Question de Mme MICHAUX-CHEVRY Lucette (Guadeloupe - RPR) publiée le 03/08/2000

Mme Lucette Michaux-Chevry appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les enjeux relatifs aux conflits de voisinage liés à la mer et la pêche entre le département de la Guadeloupe et les Etats côtiers. La superposition des niveaux d'intervention institutionnels dans le domaine maritime a constitué jusqu'à présent un frein pour identifier les droits et obligations de chacun, privilégier des relations de bon voisinage et d'amitié entre la France et les Etats voisins de la Caraïbe, contribuer à une exploitation équilibrée et un partage équitable des ressources de la mer en faveur des marins-pêcheurs des îles respectives. Si des accords de délimitation des espaces ont été passés avec les principaux pays concernés, aucun accord de pêche, pourtant nécessaire afin de dégager des conditions de pêche satisfaisantes pour tous, n'est actuellement en vigueur dans la région. Cette situation suscite des conflits et incidents fréquents. Le cas le plus notable étant celui des relations d'Antigue avec la France et la Communauté européenne où, pour les cas respectifs de délimitation ainsi que d'accords de pêche, aucune solution n'a pu être dégagée après plus de vingt ans de statu quo. Le cas actuel de la Dominique est l'exemple probant du marasme avec l'arraisonnement le 16 juin du navire de M. Michel Azincourt par les gardes-côtes dominicains. Le Règlement du Conseil du 29 novembre 1993 relatif à la conclusion d'un accord de pêche entre la Communauté européenne et la Dominique montre comment la proximité, la politique de pêche de la région, les attentes des socio-professionnels n'ont pas été prises en compte au cours des négociations. De plus, jusqu'à ce jour, il n'est pas entré en vigueur puisque non ratifié. Cet imbroglio juridique n'est pas à l'avantage des marins-pêcheurs en Guadeloupe, où l'activité a un poids socio-économique important. En effet, l'appauvrissement des eaux proches du littoral, l'acquisition de la ressource pélagique entraînent un nécessaire éloignement des côtes. L'effort de la région en faveur du soutien au secteur d'activité est important, mais il est enrayé dès lors qu'il s'agit d'envisager les rapports avec les pays tiers. Pour exemple, l'une des contraintes du système actuel, outre l'aspect institutionnel de la négociation des accords de pêche, est que les départements français d'Amérique ne participent pas à la politique commune de gestion des ressources de la mer dans le cadre de l'organisation des Etats de la Caraïbe orientale ainsi que de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). De plus, les outils communautaires au service du développement de la pêche sont limités. Le programme d'orientation pluriannuel (POP) aurait pu faire l'objet, dans le cadre de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, d'une véritable différenciation avec les objectifs nationaux. Cela n'a pas été le cas. L'instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP) impose étrangement la part la plus importante des investissements aux bénéficiaires des mesures structurelles. Une telle situation ne peut perdurer, au risque d'accroître un protectionnisme maritime entre les Etats côtiers, une incompréhension permanente, une fragmentation d'intérêts dans la région barrière à l'émergence d'une véritable coopération, la multiplication des contentieux et des sentiments de rejet des populations respectives. C'est pourquoi elle demande au gouvernement sa position sur ces questions, dans le cadre de la Communauté européenne qui reconnaît la possibilité d'arrêter des mesures spécifiques pour les régions ultrapériphériques, et en particulier sur la situation des marins-pêcheurs français d'outre-mer arraisonnés dans la région dans le cadre de l'exploitation des ressources de la mer ainsi qu'en faveur du développement local.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 19/10/2000

Réponse. - Les difficultés que rencontrent les pêcheurs de l'archipel guadeloupéen dans l'exercice de leur activité, et en particulier les incidents qui conduit à l'arraisonnement de navires de pêche guadeloupéens par les autorités des Etats voisins (Antigua, Dominique) découlent de l'absence de délimitation des espaces maritimes réciproques et l'absence d'accords de pêche dans la région. En effet, les zones de pêche habituellement fréquentées par les pêcheurs se trouvent dans les eaux placées sous la souveraineté d'Etats voisins ou du moins revendiquées par eux. Or, il n'y a pas à ce jour d'accords de pêche entre la Communauté européenne et les Etats des Caraïbes, ni d'accords entre la France et les Etats concernés sur la délimitation des eaux. Le rôle des accords de délimitation, qui relèvent de la compétence de la France, est essentiel : la réglementation de la pêche suppose la définition d'une représentation claire et précise des espaces maritimes où s'exerce la souveraineté et la juridiction des parties en présence. L'exiguïté du plateau continental où sont localisées les principales ressources halieutiques accessibles à la pêche côtière rend d'autant plus nécessaire la délimitation de ces espaces. Dans ce but, les contacts ont été repris avec les autorités d'Antigua et Barbuda en 1998 et 1999. Elles n'ont pas donné suite pour le moment à leur accord de principe pour la reprise des négociations avortées en 1986. Par ailleurs, une première réunion de négociation a eu lieu en juillet 2000 avec les Antilles néerlandaises, qui a permis des progrès sensibles, sans déboucher sur un accord définitif. Ces négociations devraient se poursuivre au second semestre 2000. Le rôle des accords de pêche, qui relèvent de la compétence exclusive de la Commission européenne, seule habilitée à négocier l'accès des pêcheurs français aux zones économiques exclusives des pays tiers, est aussi essentiel. Le Gouvernement français a appelé de nouveau l'attention de la Commission en 1997 et 1998 sur ces difficultés rencontrées par les pêcheurs antillais dans l'exercice de leur activité, en lui demandant de reprendre les discussions avec les Etats des Caraïbes. A la suite de ces demandes, la Commission européenne a repris contact avec ces Etats, notamment avec la Dominique. Ces contacts ont eu lieu lors d'une réunion de la commission des pêches de l'Atlantique centre-ouest (COPACO), organisation régionale de pêche agissant sous l'égide de l'OAA/FAO. Les représentants professionnels guadeloupéens ont été associés à la préparation de cette réunion, ont participé à la délégation française et ont pu prendre connaissance des contacts entre la Communauté européenne et les autorités dominicaines. Il ressort de ces contacts préliminaires que la conclusion d'un accord en bonne et due forme demandera vraisemblablement un délai de plusieurs années, compte tenu de l'expérience et des difficultés rencontrées sur ce sujet par le passé. En effet, ce sont les autorités de la Dominique qui ont refusé de signer le projet d'accord de pêche qui avait l'objet d'un premier règlement du Conseil en 1993. Les exigences manifestées à nouveau lors des contacts établis en 1999 laissent présager des négociations difficiles. De plus, la reprise officielle des négociations demeure suspendue à l'adoption de nouvelles directives de négociation par le Conseil de l'Union européenne. En effet, la commission souhaite adapter des directives antérieures (qui datent de 1981) au contexte actuel. Elle souhaite aussi s'appuyer sur des progrès en matière de délimitation et en matière de relations de voisinage entre les pêcheurs locaux. Dans ce contexte, les autorités françaises rappellent régulièrement à la commission leurs préoccupations dans ce domaine. Dans l'intervalle, le développement de structures de contacts informels associant les professionnels et les administrations concernées devrait être recherché, afin de faciliter le dialogue entre les autorités locales et les pêcheurs. Il s'agit de permettre aux pêcheurs français d'exercer leurs activités dans un climat de confiance avec les autorités des pays voisins. Ceci implique notamment la participation à l'organisation régionale de pêche compétente pour la région, la COPACO. Cette organisation est en cours de restructuration en vue de renforcer son rôle d'organisme de coopération et de gestion commune de la ressource de l'Atlantique centre-ouest. Les autorités françaises ont d'ores et déjà communiqué à la COPACO leur volonté de demeurer membre de cette commission et entendent encourager la participation des représentants des départements français d'Amérique à ses réunions. En effet, la France, aux côtés de la Communauté européenne, est membre de cette organisation au titre de ses compétences propres (coopération, recherche, environnement). Enfin, en ce qui concerne le développement de la pêche dans les départements français d'Amérique, la France a obtenu que les objectifs capacitaires fixés pour les DOM au titre du quatrième programme d'orientation pluriannuel tiennent compte non seulement des ressources disponibles, mais également de la nécessité d'encourager le développement économique de ces régions. Ainsi, après de longues négociations, la Commission européenne a finalement fait droit au demandes françaises en accordant un substantiel relèvement des objectifs prévus par le POP IV pour la flotte des départements d'outre-mer. Aussi, par décision en date du 7 juin 1999, la commission a augmenté de 20% la capacité de la flottille des navires de moins de douze mètres et doublé la capacité de la flottille des navires de plus de douze mètres par rapport aux objectifs de début du POP IV (1er janvier 1997). Après de longues et difficiles négociations, le Conseil des ministres européens de la pêche a adopté le règlement d'application de l'instrument financier d'orientation de la pêche pour la nouvelle période de programmation 2000-2006. Dans ce cadre, les conditions de renouvellement des navires de pêche ont été modifiées pour tenir compte de la situation de chaque segment au regard des objectifs du POP IV et interdire le bénéfice de toute aide publique aux créations nettes de capacités (nouvelles constructions hors renouvellement). Soucieux du développement des activités de pêche dans les départements d'outre-mer, le ministre de l'agriculture et de la pêche a obtenu qu'une dérogation soit consentie à ces départements à l'exclusion de toute autre région européenne, même ultrapériphérique. Dans les DOM, contrairement à tout le reste du territoire communautaire, les nouvelles constructions de navires pourront donc être aidées sans que soient imposées en contrepartie des sorties de flotte correspondantes. S'agissant enfin des taux d'intervention de l'Ifop, la France a demandé le rétablissement des règles et barèmes applicables lors de la précédente programmation, sans que cette requête n'ait encore reçu de réponse formelle.

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