Question de M. LORIDANT Paul (Essonne - CRC) publiée le 12/05/2000
Question posée en séance publique le 11/05/2000
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et porte sur
l'euro.
Depuis son lancement en janvier 1999, l'euro a enregistré une baisse de près de 20 % par rapport au dollar et de 25 %
par rapport au yen.
De plus, une statistique récente nous apprend que la monnaie unique ne représente que 1,69 % environ de l'ensemble
des transactions enregistrées en France. Payer un chèque en euros relève presque de l'exploit, monsieur le ministre, et
j'en parle en connaissance de cause !
Ces deux faits viennent apporter un cinglant démenti aux discours exaltés et aux promesses des « eurobéats ». Hier
encore, contre tout bon sens économique et politique, ils nous assenaient que seul un euro fort pourrait assurer les
conditions de la prospérité économique et d'une décrue du chômage.
Selon ces mêmes « spécialistes » - qui, au demeurant, se font aujourd'hui bien discrets - avec l'indépendance de la
Banque centrale européenne, les marchés financiers européens allaient susciter un immense engouement permettant
de financer à bon compte les économies de ce que certains appellent l'Euroland. La puissance politique de l'Europe
serait la cerise sur le gâteau !
Or, aujourd'hui, l'euro est faible, et tout le monde, à commencer par les chefs d'entreprise et les salariés européens,
s'en réjouit.
Dopées par une parité plus réaliste avec le dollar et le yen, les économies européennes retrouvent le chemin de la
croissance et les salariés celui de l'emploi. Ce constat m'amène à formuler trois remarques et à vous interroger sur les
initiatives que le Gouvernement compte prendre alors même qu'il s'apprête à assumer la présidence de l'Union
européenne.
Les sérieuses difficultés dans lesquelles se trouvent aujourd'hui l'euro soulignent, selon moi, son caractère prématuré et
la nécessité de le remplacer par une monnaie commune. Celle-ci aurait l'avantage de donner une réalité à l'Europe à
l'étranger et de permettre une souplesse monétaire et budgétaire au sein même des économies européennes : des
monnaies nationales au service du développement économique et de l'emploi, et non une monnaie unique forte au profit
des spéculateurs et des rentiers.
Ma seconde observation porte sur l'urgence d'une réforme des statuts de la Banque centrale européenne.
M. le président. Monsieur Loridant, je vous prie de conclure.
M. Paul Loridant. Je termine, monsieur le président.
A plusieurs reprises, en effet, la BCE a tenté sans succès de soutenir l'euro en relevant les taux d'intérêt, au risque de
casser la reprise économique.
Entendez-vous promouvoir l'idée d'une révision des statuts de la BCE qui viserait à lui imposer des objectifs de plein
emploi, comme c'est le cas aux Etats-Unis ?
Enfin, conséquence directe de cette remarque, quelles initiatives comptez-vous prendre afin de donner une réalité au
pilotage politique de l'euro, qui, de l'aveu général, est encore aujourd'hui une fiction, ce qui explique en partie la sévère
sanction de l'euro par les marchés ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
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Réponse du ministère : Industrie publiée le 12/05/2000
Réponse apportée en séance publique le 11/05/2000
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, je voudrais faire avec vous un constat, risquer
deux ou trois points d'analyse et proposer les solutions que la dernière partie de votre question appelle.
Le constat c'est que, en effet, l'euro continue à évoluer autour de 0,90 dollar des Etats-Unis, c'est-à-dire loin de son
cours d'origine.
L'analyse, c'est qu'il est plus important, vous en conviendrez avec moi, de parler de la stabilité de l'euro que de son
niveau. C'est la stabilité du taux de change qui est indispensable pour bâtir un socle de confiance qui soit favorable à
l'investissement, favorable à la croissance et donc, finalement - c'est notre objectif commun - favorable à l'emploi.
Nous avons donc besoin d'un euro stable. De ce point de vue, si les « euro-fondamentaux », comme on dit, sont bons -
je songe à l'emploi, au produit intérieur brut, à l'investissement, aux prix, aux excédents du commerce extérieur - la
situation, vous l'avez dit, n'est globalement pas satisfaisante.
Selon le FMI, la croissance de la zone euro en 2001 sera la plus forte du G3. Que manque-t-il à l'euro, ou plutôt que
manque-t-il à l'Europe pour que l'euro regagne sa force potentielle ?
Il y a un certain nombre de solutions. Le Premier ministre, Lionel Jospin, les a évoquées il y a quelques jours à
l'Assemblée nationale.
Une Europe plus forte a besoin d'un euro stable et qui tienne bon. En réalité - je renverse la proposition - un euro fort a
besoin d'une Europe forte. D'où les solutions : renforcer l'euro-11 et le rôle de son président, assurer une meilleure
continuité de la présidence de cette instance et renforcer, accélérer la construction, faire tout pour que naisse une
véritable Europe politique, car c'est de là que part le vrai problème et c'est de là que peuvent venir les vraies solutions.
En un mot, il nous faut un euro de confiance, un euro de croissance et un euro de puissance, celle de l'Europe.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
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