Question de Mme DERYCKE Dinah (Nord - SOC) publiée le 21/09/2000
Mme Dinah Derycke souhaite appeler l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les critères d'attribution de l'aide juridictionnelle et en particulier sur la prise en compte des revenus du conjoint à l'occasion d'une procédure de divorce. L'article 5 de la loi nº 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle dispose dans son troisième alinéa qu'il est tenu compte, dans l'appréciation des ressources, de celles du conjoint du demandeur à l'aide juridictionnelle sauf si la procédure oppose entre eux les conjoints ou les personnes vivant habituellement au même foyer, ou s'il existe entre eux, eu égard à l'objet du litige, une divergence d'intérêt rendant nécessaire une appréciation distincte des ressources. Or il se trouve que les magistrats chargés de prendre une décision sur l'octroi ou non de l'aide juridictionnelle se livrent à des interprétations divergentes de cette disposition, rendant peu lisible, au moins au niveau national, cette mesure. Certains estiment que la procédure de divorce constitue par nature une opposition telle que l'entend la loi et ne prennent donc pas en considération les ressources du conjoint. Pour d'autres, cette opposition n'existe que dans la mesure où la procédure de divorce choisie n'est pas celle du consentement mutuel. La mesure, relayée légitimement par certains conseils est alors susceptible de créer un effet pervers. Compte tenu du caractère éminemment fondamental de l'aide juridictionnelle qui conditionne, en pratique, un égal accès de chacun de nos concitoyens à la justice, il apparaît en effet opportun de remédier à ces pratiques qui par leurs divergences permettent une certaine souplesse au magistrat mais sont susceptibles de créer une rupture d'égalité à l'endroit de certains justiciables. Aussi elle souhaiterait savoir quelles mesures elle compte prendre afin de préciser sur ce point précis la circulaire du 23 décembre 1991 relative à l'aide juridictionnelle qui ne semble pas assurer une évolution uniforme des décisions des bureaux d'aide juridictionnelle dans notre pays.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 19/04/2001
Réponse. - La garde des sceaux ministre de la justice, confirme à l'honorable parlementaire que l'article 5 alinéa 3 de la loi nº 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique qui prévoit qu'il est tenu compte, dans l'appréciation des ressources du demandeur à l'aide juridictionnelle, de celles de son conjoint et des personnes vivant habituellement au même foyer, sauf si la procédure oppose entre eux les conjoints ou les personnes vivant habituellement au même foyer, ou s'il existe entre eux, eu égard à l'objet du litige, une divergence d'intérêt rendant nécessaire une appréciation distincte des ressources, donne lieu, dans le cas d'un divorce par consentement mutuel et plus particulièrement d'un divorce sur requête conjointe, à deux analyses divergentes des bureaux d'aide juridictionnelle. Selon la première, développée dans les circulaires des 23 décembre 1991 et 5 juin 1992 relatives à l'aide juridictionnelle, la procédure de divorce, qui par nature oppose le demandeur à l'aide de son conjoint, rend nécessaire une appréciation distincte de ses ressources : dès lors, l'un des conjoints peut très bien obtenir l'aide juridictionnelle totale, alors que l'autre n'en bénéficie pas, ou bénéficie tout au plus de l'aide juridictionnelle partielle. Cette analyse a l'avantage de protéger le conjoint économiquement faible, puisque l'aide juridictionnelle dont il bénéficie lui permet de choisir son propre avocat et de mieux faire valoir ses droits. Elle l'expose cependant au mécanisme de retrait, dans l'hypothèse du retour à meilleure fortune, prévu par l'article 50-2º de la loi du 10 juillet 1991 lorsqu'il obtient une prestation compensatoire, dont le montant fait basculer ses revenus au-dessus des plafonds d'aide juridictionnelle. Les tenants de la seconde analyse considèrent que la procédure de divorce, de nature gracieuse, n'oppose pas les conjoints entre eux et que leur intérêt commun consiste précisément à divorcer et dès lors, il doit être fait masse de leurs ressources. Cette conception conduit à accorder l'aide juridictionnelle de façon plus restrictive. Il est vrai que ces divergences d'interprétation, sont susceptibles de créer une rupture d'égalité entre les justiciables. Consciente des défauts inhérents au dispositif issu de la loi du 10 juillet 1991 dans sa globalité, la garde des sceaux, ministre de la justice a procédé le 13 décembre à l'installation d'une commission présidée par M. Paul Bouchet, conseiller d'Etat honoraire, président d'ATD quart-monde, en la chargeant de remettre à plat le dispositif d'aide juridique. Les travaux de cette instance qui seront conduits dans un esprit de large concertation et qui seront achevés d'ici le 30 avril 2001, devront déboucher sur des propositions concrètes de telle sorte qu'un projet de loi puisse être finalisé à l'été 2001.
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