Question de M. PLASAIT Bernard (Paris - RI) publiée le 13/07/2000

M. Bernard Plasait attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'intérêt de rétablir le régime de faveur pour les plus-values à long terme des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés. En effet, les entreprises sont souvent freinées dans leurs projets d'investissement par la perspective d'être immédiatement taxées sur les plus-values réalisées lors de la cession de leurs éléments d'actif. Ce sentiment s'avère encore plus marqué depuis 1997, avec la suppression du taux réduit d'impôt sur les sociétés pour la plupart des plus-values professionnelles, supportant désormais l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun. Il n'est dès lors plus possible de contester le caractère pénalisant, voire paralysant, de cette hausse ressentie d'autant plus fortement qu'elle touche des plus-values calculées sur des valeurs d'actif très anciennes, tels qu'immeubles ou fonds de commerce, dont la cession est bien souvent écartée car trop onéreuse. Il conviendrait donc de rétablir le taux réduit de l'impôt sur les sociétés pour l'ensemble des plus-values à long terme. A l'instar des principaux pays de l'Union européenne, la mise en place d'un régime d'exonération des plus-values à long terme sous condition de remploi favoriserait également l'investissement des PME ayant besoin d'adapter leur appareil productif aux nouvelles techniques et permettrait le renforcement de leurs fonds propres. Les plus-values sur cession de titres de participation (détenus depuis plus de deux ans) demeurent quant à elles soumises à l'impôt sur les sociétés au taux de 19 % (20,0 % contribution spéciale comprise). Même au taux réduit, cette imposition s'avère handicapante pour les sociétés françaises, si on la compare aux exonérations accordées dans certains pays européens tels que la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, et que s'apprête à accorder l'Allemagne. Pour pallier les risques de délocalisation, il est urgent d'exonérer les plus-values de cession des titres de participation détenus par un holding financier. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui préciser ses réflexions et ses intentions sur ce sujet.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 25/01/2001

Réponse. - Le a ter du I de l'article 219 du code général des impôts exclut du régime fiscal des plus-values ou moins-values à long terme les plus-values et les moins-values réalisées par les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés à l'occasion de la cession de l'ensemble des éléments d'actif immobilité, à l'exception principalement des titres de participation. Il n'est pas envisagé, comme le propose l'auteur de la question, de rétablir le taux réduit d'imposition pour l'ensemble des plus-values. La réduction du champ d'application des plus-values à long terme, instaurée en 1997, avait pour objet de cesser d'avantager les résultats exceptionnels provenant de la cession d'actifs par rapport à ceux résultant de l'exercice normal de l'activité de l'entreprise. Elle est d'autant plus légitime que l'inflation est faible depuis de nombreuses années et que les plus-values réalisées n'ont donc plus, en règle générale, de composante monétaire. A cet égard, il convient d'observer que les plus-values, lorsqu'elles ne bénéficient pas d'une exonération, sont imposées au taux normal de l'impôt sur les sociétés chez nos partenaires européens. Il n'est pas non plus envisagé de rétablir le dispositif plus ancien par lequel les plus-values professionnelles étaient exonérées sous condition de remploi, comme cela est également suggéré par l'auteur de la question pour renforcer les fonds propres des petites et moyennes entreprises. En effet, le bilan de ce régime a révélé qu'il constituait un obstacle à la mobilité des biens et à l'adaptation des structures industrielles et commerciales, et qu'il présentait l'inconvénient de créer une distorsion entre la valeur comptable et fiscale des immobilisations. En outre, ce régime s'est avéré complexe en raison des nombreuses opérations comptables qu'il exigeait, multipliant par là même les occasions de conflit entre les services fiscaux et les contribuables. Ces critiques, qui ont motivé la suppression de ce régime en 1965, ne manqueraient pas de réapparaître si un dispositif de même nature était rétabli. S'agissant du renforcement des fonds propres des petites entreprises, le Gouvernement propose, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001, plutôt que des mesures sur l'imposition de leurs plus-values, de les faire bénéficier d'un taux réduit d'impôt sur les sociétés : en remplacement d'un dispositif complexe adopté en 1996 et qui a montré son inefficacité, les sociétés contrôlées par des personnes physiques et qui réalisent un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions de francs bénéficieront de plein droit, pour leurs 250 000 premiers francs de bénéfice, d'un taux réduit à 25 % en 2001, et 15 % à compter de 2002. Quant à l'exonération générale des plus-values de cession des titres de participation, elle ne paraît pas justifiée dès lors que ces plus-values traduisent bien un enrichissement du cédant qui dispose, en principe, des liquidités correspondantes pour faire face au paiement de l'impôt et qui a pu généralement déduire de ses résultats imposables les frais d'acquisition tout en bénéficiant de l'exonération des produits de sa participation, dans le cadre du régime des sociétés mères prévu aux articles 145, 146 et 216 du code général des impôts, même si les bénéfices correspondants ne sont pas imposés en France, ou du transfert de l'avoir fiscal. Lorsque la cession donne lieu à l'attribution de titres dans le cadre d'opérations de restructuration, les plus-values réalisées à l'occasion de ces opérations bénéficient généralement de sursis d'imposition permettant d'assurer leur neutralité fiscale. Il en est de même, en application de l'article 223 F du code déjà cité, lorsque les cessions interviennent entre sociétés membres d'un même groupe fiscal. En outre, il est rappelé que le principe d'imposition des plus-values de cession des titres de participation est conservé par la moitié des Etats de l'Union européenne (Finlande, Grèce, Irlande, Italie, Portugal, Royaume-Uni et Suède), où elles sont soumises, comme cela a été indiqué plus haut, à un taux d'imposition de droit commun généralement plus élevé que le taux réduit de 19 % applicable en France. Enfin, le risque de délocalisation des sociétés holdings françaises auquel il est fait référence ne paraît pas devoir être surestimé, dès lors que l'intérêt d'exonération des plus-values réalisées sur leurs cessions de participations par les holdings constitués à l'étranger par des sociétés résidentes de France apparaît illusoire, puisqu'il est généralement contrebalancé par l'imposition dont ces bénéfices doivent faire l'objet en France au titre de l'article 209 B du code général des impôts. Le dispositif de lutte contre l'évasion fiscale internationale retire ainsi leur principal attrait aux schémas de délocalisation fondés sur l'utilisation abusive du régime réservé aux holdings par certains membres de l'Union européenne. Enfin, plus généralement, il n'est pas envisagé de donner de suite à la demande de création d'un régime d'exonération des plus-values de cessions des titres de participation détenus par les holdings financiers, dès lors que cela conduirait à un alignement sur les dispositifs fiscaux les plus attractifs et les plus discutables de l'Union. Un tel comportement présenterait des risques budgétaires sérieux et serait directement contraire aux objectifs des Etats membres en matière de politique fiscale communautaire. Il est en effet rappelé que le Conseil Ecofin a adopté le 1er décembre 1997 un code de conduite destiné à recenser et à supprimer les mesures qui entraînent une concurrence déloyale dans l'Union européenne. Le groupe de suivi a examiné les régimes des Etats membres au regard des critères du code, afin d'évaluer le caractère dommageable des mesures ayant ou pouvant avoir une incidence sensible sur la localisation des activités économiques au sein de la Communauté. Un rapport a été présenté au Conseil Ecofin du 29 novembre 1999, qui fait état de soixante-six pratiques fiscales dommageables des Etats membres et de leurs territoires dépendants et associés. Le démantèlement de ces régimes doit avoir lieu au plus tard le 1er janvier 2003. L'OCDE est engagée dans un exercice similaire, avec l'objectif de démantèlement des régimes dommageables des Etats membres au 1er avril 2003. Dans ce contexte, il serait particulièrement inopportun que la France modifie sa législation dans un sens qui contribuerait à faciliter les délocalisations à but fiscal à l'intérieur de l'Union.

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