Question de M. BOYER André (Lot - RDSE) publiée le 17/02/2000

M. André Boyer appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation résultant de l'occupation par les Soviétiques depuis 1940 de l'immeuble de la légation estonienne à la suite de l'annexion des trois républiques baltes. Cet immeuble a été détruit en 1979 et un immeuble d'habitation a été construit par l'ambassade d'URSS sur l'emplacement. L'Estonie attend de la France le règlement de ce différend, estimant que, n'étant pas le successeur juridique de l'Union soviétique et le transfert de propriété de 1940 ne s'étant pas effectué de jure, ce règlement n'entre pas dans le cadre des relations bilatérales esto-russes. Elle estime que la France n'ayant pas reconnu l'occupation soviétique, c'est à elle que revient de mettre un terme à cette injustice historique. Il souhaiterait connaître les suites que notre pays pense donner à la requête de l'Estonie, et notamment les réponses aux diverses hypothèses envisageables, qui sont : la restitution du terrain avec le nouvel immeuble s'y trouvant ; une compensation financière, basée sur la valeur du bien en 1940, et tenant compte du loyer non perçu pendant cinquante-neuf ans ; une compensation sous la forme d'un autre terrain avec un immeuble dans Paris.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 06/04/2000

Réponse. - L'immeuble de la légation estonienne, qui, comme les immeubles des légations lettone et lituanienne, fut occupé par les Soviétiques à la suite de l'annexion des trois républiques baltes, a été démoli en 1979, laissant place à un immeuble construit sur le même terrain par l'ambassade d'URSS, et encore occupé actuellement par l'ambassade de Russie. L'Estonie attend de la France un appui décisif pour le règlement de ce différend. Toutefois, les autorités françaises ne peuvent souscrire à l'idée qu'un tel règlement soit a priori exclu par nature des relations bilatérales esto-russes. La France ne peut être tenue pour responsable de ce contentieux au regard du droit international. N'ayant jamais reconnu l'annexion des pays baltes, la France n'a, à aucun moment, reconnu un quelconque transfert de propriété de ces immeubles à l'Union soviétique. En outre, c'est sans succès que la France a demandé dès 1991 aux autorités russes de remettre les clés des immeubles afin de permettre aux Etats baltes redevenus indépendants de retrouver la jouissance de leurs propriétés. En continuant à occuper sans aucun titre ces immeubles dont les Etats baltes n'ont jamais cessé, en droit, d'être propriétaires, la Fédération de Russie, Etat successeur de l'URSS, porte la responsabilité première de ce contentieux. Aussi est-ce à son endroit que les démarches de l'Estonie doivent principalement se tourner pour obtenir un règlement juridique définitif du contentieux, qui devrait passer logiquement par la restitution du terrain avec l'immeuble s'y trouvant. La France comprend néanmoins que le cas particulier de l'Estonie, dont l'immeuble a été détruit, l'amène à souhaiter d'autres options qu'elle pourrait considérer comme également propres à réparer le préjudice subi. Nous comprenons également sa préoccupation, plusieurs fois exprimée, quant au fait qu'une considération strictement juridique de ce contentieux ne saurait seule permettre d'avancer vers une solution. De fait, même une décision de justice en faveur des Etats baltes se heurterait à l'immunité d'exécution dont pourrait toujours se prévaloir la Russie. Aussi la France s'est-elle efforcée, depuis 1991, de contribuer au règlement de ce délicat problème. D'une part, en signe de notre réelle volonté, la France a supporté, à partir du 19 novembre 1991, le loyer et les charges locatives de l'ambassade provisoire d'Estonie à Paris, alors située boulevard Montmartre, et ce jusqu'au 31 mars 1999, après que les Estoniens eurent choisi une autre adresse. D'autre part, la France continue à évoquer régulièrement la question des légations baltes auprès des responsables russes chaque fois que des contacts bilatéraux en donnent l'occasion. Les autorités estoniennes sont elles-mêmes parfaitement informées de nos efforts en ce sens. Tenant compte de la situation spécifique de la propriété estonienne, la France est également en contact régulier avec les autorités estoniennes pour étudier tous autres moyens pouvant contribuer à une solution satisfaisante du problème. Mais la disponibilité des autorités françaises à favoriser un règlement définitif ne doit pas aboutir à transformer exclusivement en un contentieux franco-estonien ce qui est avant tout un contentieux russo-estonien, et tout appui ne saurait conduire à exempter les autorités russes de leurs responsabilités. Il en va de même en ce qui concerne les deux autres légations baltes.

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