Question de M. CHABROUX Gilbert (Rhône - SOC) publiée le 20/04/2000

M. Gilbert Chabroux attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la constitution d'un groupe de travail sur l'accès aux médicaments essentiels dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En effet, lors du sommet de Seattle, un certain nombre d'associations non gouvernementales ont demandé à ce que soit mis en place, au sein de l'OMC, un groupe de travail spécifique destiné à améliorer notablement l'accès aux médicaments essentiels. Il apparaît qu'une telle structure serait à même, tant dans le domaine des importations parallèles que dans celui des licences obligatoires, de permettre une plus grande synergie entre les acteurs institutionnels, industriels et les professionnels de la santé. En conséquence, il lui demande quelle mesure pourrait prendre le Gouvernement afin qu'un tel groupe puisse voir le jour dans le cadre de l'OMC.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 22/06/2000

Réponse. - La propagation des maladies infectieuses a pris, dans de nombreuses régions du monde en développement, une ampleur préoccupante. Ce phénomène, lié notamment à l'accroissement de la pression démographique et à l'urbanisation, décime des populations souvent jeunes et désorganise les structures sanitaires au point de constituer désormais, pour de nombreux pays, une menace lourde sur leur processus même de développement. L'épidémie de VIH/sida, qui frappe tout particulièrement l'Afrique, constitue l'exemple le mieux connu d'un phénomène qui concerne tout autant des maladies nouvelles que traditionnelles (tuberculorses et paludisme notamment), préexistantes à l'état endémique. Dans ce contexte, l'accès aux médicaments est évidemment crucial. Pourtant, de très nombreux malades ne peuvent aujourd'hui bénéficier des traitements, pour des raisons uniquement économiques : coût prohibitif des médicaments produits dans les pays développés et protégés par des brevets ; absence de laboratoire pour assurer la fabrication de molécules par ailleurs connues, faute de marché solvable, ou manque d'intérêt de la recherche scientifique privée pour la mise au point de remèdes à des maladies frappant des populations trop réduites ou trop pauvres (cas des médicaments orphelins, appliqué aux pays en développement). Dans cette perspective, un certain nombre d'organisations non gouvernementales - dont Médecins sans frontières - ont plaidé à Seattle pour une prise en compte de l'enjeu d'accès aux médicaments essentiels dans le cadre du nouveau cycle de l'OMC. Alors que les débats de la conférence laissaient espérer une prise en compte de cet enjeu, l'ajournement du lancement du cycle n'a pas permis de donner une traduction concrète à ces idées. Il convient toutefois de souligner que l'accord de l'OMC sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) permet déjà le recours aux importations parallèles et aux licences obligatoires. Ainsi, l'article 31 de cet accord autorise le recours aux licences obligatoires " dans des situations d'urgence nationale ou d'autres cironstances d'extrême urgence ". Par ailleurs, l'article 66-2 de ce même accord encourage les transferts de technologie des pays développés vers les pays les moins avancés. Ainsi, l'essentiel n'est probablement pas tant aujourd'hui de modifier cet accord que d'en préciser les conditions d'application, afin notamment d'assurer une meilleure articulation avec les travaux de l'OMS (liste des médicaments essentiels). A Seattle, l'Union européenne a fait preuve d'ouverture sur ce dossier. Au-delà de l'échec de Seattle, la France entend jouer un rôle actif, afin de promouvoir l'accès aux traitements. S'agissant de l'épidémie de Sida, elle a ainsi proposé la réunion, sous l'égide des Nations unies, d'une conférence tripartite entre pays donateurs, pays récipiendaires de l'aide et entreprises pharmaceutiques. La lutte contre le Sida et les maladies infectieuses liées à la pauvreté devrait également constituer un des axes du dialogue euro-américain sous présidence française de l'Union européenne et donner lieu à des initiatives concrètes. Enfin, cette question devra être abordée également à l'OMC. Sans même attendre le lancement d'un cycle, le réexamen de l'accord ADPIC et le programme de travail sur la mise en uvre des accords de Marrakech, prévus au cours des prochains mois, devraient en fournir l'occasion. La suggestion d'instituer un groupe de travail à l'OMC sur l'accès aux médicaments essentiels pourrait être examiné dans le cadre du lancement, dans les meilleurs délais, du prochain cycle.

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