Question de M. TRÉGOUËT René (Rhône - RPR) publiée le 06/07/2000

M. René Trégouët rappelle à l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, le récent débat autour de la demande de mise en liberté d'un détenu condamné il y a plus de vingt ans à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d'assises de Troyes. On a pu constater à cette occasion que bien d'autres détenus placés dans le même cas de figure n'en faisaient pas l'objet, l'un d'entre eux étant même âgé de quatre-vingt-douze ans aujourd'hui. Il lui demande en conséquence de bien vouloir, d'une part, lui rappeler les règles applicables en l'espèce, particulièrement l'étendue du droit de grâce du garde des sceaux, et les éléments dont il dispose lui permettant de prendre une décision éventuelle de libération et, d'autre part, la façon dont son pouvoir s'articule avec celui du Président de la République qui, seul, dans la Constitution, peut en principe accorder la grâce.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 21/02/2002

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que des dispositions tant constitutionnelles que législatives permettent la libération, avant la fin de leur peine, de personnes détenues en exécution de condamnations à des peines d'emprisonnement ou de réclusion criminelle. Il peut s'agir, dans une première hypothèse, de condamnés détenus qui, s'ils présentent des gages sérieux de réadaptation sociale, peuvent prétendre à une mesure de libération conditionnelle, qui constitue une forme de libération anticipée sous condition. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, le ministre de la justice ne dispose plus d'aucune compétence pour accorder ou refuser une mesure de libération conditionnelle. Avant cette réforme, le droit d'accorder une mesure de libération conditionnelle appartenait d'une part au ministre de la justice si la personne concernée devait subir une durée de détention excédant cinq années et d'autre part au juge de l'application des peines lorsque la durée de détention n'excédait pas cinq années. A présent, toute compétence du garde des sceaux a disparu en matièrede libération conditionnelle au profit d'une procédure judiciaire et contradictoire, quelle que soit la durée de détention à subir. La durée de détention reste cependant un critère de compétence entreles juridictions auxquelles ce contentieux est à présent dévolu. Le juge de l'application des peines, siégeant au tribunal de grande instance, est ainsi compétent à l'égard des personnes condamnées à une peine privative de liberté inférieure ou égale à dix ans ou dont la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à trois ans. Les autres hypothèses relèvent de la juridiction régionale de la libération conditionnelle siégeant à la cour d'appel. Les détenus condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité sont recevables à solliciter leur libération conditionnelle s'ils ont subi au moins quinze ans de détention. Par décision spéciale de la cour d'assises, ce délai peut être porté jusqu'à 22 ans. Il convient également de souligner que la cour d'assises peut, pour les crimes prévus et réprimés par les articles 221-3 et 221-4 du code pénal (meurtre ou assassinat d'un mineur de quinze ans précédé ou accompagné d'un vïol, de tortures ou d'actes de barbarie), porter la période de sûreté jusqu'à 30 ans ou écarter toute possibilité d'aménagement de peine. La libération, si elle est accordée, s'accompagne de mesures d'assistance ou de contrôle. Dans une seconde hypothèse, d'une tout autre nature, la libération anticipée d'un détenu peut résulter d'une remise gracieuse, totale ou partielle, de sa peine, accordée par le Président de la République, seul titulaire du droit de grâce aux termes de l'article 17 de la Constitution. Si la grâce est une prérogative exclusive du chef de l'Etat qui l'exerce personnellement, l'article R. 133-1 du code pénal confie cependant au ministre de la justice le soin d'instruire les recours en grâce. Les requêtes en grâce adressées au chef de l'Etat sont transmises au ministre de la justice, accompagnées des instructions du Président de la République. Les services de la Chancellerie sont chargés de recueillir tous les éléments permettant de statuer sur la grâce. Ils saisissent pour avis, le cas échéant, le procureur général du lieu de condamnation qui diligente les mesures d'instruction nécessaires, telles qu'une expertise médicale notamment. Si la mesure paraît opportune et s'il apparaît que la situation invoquée ne peut trouver une solution adéquate dans le cadre de l'application du dispositif législatif d'exécution et d'application des peines, la Chancellerie prépare, soit à la demande du chef de l'Etat, soit d'initiative, un projet de décret de grâce et le transmet au secrétariat de la présidence de la République. Le décret de grâce, signé par le Président de la République, est contresigné par le Premier ministre et par le ministre de la justice. La grâce, ou le refus de signer un décret de grâce, ne sont pas motivés, le Président de la République n'ayant pas à rendre compte de ses motifs. Ceux-ci peuvent être inspirés par l'intérêt général ou par des considérations individuelles, le plus souvent d'ordre humanitaire. Il en est ainsi, par exemple, des condamnés atteints d'une grave affection rendant leur état de santé incompatible avec une détention en milieu ordinaire ou spécialisé. La grâce emporte dispense de l'exécution de tout ou partie de la peine visée, sans toutefois effacer la condamnation.

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