Question de M. LEGENDRE Jacques (Nord - RPR) publiée le 25/02/2000

M. Jacques Legendre attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la récente décision de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris de ne comptabiliser pour l'activité de recherche clinique que les articles originaux en anglais. Une telle décision, émanant d'un service public, est en contradiction formelle avec la lettre et l'esprit de la loi nº 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, qui dispose en son article 1er que le français " est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics ". Il lui demande donc quelles dispositions elle a prises pour mettre au plus vite un terme à ce scandale et faire appliquer par ce service public les lois de la République.

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Réponse du ministère : Défense publiée le 08/03/2000

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2000

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons appris en janvier
que l'Assitance publique - Hôpitaux de Paris avait décidé de ne comptabiliser désormais, pour l'activité de recherche
clinique de ses praticiens, chercheurs, que les articles originaux publiés en anglais.
Une telle décision, émanant d'un service public, est en contradiction évidente avec l'article 2 de la Constitution, qui
précise que « la langue de la République est le français », et avec la lettre et l'esprit de la loi du 4 août 1994 relative à
l'emploi de la langue française - j'en étais le rapporteur, je m'en souviens donc bien - qui dispose en son article 1er que
le français « est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics ».
Aussi, j'ai souhaité demander à Mme le ministre de la culture de faire cesser ce scandale et de faire appliquer par le
service public concerné les lois de la République.
Mais, au-delà de cette question ponctuelle, se pose un problème de fond dans la mesure où la langue française est de
plus en plus souvent interdite d'usage en France même.
Récemment, on a appris avec une certaine surprise qu'un colloque sur les problèmes stratégiques, organisé à l'Ecole
militaire, devait retenir l'anglais comme seule langue de travail.
Récemment encore, le patron de Renault a décidé que les rapports de direction internes de son entreprise en France
devaient être rédigés en anglais.
Le cinéaste Luc Besson, dont nous avons accueilli l'avant-première du film Jeanne d'Arc au Sénat voilà quelques mois,
a considéré comme normal que la version originale du film soit en anglais. Pour sa part, le ministère de la culture
semble considérer que des films en version originale anglaise peuvent maintenant être considérés comme des films
français.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelles mesures vont être prises pour que la langue française continue à
être utilisée dans tous ces secteurs essentiels ? Il ne s'agit pas d'empêcher l'utilisation d'autres langues en France ; du
moins nous semble-t-il indispensable d'interdire que l'on interdise en France l'usage de la langue française.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous demander d'excuser
l'absence de Mme Catherine Trautmann, retenue en cet instant même à l'Assemblée nationale.
Vous avez appelé son attention sur une information, à mon avis incomplète, selon laquelle l'Assistance publique aurait
décidé de ne prendre en compte que les articles rédigés en anglais pour mesurer l'activité de recherche qui s'apprécie
pour une large part, vous le savez à partir des publications des chercheurs.
Mme la ministre de la culture, qui, naturellement, comme vous l'avez rappelé, veille à l'usage de la langue française,
notamment dans le champ scientifique, dans le plein respect de la législation, a recueilli des informations sur ce qui
s'était réellement passé à l'Assistance publique et vous allez voir que c'est à l'opposé de ce que vous avancez.
En effet, l'Assistance publique a demandé aux praticiens engagés dans la recherche de répondre à un questionnaire
pour lui permettre de recenser l'ensemble des articles publiés. Il s'est avéré qu'une grande majorité des médecins ont
surtout signalé les articles qu'ils avaient rédigés en anglais dans des revues internationales, alors que beaucoup d'entre
eux avaient également publié des articles en français.
Par conséquent, pour être sûre d'avoir les données complètes, l'Assistance publique a décidé, pour 2000, de ne pas
solliciter l'information auprès des intéressés concernant les articles en français, mais de la recueillir directement à partir
d'un système de bases de données qui regroupe de manière exhaustive l'ensemble des articles.
L'Assistance publique a donc décidé de faire, à la place des praticiens, le travail de recueil des articles en français et
de ne leur demander de remplir eux-mêmes le questionnaire qu'en ce qui concerne les articles rédigés en anglais.
Au demeurant, Mme Trautmann a tenu à rappeler à l'Assistance publique que, naturellement, cette modalité particulière
de recueil de l'information sur les publications ne devait troubler en rien la politique menée par le Gouvernement en
faveur de la présence de la langue française dans les sciences et la recherche.
Ainsi, les faits vont plutôt dans le sens de votre préoccupation puisqu'il est plus facile à un chercheur de faire prendre
en compte ses publications en français qu'en anglais.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
J'ai d'abord été surpris que ce soit le ministre de la défense qui réponde à une question portant sur la culture ; puis j'ai
considéré que le sujet n'était pas tout à fait étranger à vos préoccupations puisque l'alerte avait été donnée sur ce
problème par une association présidée par M. Jean Dutourd, de l'Académie française, qui s'intitule « Défense de la
langue française ». Vous étiez donc tout à fait dans votre rôle en me répondant ! (Sourires.)
Cela étant, votre réponse, monsieur le ministre, ne me rassure qu'à moitié.
Il existe en effet un problème de l'usage du français dans les sciences. Il est vrai que, sur le plan international, la
notoriété des chercheurs, et donc leur place dans la science, dépend largement de la reprise de leurs articles par un
index américain, l'index Garfield, qui tend à ne prendre en compte que les articles publiés en anglais dans des revues
internationales qui, pour l'essentiel, sont anglo-saxonnes.
Cela s'est déjà traduit par le passage à la langue anglaise de la revue de l'Institut Pasteur. Pourtant, quel symbole pour
la France que l'Institut Pasteur !
L'usage du français dans les sciences pose un vrai problème, et je crois que nous devons être très attentifs pour que la
position des pouvoirs publics ne souffre d'aucune ambiguïté ; il convient de ne pas donner à penser que le français,
même en médecine, où notre pays est traditionnellement une nation d'excellence, cesse d'être une langue d'usage et
de référence. Sinon, nous risquons d'aboutir à une contradiction : d'un côté, nous organiserions des sommets de la
francophonie à grand renfort de tambours et trompettes - c'est une bonne chose, et je me bats avec d'autres pour la
francophonie - et, de l'autre, nous laisserions le français cesser d'être langue d'usage dans toute une série de fonctions
qui sont essentielles pour la vitalité d'une langue. Comment voulez-vous que le français garde son rang de langue
internationale si nous donnons le sentiment qu'en France même on peut ne pas utiliser le français dans un domaine
aussi important que les sciences ?
Voilà pourquoi je souhaite vivement, monsieur le ministre, que le ministre de la culture et de la communication garde
toujours à l'esprit le fait qu'il est aussi le ministre de la langue française, dont il est le gardien, et qu'il y ait cohérence
entre notre action internationale, dont l'une des priorités est la francophonie, et notre action en France, pour veiller à ce
que la langue française conserve tout son rôle.

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