Question de M. GOUTEYRON Adrien (Haute-Loire - RPR) publiée le 28/04/2000
Question posée en séance publique le 27/04/2000
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le Premier ministre, c'est à vous que s'adresse ma question.
Je souhaite évoquer, en commençant mon propos, les massacres terribles dont la communauté arménienne a été
victime dans l'ancien Empire ottoman à partir de l'année 1915. Ces événements sont de ceux qui, au cours du xxe
siècle, ont suscité le chagrin et la pitié, et ce siècle en a, hélas ! connu beaucoup !
Les manifestations de la communauté arménienne de France doivent susciter, sur l'ensemble de nos travées, non
seulement la compréhension, mais également le respect.
Ces 450 000 de nos compatriotes ont un vrai devoir de mémoire à remplir, devoir que nous devons assumer avec eux,
pour que ne sombre pas dans l'oubli le souvenir de ces événements tragiques.
L'Assemblée nationale a voté, à l'unanimité, une proposition de loi en 1998. On pouvait s'attendre à ce que ce texte vînt
en discussion devant le Sénat et fût inscrit à l'ordre du jour prioritaire par le Gouvernement. Le Gouvernement ne l'a pas
souhaité. Il nous a donné ses raisons ; je vais les rappeler en les résumant.
Il a expliqué, d'une part, qu'un texte de cette nature n'était sans doute pas constitutionnel - ce n'est d'ailleurs pas cet
argument qui nous touche le plus - et, d'autre part, qu'une telle initiative pouvait être contraire à l'action engagée par la
France dans le Caucase, la France qui, au sein du groupe de Minsk, mène une action de paix fondée sur l'équilibre et
le respect des peuples.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez qualifié ce dernier argument, sans que ce soit péjoratif, bien au
contraire, de raison d'opportunité. Il nous a paru très fort et nous nous sommes fiés à vos propos. C'est la raison pour
laquelle, lors de la conférence des présidents, les représentants de la majorité de cette assemblée ont suivi la position
qui était exprimée par les autorités françaises.
J'ai donc été surpris qu'hier, à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre des affaires étrangères, vous ayez tenu des
propos qui pouvaient laisser penser que telle n'était plus la position du Gouvernement.
Dès lors, je vous demande, monsieur le Premier ministre, si les raisons d'opportunité que vous avez avancées et qui
nous ont paru fortes ne sont plus retenues par le Gouvernement aujourd'hui.
Nous souhaitons que le Gouvernement s'exprime clairement sur ce point parce que la question est grave. Elle ne
supporte en effet ni le double langage ni, évidemment, la duplicité, attitude que je ne vous attribue pas ou plutôt pas
encore dans l'attente des explications que vous allez me donner et qui, je l'espère, nous donneront satisfaction.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. La majorité a voté contre la discussion immédiate !
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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 28/04/2000
Réponse apportée en séance publique le 27/04/2000
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je vous répondrai sur le même ton sensible
et grave que celui que vous avez employé pour parler de cette très douloureuse question. Il n'y a, me semble-t-il, aucun
changement ni dans le contexte ni dans l'analyse qu'en fait le Gouvernement.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire, il n'y a aucune différence entre nous s'agissant de la compassion, l'émotion, la
sympathie que nous ressentons les uns et les autres à l'égard des événements survenus dans l'Empire ottoman en
1915 entre les Turcs et les Arméniens, les Turcs et les Kurdes de l'époque, événements que la grande majorité des
historiens, dont c'est la fonction, considèrent comme un génocide. La question n'a d'ailleurs jamais été posée en ces
termes.
La question qui a été débattue au sein de la Haute Assemblée, avec beaucoup de sagesse, me semble-t-il, portait sur
la légitimité et l'utilité d'un texte législatif visant à qualifier ce genre de tragédie. Ce débat honorable a été mené ici dans
de bonnes conditions.
Au-delà de ce débat, le Sénat avait voulu connaître l'appréciation des autorités françaises sur la situation d'aujourd'hui,
sur la situation dans le Caucase en 1999 et en 2000. Nous avons dit alors, et cela demeure vrai, que l'Arménie,
l'Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie demandaient à la France de s'engager envers eux, d'être disposée à dialoguer,
discuter, négocier avec eux tous, pour les aider à surmonter les problèmes qui se posent à eux tels que ceux du Haut
Karabakh - je pourrais d'ailleurs énumérer bien d'autres problèmes touchant les minorités. Vous imaginez à quel point
nous sommes vigilants à cet égard.
Ce raisonnement et ces explications demeurent vraies. Elles ont été fournies à plusieurs reprises à la Haute
Assemblée. C'est cette dernière, dans les conditions que vous avez vous-même rappelées, monsieur le sénateur, qui a
apprécié ce qu'il convenait de faire. Ce n'était pas à l'exécutif de trancher. C'est la Haute Assemblée qui, ayant tous les
éléments d'appréciation, n'a pas inscrit le texte auquel vous faisiez allusion. Cela circonscrit la portée de la discussion
entre nous. Tous les arguments fournis pour vous permettre de vous prononcer demeurent valables, monsieur le
sénateur.
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