Question de M. DELFAU Gérard (Hérault - RDSE) publiée le 06/06/2000
M. Gérard Delfau attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la disparition rapide des libraires de quartiers en milieu urbain, en même temps que de celle des kiosques et autres dépôts de presse. Depuis un an, les services du ministère de la culture préparent des mesures, à partir, notamment, du rapport de Jean-Claude Hassan, sur la réforme de la distribution de la presse écrite, remis en février dernier. C'est toute la politique de la lecture en France, ainsi que celle de l'accès à la pluralité de l'information, qui est concernée par cette crise économique et morale de nombreuses petites entreprises de proximité. Faut-il attendre que les agences franchisées du plus gros opérateur privé aient tué la librairie de quartier et le kiosque, imposant une conception purement mercantile du livre et de l'imprimé ? Il souhaite savoir quand elle annoncera ses décisions en la matière, car il y a urgence.
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Réponse du ministère : Culture publiée le 11/10/2000
Réponse apportée en séance publique le 10/10/2000
M. le président. La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 852, adressée à Mme le ministre
de la culture et de la communication.
M. Gérard Delfau. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication et
elle a trait à la disparition rapide des libraires de quartier en milieu urbain, ainsi que des kiosques et
autres dépôts de presse.
Ces entreprises familiales sont victimes du système léonin mis en place par les NMPP et les MLP,
système qui oblige ces petites structures à avancer le coût d'une partie du stock d'invendus. Vous
imaginez le résultat désastreux sur leur trésorerie de cette pratique. Elles sont, en outre,
concurrencées par les rayons « librairie » ouverts par les grandes surfaces, qui traitent les livres
comme des barils de lessive et se refusent à exposer l'ouvrage qui n'est pas prévendu.
Nous voyons les conséquences de cette situation aux Etats-Unis : l'édition ne cesse de s'appauvrir.
Depuis un an, les services du ministère de la culture préparent des mesures, à partir, notamment, du
rapport de Jean-Claude Hassan sur la réforme de la distribution de la presse écrite, remis en février
dernier et dont les orientations m'inquiètent. C'est toute la politique de la lecture en France, toute la
politique de l'édition, ainsi que celle de l'accès à la pluralité de l'information, qui sont concernées par
cette crise économique et morale de nombreuses petites entreprises de proximité.
Faut-il attendre que les agences franchisées du plus gros opérateur privé aient tué la librairie de
quartier et le kiosque, imposant une conception purement mercantile du livre et de l'imprimé ? Je
souhaite savoir quand, madame le ministre, vous annoncerez vos décisions en la matière, car il y a
urgence. Je ne doute pas, vous connaissant, qu'elles seront positives.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous
vous préoccupez à juste raison de la situation des librairies de quartier en milieu urbain, ainsi que de
celle des kiosques et autres dépôts de presse qui sont des éléments essentiels du commerce de
proximité et d'animation de nos quartiers.
L'évolution du nombre de points de vente de presse depuis trois ans est la suivante : 545 points de
vente ont été créés en 1999 contre 695 en 1998 et 733 en 1997 ; en revanche, 410 points de vente
ont été supprimés en 1999, 354 en 1998 et 278 en 1997. Le solde entre les créations et les
suppressions demeure donc largement positif puisqu'il est de 135 en 1999.
Sur le total des points de vente, le commerce traditionnel s'établit à 89 % et le commerce intégré à
11 %. S'agissant des créations, celles qui ont été réalisées au profit du commerce traditionnel sont
de l'ordre de 75 % contre 25 % pour le commerce intégré.
Par ailleurs, la rémunération des diffuseurs de presse est fixée par le décret n° 88-136 du 9 février
1998, qui prévoit les commissions maximales dont peuvent bénéficier les dépositaires.
La rémunération des diffuseurs de presse a été améliorée, grâce au plan de modernisation engagé
par les Nouvelles messageries de la presse parisienne sur la période 1994-1997 et soutenu par l'Etat
par le biais de conventions FNE dérogatoires au droit commun.
Le plan a permis de redistribuer 147 millions de francs aux 14 400 diffuseurs qualifiés, soit une
revalorisation de plus de 1,5 point de leur commission.
La convention du 2 mai 1994 entre l'Etat et le conseil de gérance des NMPP visait à assurer, à l'issue
du plan quadriennal, une baisse du coût de distribution moyen de trois points pour les éditeurs et une
réévaluation de la rémunération des diffuseurs d'un point de commission.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que les pouvoirs publics, conscients des difficultés rencontrées
par les diffuseurs de presse, restent très attentifs à la répartition des économies entre les éditeurs et
les diffuseurs, même si elle relève prioritairement de la compétence des divers acteurs de l'édition et
de la diffusion de la presse.
Monsieur le sénateur, je vous signale que, depuis quelques semaines, a été mise en place une table
ronde des professionnels de la distribution qui devrait permettre de projeter sur l'avenir l'économie de
l'ensemble du secteur.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame la ministre, vous avez rappelé les efforts qui ont été réalisés par les
pouvoirs publics ces dernières années face à une situation qui, même si les chiffres globaux peuvent
la faire apparaître satisfaisante, reste préoccupante.
Il faudrait notamment, pour affiner notre jugement, connaître la proportion de diffuseurs indépendants
par rapport aux diffuseurs franchisés, toujours plus nombreux. C'est un élément non négligeable de
notre réflexion car la même politique n'est pas forcément menée dans les deux cas.
Je reviendrai sur un point très précis, qui est au coeur des discussions, aujourd'hui comme hier : le
système de l'envoi d'office.
Récemment encore, la libraire de mon quartier, femme de grande culture qui fait beaucoup pour la
promotion de la lecture, m'expliquait le système. Elle reçoit d'office un certain nombre de livres qu'elle
n'a pas commandés ; elle doit payer la facture. Il existe, certes, une faculté de retour mais, de fait,
elle avance ainsi la trésorerie - elle qui gère seule une toute petite structure - à de grands groupes de
presse et de distribution qui disposent de moyens importants.
En outre, le système de facturation ne cesse de se compliquer, de telle sorte qu'un certain nombre
de ces libraires indépendants perdent pied et se trouvent dans des difficultés dont ils ne peuvent pas
se sortir.
Il est nécessaire de rééquilibrer le système. Il n'est pas possible que les « petits », vais-je dire de
façon un peu schématique, financent les « gros », et cela est d'autant moins acceptable quand il
s'agit du livre car, à l'injustice sociale que cela représente, s'ajoute une sorte de crime contre l'esprit.
Voilà pourquoi je voulais attirer votre attention. Je sais que vous êtes sensible à cette situation, nous
en avons parlé ensemble voilà quelque temps. Je souhaite beaucoup, par cette intervention qui traduit
l'état d'esprit de l'ensemble du Sénat, je le sais, peser sur la table ronde qui se tient actuellement ; je
demande qu'elle ne s'éternise pas et de vous, madame la ministre, que vous fassiez comprendre aux
différentes parties la nécessité d'un rééquilibrage. Eventuellement, il vous faudra imposer par un
arbitrage de bonnes solutions à la fois pour la vie de nos quartiers et, bien sûr, pour la création et la
lecture en France.
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