Question de M. CHABROUX Gilbert (Rhône - SOC) publiée le 06/07/2000
M. Gilbert Chabroux attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la question de la diffusion de la langue française dans les pays arabes. Alors que la France est insérée dans des réseaux d'interdépendances toujours plus vastes, les projets de coopération franco-arabes ne peuvent que gagner en force et en crédibilité. Pour fonder, sur une base féconde et durable une telle coopération, il importe, comme le fait le Gouvernement actuel, de ne pas la cantonner à la sphère économique proprement dite, mais d'en poursuivre la construction sur des valeurs civilisationnelles partagées. En ce sens, l'invitation de l'ambassadrice de l'Etat de Bahrein en France à une meilleure diffusion de la langue française constitue une opportunité pour développer un espace d'inter-compréhension entre nos peuples. Qui est, la langue, vecteur essentiel de diffusion de la culture française, pourrait à terme permettre de développer positivement la condition des femmes dans ces pays. Au regard de ce constat, il lui demande quelles mesures pourraient être prises pour promouvoir la politique francophone au sein des Etats arabes.
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Transmise au ministère : Affaires étrangères
Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 21/09/2000
Réponse. - La francophonie a une présence ancienne et vivace dans le monde arabe, pour des raisons historiques (politique d'influence et/ou d'alliance dans l'Empire ottoman, colonisation du Maghreb, mandats du Levant), mais aussi politiques : l'attrait pour la France est fort dans l'ensemble de la zone, y compris dans l'ancienne sphère d'influence britannique (Palestine, Egypte, Jordanie et Irak) et dans la péninsule Arabique. Pour les mêmes raisons historiques, la France, où existe une agrégation d'arabe depuis 1905, a développé depuis longtemps une tradition d'enseignement de l'arabe grâce à des établissements tels Langues O' ou l'Institut du monde arabe. L'imbrication entre les deux langues et les deux sphères linguistiques qu'elles recouvrent est donc forte et se traduit notamment par l'appartenance de sept Etats membres de la Ligue arabe sur vingt-deux au total à l'Organisation internationale de la francophonie : Maroc, Tunisie, Egypte, Liban, Djibouti, Mauritanie et les Comores. La diffusion de la langue française dans les pays arabes, qui concerne environ 12 millions d'élèves, recouvre cependant des réalités très variées : elles peuvent aller d'un statut très privilégié dans un pays membre de la francophonie comme le Maroc (où quasiment tous les élèves et étudiants, soit environ 3,5 millions, apprennent le français, à une présence très faible comme dans les pays de la péninsule Arabique. On constate néanmoins un regain de la demande de français dans la partie du monde arabe non " francophone " : cela est vrai des Territoires palestiniens comme de la Jordanie, pays où 40 000 élèves - effectif en augmentation - apprennent notre langue. Les autorités du royaume hachémite ont d'ailleurs récemment introduit le français aux épreuves du baccalauréat littéraire et soutiennent aujourd'hui une orientation de développement systématique du trilinguisme (arabe, anglais, français). La démarche de l'ambassadrice de l'Etat de Bahreïn, elle-même parfaitement francophone, témoigne également d'une attente dans la péninsule. La perception de notre langue dans les pays arabes est contrastée : sujet sensible et même facteur de division dans les anciennes colonies du Maghreb (où " arabistes " et " francophones " défendent les visions de la société parfois difficilement compatibles), elle est un facteur d'identité au Liban ou de distinction en Egypte. La langue française est cependant souvent considérée comme langue de modernité et d'ouverture, d'accès aux savoirs et aux échanges. Tout en cherchant à valoriser et confirmer cette image, notre politique francophone dans les pays arabes cherche aujourd'hui à ne pas conforter un vis-à-vis qui confinerait la langue arabe dans la seule dimension de l'identité. Cela suppose pour le français une claire acceptation d'un statut de langue seconde, voire étrangère, ainsi que le développement d'une coopération éducative où les enseignants de chacune des deux langues confrontent leurs méthodes et leur expérience afin de les enrichir. C'est une orientation qui a été discutée lors du récent congrès de la Fédération internationale des profeseurs de français (FIPF), tenu à Paris. Concernant le contenu proprement dit de notre politique francophone dans la région, le ministère des affaires étrangères consacre une part importante de ses crédits d'intervention à la diffusion et à l'enseignement de notre langue (13 MF pour l'Algérie, 14 MF pour l'Egypte, près de 20 MF au Maroc pour ne citer que ces pays) et mobilise de nombreuses équipes d'experts spécialisés, d'attachés linguistiques ou de coopérants. La direction générale de la coopération internationale et du développement, à travers la sous-direction du français, s'attache à promouvoir des politiques linguistiques adaptées au contexte de chaque pays d'intervention. Elle appuie les initiatives locales, en matière d'enseignement du français, aux différents niveaux des systèmes éducatifs, et encourge le développement de classes bilingues, en Egypte notamment. Notre réseau culturel permet de diversifier l'offre linguistique et de créer des lieux d'échanges représentant dans certains pays de véritables espaces de liberté. Si un effort est entrepris pour promouvoir la langue française auprès du public des affaires et du monde professionnel, comme récemment encore dans le golfe Persique grâce à la signature d'une convention entre la chambre de commerce et d'industrie de Paris et l'université de Bahreïn, notre coopération dépasse le strict domaine de l'apprentissage fonctionnel de la langue et peut prendre en compte la dimension du développement. Ainsi sont menées des actions d'alphabétisation en français de zones rurales (Maroc), d'appui aux systèmes éducatifs (Territoires palestiniens, Yémen, Irak) ou encore de promotion de l'environnement francophone et de la diffusion de valeurs partagées en ce qui concerne, notamment, les droits de l'homme ou la condition de la femme. Dans ce cadre, le rôle des médias francophones est essentiel. Le ministère des affaires étrangères, outre son appui à la diffusion du livre français, s'efforce d'affermir la présence de la presse écrite, des radios et des télévisions francophones, vecteurs incontournables de notre relation avec le monde arabe. Celui-ci reçoit les programmes de TV 5 Orient par les satellites Arabsat et Nilesat. Canal Horizons offre un bouquet de six chaînes francophones au Maghreb. Radio France Internationale émet sur l'ensemble des pays de la région, avec un développement progressif des émissions en modulation de fréquence (dont l'Etat de Bahreïn constitue un récent exemple). La France, pleinement consciente des enjeux qu'impliquent ses relations avec les pays arabes, a décidé d'inscrire certains d'entre eux (Maroc, Algérie, Tunisie, Territoires palestiniens et Liban) dans la Zone de solidarité prioritaire (ZSP), permettant des financements de projets pluriannuels. Au Maroc, un projet visant à promouvoir l'enseignement du français est en cours de définition avec les autorités marocaines, dans le cadre d'une réforme du système éducatif. Par ailleurs, soutenue par notre pays, l'Agence intergouvernementale de la francophonie, dans son programme 2000-2001, prévoit diverses actions en direction de ses pays membres de langue arabe, dans une optique de développement (Egypte et Mauritanie, par exemple). Le prochain Sommet de la francophonie, qui aura lieu à Beyrouth en 2001 et pour la première fois dans un pays arabe, sera également l'occasion pour la France d'envisager avec ses partenaires de nouvelles pistes d'action en faveur d'un dialogue renforcé entre arabophonie et francophonie.
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