Question de M. BIZET Jean (Manche - RPR) publiée le 09/03/2000
M. Jean Bizet interpelle Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences de la taxe générale sur les activités polluantes appliquée aux produits phytosanitaires à partir du 1er janvier 2000. D'une part, il souligne que la taxation porte sur les substances actives classées selon des critères toxicologiques et écotoxicologiques, mais que le produit formulé contenant la substance active peut avoir un classement différent de ladite substance. D'autre part, la liste communautaire des matières actives fait actuellement l'objet d'un réexamen depuis le 11 décembre 1992. Ces procédures étant particulièrement longues, il s'avère qu'une molécule ancienne non encore révisée pourra être exemptée de classement écotoxicologique, tandis qu'une nouvelle substance, alors même qu'elle répond aux exigences actuelles, pourra être fortement taxée. Enfin, cette taxation appliquée sur certaines productions spécialisées comme celle des cultures légumières est particulièrement pénalisante pour les agriculteurs. L'exemple de la production de carottes dans le département de la Manche est sur ce point significatif ; cette production ne dégage plus de revenus pour les producteurs depuis le 1er janvier au regard de l'intégration de cette nouvelle taxe. Pour toutes ces raisons, il lui demande si elle envisage une modification de la TGA aux produits phytosanitaires.
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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 29/03/2000
Réponse apportée en séance publique le 28/03/2000
M. le président. La parole est à M. Bizet, auteur de la question n° 742, adressée à Mme le ministre de l'aménagement
du territoire et de l'environnement.
M. Jean Bizet. Madame le ministre, je me permets d'attirer votre attention sur les conséquences de l'application de la
TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, aux produits phytosanitaires à partir du 1er janvier 2000.
D'une part, la taxation porte sur les substances actives classées selon des critères toxicologiques et
écotoxicologiques, mais le produit formulé contenant la substance active peut avoir un classement différent de ladite
substance.
D'autre part, la liste communautaire de matières actives fait actuellement l'objet d'un réexamen depuis le 11 décembre
1992. Ces procédures étant particulièrement longues, il s'avère qu'une molécule ancienne non encore révisée pourra
être exemptée de classement écotoxicologique, tandis qu'une nouvelle substance, alors même qu'elle répond aux
exigences actuelles, pourra être fortement taxée.
Enfin, cette taxation, appliquée à certaines productions spécialisées comme les cultures légumières, est
particulièrement pénalisante pour les agriculteurs. L'exemple de la production de carottes dans le département de la
Manche est significatif ; cette production ne dégage plus de revenus pour les producteurs depuis le 1er janvier du fait de
l'intégration de cette nouvelle taxe.
Pour toutes ces raisons, je souhaiterais savoir si vous envisagez une modification de la TGAP sur les produits
phytosanitaires ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous
avez bien voulu appeler mon attention sur les conséquences de l'application de la taxe générale sur les activités
polluantes aux produits antiparasitaires, notamment sur son incidence économique pour la production de carottes dans
la Manche.
En ce qui concerne le mode de taxation, il a été choisi de calculer le montant de la taxe à partir des caractéristiques
toxicologiques et écotoxicologiques des substances actives contenues dans les produits, car, une fois que ceux-ci ont
été épandus dans le milieu, ce sont essentiellement les effets des substances qu'ils renferment que l'on constate,
notamment en termes de détérioration de la qualité des eaux, d'impact éventuel sur les organismes aquatiques et de
menaces sur la potabilité des eaux. Il serait en outre impossible de construire une taxe sur le fondement de
classements environnementaux des produits eux-mêmes, parce qu'aucune classification de ces derniers n'est à l'heure
actuelle disponible. La directive européenne 99/45/CE fixe les règles de classement environnemental des produits et
sera applicable au plus tard en 2004.
S'agissant du classement des substances actives, il est vrai qu'un certain nombre de celles-ci ne sont pas encore
classées par la directive européenne parmi les substances dangereuses, du fait de la lourdeur des procédures. Les
travaux de classification sont en cours, et les substances anciennes seront soumises à la TGAP au fur et à mesure de
leur classement, ce qui mettra un terme aux distorsions que vous déplorez.
Par ailleurs, je rappelle que, même si les substances ne sont pas classées explicitement dans l'optique d'une directive
européenne, les producteurs de molécules sont tenus de les classer eux-mêmes en utilisant les mêmes critères, afin
notamment d'informer les personnes amenées à les manipuler des dangers auxquels elles peuvent être exposées. Ces
dispositions sont reprises en France dans le code du travail.
Quant au problème d'égalité de traitement que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, mes services sont intervenus
auprès du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour que les classements soient également utilisés
pour le calcul de la TGAP.
Enfin, pour ce qui concerne la culture de la carotte dans la Manche, il convient de signaler que les pratiques agricoles
actuelles engendrent une utilisation de nématicides en fortes quantités. En effet, la monoculture entraîne une pression
parasitaire qui provoque à son tour l'emploi de pesticides à très fortes doses, ce qui risque, à terme, d'amener la
destruction de la flore et de la faune, d'autant que les sols des terrains concernés sont particulièrement fragiles. La
TGAP a donc pour objet d'inciter les agriculteurs à recourir à des pratiques plus respectueuses de l'environnement. Je
souhaite qu'elle contribue à les orienter vers des systèmes d'exploitation laissant plus de place à la rotation des
cultures et au travail du sol, procédés utiles pour diminuer la pression parasitaire. Ces changements de systèmes
peuvent parfaitement, à mon avis, être intégrés dans des contrats territoriaux d'exploitation permettant aux agriculteurs
concernés d'être aidés dans cette démarche.
En outre, comme M. le Premier ministre l'avait annoncé lors de la table ronde agricole d'octobre dernier, le
Gouvernement va préparer un programme de prévention des pollutions dues aux produits phytosanitaires, dont les
modalités sont actuellement en cours de discussion avec les organisations agricoles. Il reste prévu que mon ministère
apporte un financement de soixante-dix millions de francs, en sus des crédits qui pourront être obtenus auprès du
ministère de l'agriculture et de la pêche et des collectivités concernées.
Comme vous l'aurez compris, monsieur le sénateur, les préoccupations de la ministre de l'environnement, s'agissant de
la TGAP, ne sont pas celles du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : mon objectif est de modifier les
comportements et de réduire l'utilisation des produits polluants, afin que le produit de la TGAP lié aux produits
phytosanitaires soit le plus proche possible de zéro. Cela montrerait que les utilisateurs ont petit à petit réorienté leurs
choix vers les produits les moins taxés parce que les moins polluants. Cela concerne, je vous le rappelle, deux produits
sur trois pour la classe de pesticides en question.
M. Jean Bizet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Madame le ministre, j'ai pris bonne note des précisions que vous venez d'apporter à propos des
lenteurs et des lourdeurs administratives, qui entraînent effectivement quelques distorsions de concurrence s'agissant
de l'application de la TGAP.
Cela étant, en ce qui concerne la rotation des cultures, sachez que, dans mon département, nous avons engagé cette
démarche voilà bien longtemps au travers de la mise en place de mesures dites « agro-environnementales » permettant
de limiter les intrants. Cela nous a permis, par la même occasion, de passer des contrats avec la grande distribution et
d'engendrer ainsi de la valeur ajoutée.
Nous avions donc, avant l'heure, mis en place ce que vous appelez « l'agriculture raisonnée », ou « l'agriculture durable
». Pourtant, malgré la rotation des cultures, il est obligatoire d'utiliser certains nématocides, et la TGAP représentera à
ce titre un surcoût de l'ordre de 4 000 à 5 000 francs à l'hectare, soit douze centimes supplémentaires par kilo de
carottes, pour un prix plancher de cinquante centimes à l'heure actuelle.
Par conséquent, si le concept du « double dividende » est certes séduisant sur le plan intellectuel, je crains que les 1
420 producteurs de légumes du département de la Manche ne puissent pas en tirer les bénéfices et ne voient leur
trésorerie particulièrement fragilisée par cette taxation supplémentaire.
Madame le ministre, je vous demande donc d'examiner cette question avec beaucoup d'attention, car si notre objectif
est le même, à savoir protéger l'environnement, il existe un monde entre la perception des problèmes par votre ministère
et les réalités du terrain. J'avoue ne toujours pas comprendre l'intérêt de la TGAP en matière de protection de
l'environnement. Mais peut-être ne s'agit-il simplement que de financer la réduction du temps de travail, via le budget de
la sécurité sociale !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, soyons
clairs ! Si la TGAP handicape la trésorerie des producteurs de carottes de la Manche, ceux-ci se doivent de répercuter
cette augmentation des coûts sur les consommateurs. Il convient en effet de rétablir une vérité des coûts et des prix,
afin que les consommateurs puissent choisir des aliments produits de façon responsable, par le biais notamment de
l'agriculture raisonnée, ou de l'agriculture biologique. Nous ne devons pas continuer à accompagner une pression à la
baisse sur les prix agricoles, qui ne permet pas aux producteurs de vivre décemment de leur travail.
La solution consiste donc à mon avis non pas à répercuter sur l'ensemble des consommateurs et des usagers le coût
de l'épuration d'une eau polluée par des pesticides épandus en grande quantité, mais à se rapprocher de la vérité des
coûts et des prix.
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