Question de M. de ROHAN Josselin (Morbihan - RPR) publiée le 10/03/2000
Question posée en séance publique le 09/03/2000
M. le président. La parole est à M. de Rohan. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Monsieur le Premier ministre, répondant à l'appel émouvant et digne de Mme Erignac, vous
avez indiqué, de la manière la plus claire et la plus nette, qu'il n'y aurait aucune amnistie, ni maintenant ni demain, pour
les assassins de son mari. Nous vous en donnons acte.
Mais parmi les élus corses que vous avez reçus à Matignon figurent les leaders d'une formation qui propagent des idées
d'exclusion, des idées racistes, des idées de violence et qui se sont, à plusieurs reprises, refusé à condamner les
auteurs d'attentats et de crimes de sang tel celui dont le préfet Erignac, votre ancien condisciple, mon ancien
condisciple, a été victime.
Vous me direz que les leaders sont des élus. Mais, en Autriche, M. Haider et ses amis aussi sont des élus du suffrage
universel !
Dès lors, ma question est simple ; elle ne s'adresse pas exclusivement à vous, monsieur le Premier ministre, je tiens à
ce que cela soit souligné. Peut-on, doit-on négocier l'avenir de la Corse avec des dirigeants de formations qui refusent
de condamner la violence et de se désolidariser des criminels ? Doit-on tenir pour des interlocuteurs ordinaires les
négateurs de l'état de droit sans qu'ils aient au moins renié les principes qu'ils propagent ? M. Talamoni et ses amis
sont-ils plus fréquentables que M. Haider ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 10/03/2000
Réponse apportée en séance publique le 09/03/2000
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je ne me livrerai pas à des comparaisons historiques,
politiques et géographiques en Europe. En ce qui concerne le parti de M. Haider, je me suis exprimé : j'ai dénoncé et
déploré publiquement les attaques qu'il a portées, par exemple contre le Président de la République française. En effet,
quand le Président de mon pays est attaqué particulièrement à l'étranger, mon attitude est de le défendre ! (Vifs
applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.-
Applaudissements sur quelques travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je profite de votre question pour donner quelques éléments de clarification, s'ils sont nécessaires, sur la politique que
nous suivons en Corse.
Oui, le Gouvernement a engagé avec les élus de la Corse une démarche de dialogue sur l'avenir de l'île. Face au
blocage de la situation politique, à la multiplication d'attentats très dangereux, notamment les derniers, pour la
population, j'ai pris l'initiative d'un dialogue avec les élus de l'assemblée de Corse et les parlementaires de l'île.
Il se trouve que cette assemblée de Corse, où les élus dialoguent entre eux, y compris ceux qui appartiennent à vos
rangs, qui se rattachent à vos partis, comporte un certain nombre d'élus nationalistes, élus donc par le suffrage
universel. Je les ai effectivement et naturellement reçus avec les autres, n'ayant pas l'intention d'opérer là une
discrimination. (M. Dominique Braye s'exclame.)
Je n'ai pas, au travers de cette réunion, ouvert un dialogue avec les nationalistes ; le dialogue que j'ai ouvert l'est avec
les élus de la Corse, tous les élus de la Corse. Je n'ai en rien approuvé des thèses, des déclarations et des
comportements du groupe que vous mentionnez, monsieur le sénateur, ou de tout autre de l'assemblée de Corse, mais
je cherche, si c'est possible, à conduire chacun à préférer une démarche de dialogue.
Deuxième affirmation : il n'y a aucune ambiguïté sur la condamnation, par le Gouvernement, de la violence en Corse ni
sur son action contre cette violence, pour le présent comme pour l'avenir.
Le 13 décembre, recevant les élus de Corse, tous les élus de Corse, j'ai dit : « Le Gouvernement condamnera et
combattra cette violence, toujours et en toutes circonstances. L'Etat a la responsabilité du respect de la loi républicaine
et de la sécurité publique. Il l'assurera avec une détermination qui ne faiblira pas. »
J'ai toujours pensé que l'on ne bâtirait pas un projet solide pour la Corse dans l'ambiguïté à l'égard de la violence.
L'arrestation récente, à peine trois mois après les faits, des auteurs présumés des attentats très dangereux perpétrés
contre l'URSSAF et la direction départementale de l'équipement en Corse est là pour témoigner que la police et la
gendarmerie continuent d'oeuvrer, pour le respect de la loi et sous l'implusion des autorités judiciaires, à l'élucidation
des délits et des crimes.
Enfin, il n'y aura pas de solution pour la Corse, c'est ma conviction, qui ne soit approuvée largement par nos
compatriotes de Corse. C'est pourquoi j'ai voulu que les élus de la Corse débattent entre eux et fassent des
propositions au pouvoir central que, d'une certaine façon, nous représentons. Aujourd'hui même, vous le savez, et
demain encore, l'assemblée de Corse délibère sur des projets qui résultent précisément des discussions consécutives
à la réunion de Matignon. Et je ne vais pas me plaindre qu'on discute en Corse et qu'aujourd'hui les armes se taisent.
Après que l'assemblée se sera prononcée, je recevrai de nouveau à Matignon, dans les semaines qui suivront, les élus
de Corse, l'ensemble des élus de Corse, pour examiner les propositions que ces élus auront présentées. La nature des
propositions des élus de la Corse et le degré d'accord que ces élus réaliseront entre eux influeront naturellement - cela
a été dit - sur les propositions que fera, le moment venu, le Gouvernement.
Celui-ci espère tout simplement que l'élaboration de projets communs et la consolidation durable de la paix civile en
Corse seront possibles. Il s'emploiera à atteindre cet objectif, qui devrait tous nous rassembler. Ce serait une chance
pour la Corse et pour tout notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. L'importance de la question et de la réponse nécessitait que j'accepte un léger dépassement de
temps.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le président.
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