Question de M. LEFEBVRE Pierre (Nord - CRC) publiée le 31/05/2000

M. Pierre Lefebvre rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité que la région Nord - Pas-de-Calais paie dans la chair de ses habitants un lourd tribut à l'essor industriel qu'on lui a longtemps demandé d'assurer. Cette souffrance apparaît surtout au travers des maladies professionnelles que, par ailleurs, le ministère de l'emploi et de la solidarité a largement contribué à faire reconnaître, ce dont on lui sait gré. Il reste néanmoins beaucoup à faire, notamment en matière de silicose et autres formes de pneumocontoses qui concernent directement 18 000 anciens mineurs, quand 12 000 autres en sont déjà décédés. Des milliers d'autres ne sont pas reconnues. L'union régionale des sociétés de sécurité sociale minière dispose dans la gestion des reconnaissances des affections, des demandes d'aggravation et de détermination des causes de décès d'un pouvoir absolu qui la rend juge et partie. Les travailleurs de cette corporation ne bénéficient donc pas des mêmes droits que tout citoyen : le libre choix de son médecin. Même le médecin traitant de secteur, que l'on peut supposer connaître ses patients, est exclu en dernier ressort de la décision finale. Ne serait-il pas plus conforme à notre devoir national de renforcer et d'améliorer, en le rendant absolument indépendant, le suivi médical des victimes reconnues ou potentielles ? Ne serait-il pas plus humain de ne plus faire reposer la reconnaissance de la maladie sur l'autopsie si dramatique et si choquante ? Il souhaiterait connaître son avis sur ces propositions qui émanent d'une organisation syndicale à laquelle on ne peut que reconnaître expérience et compétence.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 11/10/2000

Réponse apportée en séance publique le 10/10/2000

M. le président. La parole est à M. Lefebvre, auteur de la question n° 850, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Pierre Lefebvre. Madame la secrétaire d'Etat, dans le bassin minier du Nord - Pas-de-Calais,
des milliers de mineurs atteints de la silicose ne sont pas reconnus. L'aggravation de leur mal est
trop souvent contestée, tout comme la reconnaissance du décès par silicose ou pneumoconiose.
Les procédures de recours en cas de rejet sont lourdes, souvent rebutantes et injustes.
En cas de décès de la victime, reste le plus souvent l'utilisation du recours, par l'union régionale des
sociétés de sécurité sociale minière, à l'autopsie, avec son côté dramatique pour la famille et souvent
choquant.
Enfin, dans la gestion du risque lié à la maladie professionnelle par l'union régionale de sécurité
sociale minière, l'un des principes de la loi n'est pas appliqué semble-t-il. Dans la réalité du
fonctionnement de la sécurité sociale minière, à aucun moment les victimes n'ont le libre choix
médical. Ainsi, la société de sécurité sociale minière est juge et partie. Voilà qui n'est pas juste.
Pour remédier au plus vite à cette situation, l'union régionale des syndicats de retraités et veuves
CGT de mineurs et similaires a formulé des propositions pour que soient respectées les règles
légales sur les maladies professionnelles.
Je veux brièvement vous les soumettre, madame la secrétaire d'Etat.
Le principe d'indépendance absolue de l'avis médical pour les victimes doit être posé.
Les médecins traitants doivent pouvoir assumer leur rôle et responsabilité jusqu'au terme du dossier,
y compris dans les décisions du médecin-conseil.
Le suivi médical des victimes, amélioré, doit être placé en situation d'indépendance médicale
absolue.
Enfin, Le recours aux autopsies pour déterminer les causes du décès par maladie professionnelle doit
être supprimé.
Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse est attendue avec intérêt et impatience dans le bassin
minier, où cette question fait l'objet d'une mobilisation importante.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Je vous prie, monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir excuser mon retard ; j'ai été retenue
plus longtemps que prévu à l'Assemblée nationale.
Vous avez raison de rappeler, monsieur Lefebvre, les souffrances qu'endurent ceux qui, aujourd'hui,
sont atteints de silicose et la détresse de leurs proches. Comme souvent, l'injustice s'est acharnée
sur les plus fragiles : ce sont les travailleurs astreints à des emplois d'une extrême pénibilité qui sont
aujourd'hui fauchés par la maladie.
Devant ces drames humains et sociaux, il est indispensable de simplifier l'accès à la reconnaissance
et à la réparation des maladies professionnelles. Depuis que ce gouvernement est en place, vous
l'avez souligné, d'importantes mesures ont été prises en ce sens pour l'ensemble des salariés. Les
unions régionales de secours minier sont concernées puisqu'elles appliquent les règles du Livre IV du
code de la sécurité sociale, relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.
Ainsi, la procédure de contestation préalable, qui permettait aux organismes de sécurité sociale de
différer indéfinimenent leur décision, a été supprimée par le décret du 27 avril 1999. Désormais, les
caisses doivent examiner les dossiers dans des délais strictement encadrés. A défaut de réponse
dans ces délais, le caractère professionnel de la maladie ou de l'accident est réputé acquis.
De même, les modalités de reconnaissance des pneumoconioses ont été simplifiées par le décret du
31 août 1999. Les procédures dérogatoires, notamment le passage devant le collège des trois
médecins, compliquaient l'accès à la réparation.
Il est clair que ces mesures, après une période d'adaptation, auront un effet positif sur les délais.
Les unions régionales de secours minier doivent respecter ces règles, en améliorant leurs procédures
et en s'attachant à développer le dialogue avec les victimes et leurs familles. Des informations qui ont
été communiquées à Mme Aubry, il ressort que la réglementation est respectée : le délai moyen est
actuellement de sept semaines pour un dossier ne comportant pas la saisine du comité régional de
reconnaissance des maladies professionnelles et de quinze semaines lorsque ce comité doit se
prononcer.
Vous soulevez également la question du libre choix du médecin. Je rappelle que les mineurs, comme
les salariés du secteur privé, disposent du libre choix de leur praticien en cas d'accident du travail ou
de maladie professionnelle. Il est vrai que celui-ci n'est pas habilité à déterminer le taux d'incapacité
de la victime, qui relève de la seule compétence du médecin conseil du régime auquel appartient
l'intéressé. La règle de droit n'est donc pas différente pour les mineurs. J'ajoute cependant que le
médecin traitant a toute latitude pour adresser au médecin conseil l'information dont il dispose et qu'il
juge utile pour son patient.
La caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines a récemment diffusé une
instruction demandant expressément au médecin conseil régional du Nord - Pas-de-Calais qu'aucun
médecin conseil amené à se prononcer sur les révisions de rente d'accident du travail ou de maladie
professionnelle n'assure désormais des tâches de suivi médical. Dans ce même courrier, il était
également demandé qu'un médecin issu du service médical soit mis à disposition du centre d'études
de pneumoconioses.
Enfin, je rappelle qu'en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, l'autopsie est
prévue en cas d'accident ou de maladie mortelle. Si c'est un moyen de recherche de la cause du
décès, il ne doit être mis en oeuvre qu'en dernier recours ; l'union régionale du Nord a eu recours à
des autopsies pour l'instruction de vingt-trois dossiers sur deux cent soixante-quatorze. En
application du code de la sécurité sociale, si les ayants droit de la victime refusent l'autopsie, ils
perdent le bénéfice de la présomption d'imputabilité au risque professionnel et doivent prouver le
caractère professionnel de l'accident ou de la maladie mortelle.
Les associations de défense des victimes ont appelé l'attention de Mme Aubry sur ce sujet et
souhaitent que les familles soient clairement prévenues des conséquences de leur refus. Des
instructions ont été données en ce sens aux organismes par la caisse nationale d'assurance
maladie. Les unions régionales se doivent d'appliquer la même consigne afin que l'information des
ayants droit soit réelle et que les intéressés puissent prendre leur décision en toute connaissance de
cause.
Nous sommes, vous le voyez, attentifs à ce que les organismes de sécurité sociale s'attachent à
rendre effectifs les droits des assurés et nous veillerons à ce que les mesures que nous avons prises
soient appliquées, au bénéfice de celles et de ceux à qui elles sont destinées.
M. Pierre Lefebvre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de ces précisions. Je vous sais
gré, en particulier, d'avoir rappelé les modifications des règles applicables en la matière, modifications
qui sont intervenues sous votre responsabilité.
Il faut évidemment laisser... du temps au temps ; il faut que les nouvelles instructions parviennent à
l'union régionale des sociétés de secours minier afin que l'ancienne pratique, que l'on connaît trop
bien dans le bassin minier, puisse céder le pas devant la nouvelle, à partir des recommandations que
vous aurez bien voulu donner.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Vous nous y aiderez,
monsieur le sénateur !

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