, si l'ANDRA a
une obligation de collecte des déchets radifères. Si oui, pourquoi nous dit-elle le contraire ?
Si non, que doivent faire les collectivités locales et les élus, en présence de déchets radifères
potentiellement dangereux ramassés à l'occasion de collectes sélectives ? Dans le cas que
j'ai cité, le déchet est actuellement stocké dans la cave de Mme le député de la
circonscription, qui est aussi maire de la ville, près de la chaudière ! Je lui ai proposé de me
le donner de façon à vous le transmettre aujourd'hui, car il me semble que vous auriez été
plus compétent qu'elle pour régler ce problème. Mais, partageant votre sensibilité politique,
elle ne l'a pas souhaité !
Enfin, quelle que soit l'hypothèse, qu'attend le Gouvernemetn, en particulier Mme le ministre
de l'aménagement du territoire et de l'environnement, pour créer un ou plusieurs sites de
stockage spécifiques ? Il en va de la protection de l'environnement et de la santé de nos
concitoyens.
Naturellement, je serai très attentif à votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, je partage la
préoccupation qui est la vôtre. En matière de radon et d'émanations de gaz à partir du radium,
il s'agit de radioactivités très faibles mais qui, néanmoins, on le sait, sont significatives et qui,
surtout, ont des durées de vie extrêmement longues. Le problème n'est donc pas temporaire,
à l'échelle de quelques décennies : on parle bien de milliers d'années. Il convient par
conséquent de s'organiser et de prendre des mesures.
Il a été demandé à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs de développer
un concept de stockage pour ce type de déchets. Un tel concept est en voie de définition. Il
pourrait s'agir d'un stockage en subsurface dans de l'argile suffisamment imperméable, avec
une couverture comportant une barrière humide anti-radon.
Il reste évidemment concrètement à trouver et à déterminer un site pouvant accepter un tel
stockage. La recherche d'un tel site est en cours et, bien évidemment, on doit procéder, en
l'occurrence, à la fois à une sélection technique, technologique et géologique, pour s'assurer
de l'adéquation des sites retenus, et à un dialogue avec les élus locaux et les populations qui
puisse déboucher sur une décision positive dans le bassin concerné. Vous savez d'ailleurs la
sensibilité qui peut se manifester sur ce sujet ou sur d'autres, ici ou là.
Par conséquent, dans l'attente de la définition d'un tel site, le recours à des entreposages sur
des sites nucléaires existants, dont je vous accorde que ce n'est pas une solution définitive et
que cela ne doit pas l'être, a été effectivement considéré comme un moindre mal. Cette
solution d'attente a été retenue pour l'entreposage dans les installations du Centre d'études
atomiques, à Cadarache, de déchets radifères provenant de l'usine Rhône-Poulenc de La
Rochelle. L'autorisation provisoire sera renouvelée jusqu'à ce que le site de stockage définitif
ait été sélectionné et mis en oeuvre.
Je dirai d'ailleurs, pour abonder dans votre sens, monsieur le sénateur, que, dans ce monde
complexe des produits dérivés du nucléaire, c'est effectivement souvent le milieu de la
recherche ou le milieu hospitalier qui, par négligence ou, peut-être, par manque de
connaissance des dangers, font preuve du laxisme le plus grand, en abandonnant un certain
nombre de déchets. Ces milieux adoptent souvent une attitude beaucoup moins rigoureuse
que d'autres filières où la question est posée de manière sans doute plus directe et plus crue
au quotidien.
Cette question concerne des sites que l'on découvre chaque année plus nombreux. Mais,
quand on cherche, on trouve, dirai-je : l'ANDRA, année après année, à mesure qu'elle établit
sa carte nationale, identifie concrètement d'anciens laboratoires, d'anciens sites hospitaliers,
d'anciens sites de production, par exemple dans le secteur du bâtiment et des travaux
publics.
Nous réalisons cet inventaire, et je crois qu'il nous faudra maintenant mettre en place un plan
national de gestion des déchets radioactifs qui détermine des exutoires pour toutes les
catégories de déchets suivant leur nature. Cette proposition a d'ailleurs été faite dans un
récent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
et je peux vous dire que Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
s'y rallie tout à fait et souhaite voir ce dossier aboutir.
M. Dominique Braye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier de votre
réponse.
Il faut absolument que le Gouvernement se donne les moyens de sa politique. En effet, les
élus locaux ne comprennent pas pourquoi on leur impose, par exemple, à l'entrée des sites,
l'installation de portiques permettant de détecter les matières radifères, et donc d'isoler et de
récupérer ces dernières, alors que, parallèlement, on leur déclare ne pas savoir quoi faire de
ces déchets.
J'ai bien pris note de vos propos, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vais donc reprendre
contact avec l'ANDRA pour savoir ce que Mme le député de ma circonscription doit faire des
déchets qu'elle a entreposés dans sa cave !

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