Question de M. DUFFOUR Michel (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 23/02/2000

M. Michel Duffour appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la responsabilité de l'entreprise Renault dans l'aménagement du futur site urbain du Val de Seine. Parce qu'il est propriétaire unique des terrains, Renault détient la clé de la réussite ou de l'échec des projets et des objectifs d'aménagement décidés, en concertation avec les différents partenaires institutionnels, par les collectivités membres du syndicat mixte du Val de Seine. Parce que ces terrains sont très étroitement associés à Renault, l'entreprise ne peut négliger ses obligations. Elles sont nées de l'histoire - celle qui lie la ville de Boulogne à l'entreprise, celle qui lie cette dernière à la Résistance et à la Libération de notre pays. Elles résultent de la mémoire - des milliers de vies humaines durant des décennies de production dans ce qui constituait le premier site industriel de l'entreprise. Elles surgissent aussi de l'avenir - la réussite de l'urbanisation de ce site unique et remarquable ne peut que rejaillir positivement sur l'entreprise et son image en France et dans le monde. A l'inverse, son échec ne peut que la ternir. Or, Renault est constructeur d'automobiles : l'immobilier ne fait pas partie de ses missions. Par ailleurs, les actifs immobiliers de Renault ne sont non seulement pas nécessaires à son activité principale, mais en outre ces terrains ont fait partie depuis la Libération du patrimoine national. Il n'y a pas eu d'immobilisation de capital pris sur les bénéfices de la production ou sur des biens propres pour les acquérir. Il ne peut donc y avoir de retour sur investissement. C'est pourquoi la déclaration du président-directeur général de Renault, qui estime être de son devoir de tirer la meilleure ressource possible des terrains pour assurer le développement de l'entreprise, inquiète au plus haut point. Cette vue des choses risque fortement d'hypothéquer la prise en compte des objectifs gouvernementaux et régionaux en termes d'emplois et d'implantation d'activités, de recherche universitaire et technologique, de mixité sociale, de protection contre les inondations ainsi que la prise en charge des équipements collectifs. Aussi, il lui demande quelles mesures son ministère, qui est coadministrateur de l'entreprise, peut prendre pour remédier au problème du coût du foncier afin de dépasser la contradiction entre la volonté publique d'aménagement durable et le souci particulier de rentabilité financière et d'empêcher qu'une opération de ce type, unique en son genre, ne contribue à la fracture sociale dans les Hauts-de-Seine.

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Réponse du ministère : Budget publiée le 08/03/2000

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2000

M. Michel Duffour. Madame la secrétaire d'Etat, ma question porte sur la responsabilité de l'entreprise Renault dans
l'aménagement du futur site urbain du Val-de-Seine.
Cet aménagement est, comme vous le savez, un des plus importants projets d'Ile-de-France. Boulogne-Billancourt en
est la ville pivot. Propriétaire des terrains, Renault détient une des clefs de la réussite ou de l'échec du projet.
L'entreprise ne peut donc négliger ses obligations, qui sont nées de l'histoire ; ce sont celles qui lient l'entreprise à la
ville et qui résultent de la mémoire, puisque le premier site industriel du groupe est né et a grandi en ce lieu.
Ses obligations sont aussi celles qu'appelle l'avenir, car la réussite de l'urbanisation de ce site unique et remarquable
ne peut que rejaillir positivement sur l'entreprise et son image en France et dans le monde.
Or Renault est un constructeur d'automobiles. L'immobilier ne fait pas partie de ses missions. Par ailleurs, les terrains
et les actifs immobiliers de Renault font partie, depuis la Libération, du patrimoine national. Il n'y a pas eu
d'immobilisation de capital pris sur les bénéfices de la production ou sur des biens propres pour les acquérir. Il ne peut
donc y avoir de retour sur investissement.
C'est pourquoi la déclaration de M. Schweitzer, président-directeur général de Renault, qui estime être de son devoir de
tirer la meilleure ressource possible des terrains pour assurer le développement de l'entreprise, inquiète au plus haut
point les élus du département quelle que soit leur tendance politique.
Cette vue des choses risque fortement d'hypothéquer la prise en compte des objectifs gouvernementaux et régionaux
en termes d'emploi et d'implantation d'activités, de recherche universitaire et technologique, de protection contre les
inondations ainsi que la prise en charge des équipements collectifs, toutes choses impliquant, dans la région
d'Ile-de-France, une politique d'action foncière dans laquelle d'ailleurs le Gouvernement a émis le souhait de s'engager.
Aussi je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures votre ministère, qui est co-administrateur de
l'entreprise, peut entreprendre pour remédier au problème du coût du foncier afin de dépasser la contradiction entre la
volonté publique d'aménagement durable et le souci particulier de rentabilité financière, et d'empêcher qu'une opération
de ce type, unique en son genre, ne contribue à la fracture sociale dans les Hauts-de-Seine.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, voilà dix ans maintenant que Renault a
décidé l'arrêt de la fabrication d'automobiles à Billancourt.
Entre 1989 et 1995, l'Etat, les collectivités locales et Renault ont mené des réflexions sur le grand projet urbain qui
devait être engagé sur ce site.
En 1991 a été créé le syndicat mixte du Val-de-Seine, rassemblant les six communes intéressées, le département des
Hauts-de-Seine et la région d'Ile-de-France.
A partir de 1995, cette réflexion s'est organisée autour de deux pôles : le comité syndical, d'une part, un groupe de
travail réunissant le syndicat, Renault et l'Etat, d'autre part.
De nombreuses études sont venues s'ajouter à celles qui avaient déjà été faites et une large concertation s'est
instaurée avec tous les intéressés. Cette concertation a débouché sur un schéma directeur du Val-de-Seine, une charte
paysagère et, enfin, un plan programme d'aménagement.
Le syndicat mixte a alors demandé à trois urbanistes de renom, MM. Buffi, Chemetoff et Fortier, d'appliquer, sur le
périmètre des terrains Renault, les idées directrices du schéma directeur et de la charte paysagère, à savoir : préserver
l'environnement en limitant la densité et en créant de nouveaux espaces verts, faciliter la circulation et les transports,
prévenir les risques d'inondation, construire des quartiers dotés des équipements collectifs nécessaires et bien les relier
aux deux villes existantes, organiser la mixité sociale des habitations, attirer des entreprises de haute technologie,
respecter les témoins du passé industriel du site, enfin, rechercher une grande qualité d'urbanisme et d'architecture de
l'ensemble.
Parmi les trois projets, l'un d'eux, celui de l'architecte Bruno Fortier, semble mieux répondre aux nombreux critères
ainsi définis.
Selon ce projet, sur les 52 hectares de Boulogne, près de 500 000 mètres carrés de logements devraient être
construits, dont un tiers de logements sociaux. Plus de 200 000 mètres carrés de bureaux devraient être créés, alors
qu'environ 250 000 mètres carrés seraient consacrés à des activités et équipements divers.
Je tiens à souligner que, dans ce projet, Renault a parfaitement collaboré aux travaux menés en concertation entre le
syndicat mixte et l'Etat et qu'il est prêt à continuer à nourrir ces travaux. Renault, comme il est normal, est attaché à
une valorisation convenable de ces terrains et est soucieux que l'opération d'aménagement soit une opération réussie,
susceptible de renforcer l'image que l'entreprise entend donner à cette occasion.
Je puis vous assurer que le Gouvernement continuera à suivre cette affaire avec une très grande attention pour que
puisse être mis en oeuvre un projet correspondant aux objectifs d'aménagement durable dans le département des
Hauts-de-Seine.
M. Michel Duffour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse que vous venez de nous donner. La
question néanmoins demeure entière dans la mesure où, à l'heure actuelle, le projet continue à soulever maintes
inquiétudes.
J'ai retenu de votre réponse la volonté du Gouvernement de suivre attentivement l'évolution du dossier. Avec mes
collègues, je ne manquerai évidemment pas de vous le rappeler !

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