Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 23/02/2000
Mme Hélène Luc tient à renouveler à M. le ministre de l'éducation nationale la proposition qu'elle lui a formulée à plusieurs reprises, notamment lors du débat budgétaire de programmer la résorption progressive des classes à effectifs chargés voire surchargés. Ainsi, concernant les écoles maternelles et élémentaires, les dernières statistiques indiquent que sur 234 633 classes, 1/3 de celles-ci comprennent encore 26 élèves ou plus. Or, aujourd'hui, les besoins d'un enseignement moderne et individualisé, les disparités en moyens affectés localement et entre établissements, la nature des difficultés rencontrées par un nombre important d'enfants requièrent plus que jamais des réponses fines et adaptées aux réalités du terrain. Des sections à effectifs limités en constituent, désormais à l'évidence, l'une des conditions nécessaires. Les multiples mobilisations des partenaires de la communauté éducative, à l'approche des décisions concernant la prochaine rentrée apportent un témoignage supplémentaire de l'urgence à résoudre cette situation. C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir lui indiquer la traduction, en terme de programmation et de recrutement, qu'il compte donner à cette question cruciale pour le devenir de l'école.
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Réponse du ministère : Enseignement scolaire publiée le 08/03/2000
Réponse apportée en séance publique le 07/03/2000
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, les perspectives nouvelles pour l'emploi et la création de richesse offertes par
le retour d'une croissance soutenue et durable réactivent avec force la question des transformations à impulser pour
notre service public de formation.
Sans plus attendre, il s'agit de créer, tout en sachant la situation très difficile que vous avez trouvée lors de votre arrivée
au ministère, madame la ministre, les conditions d'une efficacité moderne permettant à chaque enfant, c'est-à-dire à
tous sans discrimination aucune, de préparer de manière optimale son avenir d'individu, de professionnel et de citoyen.
C'est cette aspiration capitale pour chaque famille, mais aussi pour l'avenir du pays qu'expriment les multiples
mouvements en faveur de l'école portés en de nombreux endroits par les parents, les enseignants et les élus.
Lorsque j'ai déposé cette question, les parents d'élèves et les enseignants manifestaient contre les fermetures de
classes dans l'enseignement élémentaire et à la maternelle. Aujourd'hui, un grand mouvement se développe dans les
collèges et les lycées professionnels. Madame la ministre, la manifestation du 16 mars prochain prévoit déjà une très
grande mobilisation de tous les partenaires de l'école.
La carte scolaire dans son élaboration essentiellement comptable et ses insuffisances notoires illustre l'ampleur des
changements à opérer.
Il n'est plus acceptable que, pour permettre à tel département, tel secteur ou tel établissement de bénéficier à juste titre
d'un plan de rattrapage, tant sa situation est dégradée, il soit nécessaire de retirer à d'autres, ailleurs, des classes ou
des moyens si nécessaires à la réussite scolaire. Par exemple, la Seine-Saint-Denis avait besoin d'un plan d'urgence,
qui lui a été accordé avec raison ; mais, dans la même académie, la Seine-et-Marne et le Val-de-Marne, dans certains
secteurs, connaissent des situations aussi aiguës, qui appellent les mêmes réponses.
Il n'est plus acceptable que, pour mettre en oeuvre des mesures que vous avez justement décidées, à l'instar des zones
d'éducation prioritaires, et que nous soutenons, il soit nécessaire de retirer des heures d'enseignement dans des
collèges ou des lycées, de déstabiliser un projet d'établissement réalisé souvent, pour ne pas dire toujours, au prix
d'engagements intenses des équipes.
Madame la ministre, il ne sera pas possible de faire du neuf par le simple ajustement de ce qui existe ou par les
redéploiements de moyens ; il faut améliorer dans le même mouvement le qualitatif et le quantitatif.
Ainsi en est-il de la proposition que j'ai déjà formulée lors du débat budgétaire et qui correspond à une demande
unanime de la communauté scolaire, celle d'un plan de résorption progressive et définitive de toutes les classes
chargées, c'est-à-dire les classes de plus de vingt-cinq élèves.
Madame la ministre, il faut, dans les académies et les rectorats, laisser de côté la calculette, afin d'avoir pour seul
objectif la réussite scolaire, qui est l'investissement de l'avenir.
Prenant en compte les prévisions démographiques, les possibilités budgétaires nouvelles dégagées par la croissance et
une modulation suivant les situations d'inégalités, la programmation pluriannelle en moyens et en postes de cet objectif,
en commençant, pour cette année, par un collectif budgétaire qui sera discuté prochainement au Parlement, ouvrirait,
j'en suis convaincue, une étape décisive pour libérer des énergies transformatrices de l'école.
Madame la ministre, n'estimez-vous pas qu'il est temps, à l'instar du plan que le Gouvernement vient de décider en
réponse au puissant mouvement des personnels de la santé publique, de faire preuve d'une ambition et d'une action
d'une ampleur au moins équivalente pour l'école, tout en sachant que le budget de l'éducation nationale est le premier
budget de la nation ? M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Madame la sénatrice, vous venez de
souligner la priorité que le Gouvernement accorde au développement et à la modernisation de notre système scolaire.
Cette priorité est fortement affirmée et se traduit clairement dans les efforts budgétaires qui ont été faits depuis le début
de la législature : un budget en progression de plus de 10 %, la création de plus de 6 000 emplois d'enseignants dans
le second degré, un effort sans précédent en matière de création d'emplois de personnels sanitaires et sociaux, un
recrutement des professeurs des écoles qui a augmenté de plus de 10 % ces deux dernières années. Tout cela est à
comparer à la suppression de 5 000 emplois décidée par le gouvernement précédent.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Cet effort est accompli alors que les effectifs scolarisés sont en constante
diminution, en particulier dans le premier degré, mais également, même si c'est dans une moindre mesure, dans le
second degré. Dès lors, la situation dans les classes s'améliore très sensiblement, en moyenne.
Tout de même ! au début des années soixante-dix - même si cela nous paraît lointain, cela mérite d'être rappelé -
l'effectif moyen d'une classe de maternelle était supérieur à quarante enfants, et encore supérieur à trente enfants au
début des années quatre-vingt. Nous en sommes aujourd'hui, toujours en moyenne nationale, à vingt-cinq élèves par
classe !
Bien évidemment, il existe des évolutions démographiques contrastées et, bien sûr aussi, des points de tension, en
particulier là où les académies gagnent des élèves.
Reconnaissons toutefois que la situation de l'encadrement scolaire est bien meilleure aujourd'hui qu'à aucun autre
moment de notre histoire.
Je rappelle aussi que la relance de la politique des ZEP et la mise en place des réseaux d'éducation prioritaires
permettent de renforcer encore l'encadrement là où la tâche est plus difficile.
Je voudrais également faire remarquer que la taille des classes n'est pas, même si, comme je viens de le dire, nous y
sommes particulièrement attentifs, le seul indicateur à surveiller pour juger de la qualité du soutien apporté aux élèves.
En effet, plus que de la taille des classes, il est au moins tout aussi important de tenir compte de la façon dont les
moyens sont répartis et dont ils permettent des adaptations dans l'organisation de la pédagogie : division de la classe
par petits groupes pour certains enseignements, soutien individualisé ou en groupe réduit pour les élèves en difficulté.
C'est bien dans cette démarche que nous nous sommes engagés de l'école primaire au lycée en passant par le
collège, notamment en mettant en place les heures de remise à niveau en classe de sixième et de soutien individualisé
aux élèves en classe de cinquième, grâce aussi au soutien des 40 000 emplois-jeunes qui ont fait leur entrée dans le
système scolaire. A cet égard, nous pourrions aujourd'hui nous demander ce que nous ferions sans ces
aides-éducateurs, qui occupent une place essentielle sans se substituer pour autant aux enseignants.
C'est bien ce mouvement aussi qui est à l'oeuvre dans le second degré, où, déjà, plus de 30 % des heures de cours
sont assurées devant des groupes réduits.
J'ajoute, enfin, que l'amélioration qualitative du système scolaire repose aussi sur l'amélioration de la formation des
enseignants, en formation initiale et en formation continue, que ce chantier fait partie de nos chantier qualitatifs
prioritaires afin que les pratiques pédagogiques se voient constamment améliorées au service de la réussite des élèves,
en particulier de ceux qui rencontrent le plus de difficultés.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Je sens bien ce que vous voulez me dire et je partage votre point de vue, je vous l'ai dit.
La droite avait supprimé de nombreux emplois le gouvernement de la gauche plurielle a stoppé ce mouvement.
Cependant, pour que l'enseignement soit beaucoup plus individualisé, il faut des moyens supplémentaires.
J'ai lu avec un grand intérêt les propos, parus dans Le Monde ce week-end, d'un enseignant en zone d'éducation
prioritaire. Celui-ci déclarait : « La baisse des effectifs est la seule solution pour assurer un suivi à des gamins qui ont
besoin qu'on s'occupe d'eux tout le temps. » Il ajoutait : « Cette classe accueille dix-sept élèves et cela marche. Les
gosses vont mieux. L'absentéisme a disparu. Les problèmes de comportement sont moins nombreux. »
Madame la ministre, pour ma part, je souscris à ces propos. Je pense que là réside un des problèmes essentiels de
notre enseignement. En effet, on ne peut pas mettre en cause les professeurs. Certes, je ne dis pas que rien n'est à
améliorer à cet égard et que tous les problèmes sont liés à la question des effectifs, mais ceux-ci jouent néanmoins un
rôle très important.
Je participais hier soir au conseil d'administration du collège Matisse, à Choisy-le-Roi ; ce dernier n'accepte pas la
carte scolaire qui lui est proposée, car le taux d'encadrement n'évolue pas comme il le devrait pour permettre
l'individualisation de l'enseignement que vous souhaitez mettre en place : sur 37 professeurs, on compte dix aides
éducateurs. Le collège demande donc la nomination de professeurs supplémentaires et souhaite que des postes ne
soient pas supprimés pour quelques élèves en moins.
Madame la ministre, au risque de me répéter - mais cette question est si fondamentale que je préfère le faire - l'objectif
d'un maximum de 25 ou 20 élèves par classe - 30 élèves par classe dans les lycées - selon les ordres d'enseignement
et les situations est aujourd'hui réaliste. Il faut donc procéder à une simulation précise et transparente, qui sera
soumise ensuite au débat national et programmée sur plusieurs années.
Le gouvernement de la gauche plurielle, par une telle décision, enrichirait à n'en pas douter la liste des avancées qu'elle
a su bien souvent imprimer dans l'histoire de notre service public d'éducation.
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