Question de M. BRAYE Dominique (Yvelines - RPR) publiée le 25/05/2000
M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le mode de calcul de la taxe instituée par le décret nº 98-1250 du 29 décembre 1998, au profit des Voies navigables de France dans le cadre des conventions d'occupation temporaire du domaine public fluvial " prise et rejet d'eau ". Ce décret précise à l'article II.B alinéa 2 que " le volume rejetable est le volume maximal annuel rejetable par l'ouvrage, tel qu'il résulte de la capacité physique de rejet de l'ouvrage et des quantités susceptibles de transiter par celui-ci ". Cet alinéa signifie donc que la taxe n'est pas calculée sur un volume effectivement rejeté, mais sur le potentiel de rejet des conduites. Ce système pénalise donc les collectivités qui ont choisi de faire des investissements d'avenir, en construisant des ouvrages dont le calibre dépasse pour l'instant leur capacité de rejet, parce qu'ils sont en conformité avec les dispositions de la loi nº 92-3 du 3 janvier 1992. Pour les collectivités qui n'ont pas encore fait ces investissements nécessaires, ces dispositions ne les encouragent pas à construire des ouvrages qui tiennent compte des perspectives de croissance des volumes rejetés, mais des ouvrages calibrés strictement sur la quantité d'eaux résiduaires qu'ils rejettent aujourd'hui. En conséquence, il lui demande de modifier ce décret pour que la taxe ne tienne compte que du volume et de la qualité de l'eau effectivement rejetée, et non du calibre des canalisations.
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Réponse du ministère : Industrie publiée le 28/06/2000
Réponse apportée en séance publique le 27/06/2000
M. le président. La parole est à M. Braye, auteur de la question n° 837, adressée à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 124 de la loi
de finances de 1991 a institué une taxe au profit de Voies navigables de France. Cette taxe doit être acquittée par les
collectivités locales qui rejettent ou prélèvent de l'eau dans le domaine public fluvial.
Il est évident que le principe de cette taxe ne saurait être discuté, dans la mesure où elle sert à alimenter le budget d'un
établissement public, dont chacun reconnaît l'efficacité et l'utilité, à l'heure où la préservation de nos voies navigables
est une préoccupation pour tous nos concitoyens et où le transport fluvial devrait être privilégié en tant que mode de
transport propre et économique.
Les collectivités des Yvelines, riveraines de la Seine, lorsqu'elles captent et ou rejettent de l'eau dans le fleuve, sont
donc naturellement redevables de cette taxe. C'est le cas, notamment, du syndicat intercommunal d'assainissement de
Meulan-Hardricourt-Les Mureaux, qui a signé en mars dernier une convention d'occupation temporaire du domaine
public fluvial pour « prise et rejet d'eau » avec Voies navigables de France, VNF, et rejette les eaux traitées par sa
nouvelle station d'épuration des eaux usées. Les élus de ces communes, mais aussi beaucoup d'autres, m'ont alerté
sur les dispositions qui président au calcul de cette taxe, car elles leur semblent totalement inéquitables.
En effet, ce mode de calcul, défini par deux décrets successifs, à savoir le décret n° 91-797 du 20 août 1991 et le
décret n° 98-1250 du 29 décembre 1998, est fondé sur les notions de « volume prélevable » et de « volume rejetable ».
En effet, ces textes édictent que « le volume prélevable et/ou rejetable est le volume maximal annuel prélevable et/ou
rejetable par l'ouvrage, tel qu'il résulte de la capacité physique de prélèvement ou de rejet de l'ouvrage et des quantités
susceptibles de transiter par celui-ci ». Cela signifie que la taxe est calculée non pas sur les volumes effectivement
prélevés ou rejetés, mais sur le potentiel de captation ou de rejet des conduites, sans qu'il soit tenu compte des
volumes réels prélevés ou rejetés.
Dans le cas précis du syndicat intercommunal que j'évoquais au début de mon propos, la différence entre ces deux
mesures fait que le volume pris en compte pour le calcul de la taxe est de 7,2 millions de mètres cubes, c'est-à-dire
bien plus du double du volume réellement constaté en sortie de l'ouvrage d'épuration en Seine, qui est de 3,4 millions de
mètres cubes. A 2,13 centimes par mètre cube, comme le prévoit le décret, le montant de la taxe est de 153 360
francs, soit une charge non seulement très lourde pour ces communes du Val-de-Seine, mais surtout ne tenant aucun
compte ni du volume effectivement rejeté ni de la qualité des eaux rejetées.
Ce qui est encore plus grave, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que ces dispositions vont à l'encontre des objectifs de
la loi sur l'eau de 1992, qui, en exigeant la mise en conformité des installations et des ouvrages existants, imposent
aux collectivités d'anticiper sur les besoins à venir, ce qui se traduit naturellement toujours par un surdimensionnement
des installations par rapport aux besoins immédiats, tout simplement pour préserver l'avenir, et donc par souci de bonne
gestion.
Le décret de 1991 étant antérieur à la loi sur l'eau, qui date de 1992, il est évident qu'il ne pouvait pas tenir compte de
ces objectifs. En revanche, le décret de 1998 aurait dû intégrer cet impératif de mise en conformité des ouvrages,
mentionné aux articles 10 et 11 de la loi, qui s'est traduit depuis 1993 par des réalisations importantes.
Les collectivités qui, par souci de protection de l'environnement, ont choisi de faire ces investissements, en
construisant de telles installations dont la capacité dépasse toujours leur besoin de captation ou de rejet immédiat,
sont donc gravement pénalisées par ce mode de calcul.
A l'inverse, les collectivités qui ne manifestent aucun empressement et n'ont pas encore réalisé ces investissements,
pourtant si nécessaires, trouvent dans les dispositions de ce décret un argument de poids pour renvoyer à plus tard - je
dirai même aux calendes grecques - la construction ou la rénovation de leurs installations, en mettant toujours en avant
auprès de leurs contribuables leur souci de ne pas leur imposer de nouvelles charges. Elles seront, dans un second
temps, poussées à investir dans des ouvrages calibrés strictement sur la quantité d'eaux résiduaires qu'ils rejettent
aujourd'hui, ce qui, vous en conviendrez, ne manquera pas de poser rapidement de réels problèmes.
En conséquence, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que vous comptez faire pour modifier ce mode de
calcul que tous les élus et défenseurs de l'environnement trouvent injuste et surtout contraire à l'objectif visé.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Comme vous l'avez souligné dans votre propos, la taxe hydraulique
affectée à Voies navigables de France, établissement public à caractère industriel et commercial, est très utile. Son
produit annuel représente 525 millions de francs et permet de financer les dépenses d'entretien des voies navigables.
Juridiquement, l'article 124 de la loi de finances pour 1991, qui a créé cette taxe, indique que l'assiette de la taxe
hydraulique intègre le volume prélevable ou rejetable par l'ouvrage, et les dispositions réglementaires confirment ce
principe.
Vous considérez, monsieur le sénateur, que ce principe pénalise les collectivités, et vous proposez de modifier cette
disposition en retenant le volume effectivement projeté ou rejeté.
Cette modification, qui nécessiterait une disposition législative, pose une difficulté importante. Elle suppose en effet que
l'installation d'appareils de mesures des débits rejetés ou prélevés ainsi que des modalités de contrôle sont
concrètement possibles. Un tel système serait lourd et complexe. Il a donc été retenu de prendre en compte le volume
prélevable ou rejetable, qui correspond à la capacité effective totale des canalisations de l'ouvrage, et de limiter le taux
de la taxe appliquée, qui est d'ailleurs très faible actuellement puisqu'il est fixé à 2,13 centimes par mètre cube.
Une modification de l'assiette supposerait en contrepartie une hausse du taux afin de ne pas pénaliser Voies navigables
de France, EPIC dont nous nous accordons à reconnaître l'utilité et pour lequel la ressource dont nous parlons est
absolument essentielle, puisqu'elle conditionne sa vie et son action.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez indiqué, monsieur le sénateur, je ne pense pas que cette taxe pénalise
financièrement les collectivités locales, puisque ces dernières ont la possibilité, en application d'un décret du 27 mars
1993 relatif aux conditions dans lesquelles le montant de la contre-valeur de la taxe due à Voies navigables de France
par les titulaires d'ouvrages pourra être mis à la charge des usagers des services publics de distribution d'eau et
d'assainissement, de répercuter son montant dans des conditions très acceptables, la répercussion de cette taxe ne
représentant que 0,25 % environ du prix de l'eau facturé à l'usager.
Par conséquent, malgré la situation particulière que vous évoquiez dans le département que vous représentez, monsieur
le sénateur, il ne me paraît pas opportun de modifier l'assiette de la taxe hydraulique. C'est un système qui fonctionne
bien au bénéfice de l'ensemble des collectivités locales, lesquelles - je le souligne une nouvelle fois - ne sont pas
pénalisées grâce à la possibilité qui leur est ouverte par le décret du 27 mars 1993.
M. Dominique Braye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Vous imaginez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre réponse ne peut me satisfaire
puisque, de toute façon, vous n'avez apporté aucun élément nouveau.
Je souhaite vous répondre plusieurs choses.
Tout d'abord, j'avais bien compris - je l'ai d'ailleurs indiqué dans ma question - que l'argument avancé par les collectivités
locales qui ne rénovent pas leurs installations était bien de ne pas en répercuter le coût sur les contribuables ou les
usagers, et donc de ne pas imposer de nouvelles charges à ces derniers. De toute façon, tous les élus, ici, savent bien
que le prix de plus en plus insupportable de l'eau tient non pas tant à l'eau prélevée qu'à l'addition des taxes.
Par ailleurs, si je suis tout à fait d'accord pour considérer qu'il ne faut pas remettre en cause ni même diminuer les
crédits affectés à l'EPIC Voies navigables de France, je ne comprends cependant pas que, en tant que membre du
Gouvernement, vous n'ayez pas plus le souci de l'équité, et donc d'une juste répartition de la taxe entre les collectivités
locales, cette taxe devant, à mon avis, porter d'abord sur les collectivités locales qui rejettent réellement de gros
volumes d'eau ou de l'eau de mauvaise qualité, plutôt que sur celles qui ont mis en place des installations nouvelles et,
préjugeant l'avenir, des canalisations importantes, et qui, pour l'instant, ne renvoient dans les fleuves ou les cours d'eau
que de petites quantités d'eau. Voilà qui inciterait les collectivités locales à rénover leurs installations !
Pour ma part, je suis en train d'étudier, pour la collectivité que j'administre, la possibilité de faire poser au bout des
canalisations allant à la Seine des réducteurs, afin d'adapter aux besoins le calibre des canalisations et donc le
potentiel de rejet des conduites, potentiel auquel est liée la taxe !
On en arrive ainsi à des situations ubuesques, voire imbéciles, puisque, de toute façon, le système de calcul de cette
taxe - et cela n'est contesté par personne ! - est inéquitable, injuste et va à l'encontre de l'objectif recherché.
Je dirai une dernière chose, monsieur le secrétaire d'Etat : il n'y a aucun problème technique pour calculer les volumes
rejetables dans les voies navigables. Envoyez-nous des membres de vos services pour que nous leur expliquions et que
nous leur montrions sur le terrain comme on les calcule ! Personnellement, je déclare régulièrement, pour la collectivité
que j'administre, des volumes précis. Et mon collègue des Mureaux, qui a mis en place une station d'épuration très
moderne, est capable de dire qu'il renvoie 3,4 millions de mètres cubes par an, volume qui n'est contesté par aucun des
services de l'Etat. C'est donc un faux argument que de mettre en avant la difficulté de mesurer le volume d'eau rejeté.
De toute façon, monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse non seulement ne satisfera pas les élus de la vallée de la
Seine qui ont construit des installations d'une capacité supérieure à leurs besoins actuels, mais, de plus, elle n'incitera
pas les collectivités voisines des nôtres à se mettre aux normes. En effet, si elles tardent à le faire, c'est en avançant
l'argument que, cette taxe étant de toute façon mauvaise, ils épargnent ainsi à leurs contribuables des impôts
inéquitables, qui sont toujours trop lourds, même si vous, vous les estimez trop légers, monsieur le secrétaire d'Etat !
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