Question de M. DARNICHE Philippe (Vendée - NI) publiée le 01/06/2000
M. Philippe Darniche attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inquiétante tendance de la jurisprudence française actuelle à accorder le droit d'adoption d'enfant par des couples homosexuels. Ainsi, une institutrice jurassienne de 38 ans, vivant en couple avec une autre femme, a été autorisée, le 25 février 2000, à adopter un enfant par le tribunal administratif de Besançon (Doubs) malgré l'opposition répétée des services sociaux du département du Jura qui refusait de lui accorder l'agrément nécessaire à l'adoption. Dans les faits, les juges bisontins ont annulé le refus d'agrément du président du conseil général du Jura, qui justifiait son opposition par l'absence d'image ou de référent paternel susceptible de favoriser le développement harmonieux pour l'enfant adopté et, d'autre part, par la place qu'occuperait son amie dans la vie de l'enfant. Réaffirmant la distinction entre une femme célibataire hétérosexuelle et une femme célibataire homosexuelle, le commissaire du Gouvernement estimait, à juste titre, que dans le premier cas " il y a image du père absent " et, dans le second, " image du père nié ". Dès lors, " le modèle de l'altérité sexuelle et la référence à un couple différencié étaient utiles à son développement ". En première instance, le tribunal a enjoint le président du conseil général du Jura à délivrer l'agrément à la jeune femme dans un délai de quinze jours. Pour les juges, l'article 9 du décret du 23 août 1985 relatif à l'agrément des personnes pour les adoptions de pupilles de l'Etat, étendu dans le code de la famille aux enfants étrangers, stipule de ne prendre en compte que les " conditions d'accueil que le demandeur est susceptible d'offrir à des enfants sur les plans familial, éducatif et psychologique ". En invoquant l'absence de " référent paternel ", le conseil général du Jura aurait commis une appréciation inexacte des textes et a été condamné à payer à la plaignante 4 000 francs au titre des frais de justice. Considérant que l'adoption en couple n'est légalement permise qu'aux personnes mariées et que lors du débat sur le Pacs (Pacte civil de solidarité), Mme le garde des sceaux a donné son assurance que " le gouvernement dont je fais partie ne proposera jamais l'adoption pour les concubins homosexuels " : il lui demande en conséquence de : 1º bien vouloir le rassurer afin qu'elle réaffirme les principes fondamentaux de la famille hétérosexuelles en France ; 2º qu'elle donne publiquement son avis sur la jurisprudence actuelle du droit à l'adoption pour les couples homosexuels ; 3º qu'elle s'engage clairement afin d'endiguer rapidement cette tendance judiciaire contraire aux intérêts de l'enfant afin qu'elle n'ouvre jamais la voie à l'adoption pour les couples homosexuels ; 4º informe les magistrats des chambres aux affaires familiales de leur responsabilité personnelle et morale lorsqu'ils décident seuls de fixer la résidence de l'enfant chez le parent vivant en couple homosexuel ; 5º quels dispositifs, enfin, elle entend mettre prochainement en oeuvre afin de réaffirmer la non-reconnaissnce des droits parentaux et de l'autorité exclusive pour les couples homosexuels.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 03/08/2000
Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'adoption n'est autorisée en droit français que dans deux situations précisément définies dans le code civil : soit l'adoption est demandée par deux époux voulant adopter ensemble un enfant. L'enfant aura alors un lien de filiation adoptive à l'égard des deux requérants ; soit l'adoption est demandée par une seule personne, qu'elle soit célibataire, veuve ou mariée (le consentement de son conjoint sera alors requis). Le code civil ne pose aucune autre condition sur ses choix de vie. Dans ce cas, l'enfant n'aura de filiation adoptive qu'avec cette personne. Ainsi, seules les personnes mariées peuvent adopter ensemble un enfant, les concubins, qu'ils soient hétéro ou homosexuels, ne le peuvent pas. La décision du tribunal administratif de Besançon à laquelle il est fait référence ne concerne pas les conditions énoncées ci-dessus mais l'agrément administratif, phase préalable de la procédure judiciaire d'adoption. Cet agrément est destiné à s'assurer de la capacité éducative et d'accueil des candidats à l'adoption, ce qui suppose une appréciation personnalisée dans chaque dossier. Dans l'espèce évoquée, le tribunal a estimé qu'une telle appréciation n'avait pas été opérée et que le refus d'agrément n'était fondé que sur une appréciation des habitudes de vie de la personne souhaitant obtenir celui-ci. En tout état de cause, l'agrément ne préjuge pas de la décision qui sera prise ultérieurement par le tribunal de grande instance et qui a pour seul critère l'intérêt de l'enfant qu'il appartient au juge d'apprécier souverainement. Il n'est donc pas possible d'en déduire des conséquences générales sur les conditions posées pour adopter un enfant. En outre, le garde des sceaux rappelle que, lors des débats sur le pacte civil de solidarité, elle a indiqué que ce texte n'avait pour objet que de fournir un cadre légal permettant à un couple d'organiser sa vie commune. Le texte voté n'a aucun effet sur la filiation et l'état des personnes et ne modifie en aucun cas la procédure d'adoption. Elle a constamment réaffirmé que ce gouvernement ne proposera pas une modification de la législation pour permettre à deux personnes de même sexe d'adopter ensemble un enfant et répété qu'un enfant avait besoin, pour la construction de son identité psychique, sociale et relationnelle, d'avoir face à lui, au cours de son enfance et de son adolescence, un père et une mère.
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