Question de M. LORIDANT Paul (Essonne - CRC) publiée le 01/06/2000
M. Paul Loridant attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la clôture déficitaire du premier exercice de la Banque centrale européenne. En effet, à l'opposé des banques privées qui ont affiché des bénéfices records, la Banque centrale européenne a essuyé une perte d'environ 1,6 milliard de francs résultant en partie de la dépréciation de ses placements en titres de créances et d'importants frais de gestion. Ce résultat décevant de la gestion financière de la BCE, qui devra être comblé par les banques centrales nationales, soit environ 200 millions de francs pour la Banque de France, vient renforcer la défiance à l'égard de l'euro exprimée depuis son lancement par les marchés financiers. Aussi il lui demande quelles décisions il compte prendre afin de rappeler les responsables à une plus grande rigueur de gestion de la Banque centrale européenne. Il l'interroge sur l'opportunité d'un contrôle plus étroit des gouvernements sur cette dernière et sur l'idée d'un report du calendrier pour la mise en circulation de l'euro, compte tenu de ces circonstances dommageables pour l'image et la crédibilité de la monnaie unique.
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Réponse du ministère : Économie publiée le 26/10/2000
Réponse. - Comme le signale l'auteur de la question, l'exercice 1999 de la Banque centrale européenne (BCE) fait apparaître un déficit de 247,28 millions d'euros contre un exédent de 27,54 millions pour l'exercice précédent. Lors de son assemblée du 16 mars dernier, le conseil des gouverneurs a décidé de couvrir ces pertes en effectuant un prélèvement sur le fonds général de réserve (5,54 millions d'euros), sur le report à nouveau de l'exercice 1998 (22 millions d'euros) et sur la réserve commune du revenu monétaire à hauteur de 35,16 millions d'euros. Le solde du déficit enregistré, soit 184,58 millions d'euros, a été couvert par une contribution spéciale des banques centrales nationales (BCN) de la zone euro au prorata de leur part dans le capital de la BCE. La charge comptable supportée par la Banque de France s'élève par conséquent à 39,4 millions d'euros, soit environ 258,5 millions de francs. Ce résultat doit être apprécié à la lumière de plusieurs éléments. D'une manière générale, les résultats des banques centrales dépendent en partie des effets des décisions de politique monétaire sur le niveau, la structure et les conditions de rémunération de leurs actifs. Ils ne peuvent par conséquent être comparés à ceux des banques commerciales qui peuvent définir des stratégies de gestion autonomes de leurs ressources et de leurs emplois. Contrairement aux banques centrales nationales, la Banque centrale européenne n'émet pas de monnaie fiduciaire, même s'il n'est pas exclu qu'elle le fasse après la phase transitoire. Or, les billets émis sont inscrits au passif du bilan des banques centrales. Ils représentent une ressource obtenue gratuitement dont le placement génère des produits, le revenu monétaire. L'organisation du système européen de banques centrales prévoit la redistribution du revenu monétaire entre les banques centrales nationales et prive par conséquent la Banque centrale européenne d'une ressource importante, rendant difficile la comparaison entre la BCE et les BCN. Les produits du compte de résultat de la BCE proviennent donc quasi exclusivement des produits financiers liés à la gestion des fonds propres et des avoirs de change. Or, l'étroitesse de la base de fonds propres de la BCE limite mécaniquement les produits. Avant imputation du déficit enregistré en 1999, les fonds propres de la Banque centrale européenne atteignent 3,97 milliards d'euros (correspondant à la fraction du capital de 5 milliards d'euros appelée et libérée et aux réserves). La politique de gestion de ces fonds propres obéit aux principes de prudence et de compatibilité avec la mise en uvre de la politique monétaire. Le premier principe conduit la BCE à placer la majeure partie de ces fonds propres sous forme d'actifs obligataires de long terme libellés en euros. Compte tenu de l'évolution de la courbe des taux d'intérêt internationaux au cours de l'année 1999, cette politique de placement a eu un coût d'opportunité important et a généré des moins-values liées à la dépréciation des titres détenus en portefeuille. Le second principe conduit à adopter une politique de placement relativement passive pour éviter que de trop fréquentes opérations de placement ne soient interprétées par les opérateurs comme des signaux de politique monétaire. La mise en uvre de ces deux principes pèse sur la rentabilité des fonds propres de la BCE. Les règles comptables du système européen de banques centrales font obstacle à ce que les moins-values dégagées sur les fonds propres soient compensées par les plus-values latentes dégagées sur les réserves de change (pour l'essentiel libellées en dollars). Ainsi, les moins-values latentes sur titres liées à la hausse des taux d'intérêt (605 millions d'euros) ont pesé sur le résultat tandis que les plus-values latentes sur réserves de change (6,9 milliards d'euros), conformément aux règles de l'eurosystème, n'ont pas été enregistrées en produits mais transférées à un compte de réévaluation au passif du bilan. La forte progression des frais de fonctionnement et de la masse salariale de la BCE (60,75 et 61,02 millions d'euros pour 1999 contre respectivement 29,74 et 30,23 millions pour les sept derniers mois de 1998) reflète la montée en charge de l'institution. Cette montée en charge est appelée à se poursuivre au cours des prochains exercices. Ainsi, les effectifs moyens de la BCE en 1999 n'étaient que de 648 personnes, contre 478 en 1998, alors que la Banque fédérale de réserve des Etats-Unis, pour un périmètre d'activité plus limité, compte plus de 2 000 agents. Les pertes constatées au titre de l'exercice 1999 de la BCE ne révèlent par conséquent aucune dérive de gestion de la part de la Banque, dont le contrôle relève de ses actionnaires (les banques centrales nationales) et de la Cour des comptes européenne. Elles restent sans conséquence sur la parité de l'euro et n'affectent en rien la capacité du système européen de banque centrales à assurer la mise en circulation des pièces et billets en euros à la date prévue. Par ailleurs, les relations entre la BCE et les autorités nationales sont définies précisément par le traité. Son article 108, repris par l'article 7 du protocole relatif au système européen de banques centrales et à la Banque centrale européenne, dispose en effet que ni la BCE ni un membre quelconque de ses organes de décision ne peuvent solliciter ou accepter des instructions des institutions ou organes communautaires, ni des Gouvernements des Etats membres, qui s'engagent à respecter ce principe. En revanche, le traité prévoit un dialogue entre la BCE et le Conseil et aménage notamment la possibilité, pour le président du Conseil Ecofin, d'assister sans voix délibérative aux réunions du conseil des Gouverneurs de la BCE, possibilité que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, président en exercice du conseil Ecofin, a exercée le 20 juillet dernier. La France a par ailleurs pour objectif, sous sa présidence, de renforcer le rôle de l'Eurogroupe, qui constitue l'enceinte de discussion privilégiée entre les ministres des finances et le président de la Banque centrale européenne. Ce renforcement consiste notamment à élargir l'étendue des sujets traités aux questions de réformes structurelles et à donner plus de visibilité à l'Eurogroupe, décisions qui furent prises lors de la réunion de juillet.
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