Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 20/01/2000
M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'avis du Conseil économique et social sur le rapport intitulé " Les enjeux des négociations commerciales multilatérales du millénaire " adopté par cette assemblée au cours de sa séance du 24 novembre 1999, dans lequel ses auteurs recommandent, à la page 24, d'appliquer, au niveau international, le principe du " pollueur-payeur ". Il aimerait connaître la position du Gouvernement français dans ce domaine et savoir quelles dispositions ont été évoquées lors de la conférence de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) qui s'est tenue du 30 novembre au 3 décembre dernier à Seattle, afin que ce principe soit respecté.
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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 07/02/2002
Le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative à l'application du principe " pollueur-payeur " au niveau international. Ce principe a été défini dès 1972 par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans le cadre de ses travaux sur des principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques de l'environnement : " le pollueur devrait se voir imputer les dépenses relatives aux mesures de prévention et de lutte contre la pollution arrêtés par les pouvoirs publics pour que l'environnement soit dans un état acceptable ". Dans son acception d'origine, ce principe visait à empêcher que le coût de ces mesures soit pris en charge par la collectivité (directement ou par le biais de subventions aux pollueurs) et que ne soient ainsi créées des distorsions de concurrence entre producteurs de différents pays. C'est d'ailleurs pour ces raisons, et en s'appuyant sur les travaux de l'OCDE, que la Commission européenne a demandé dès 1974 aux Etats-membres d'adopter des normes imputant aux pollueurs la charge de l'élimination de leurs nuisances. Par ailleurs, afin d'élargir la panoplie des instruments économiques utilisables en la matière, la Commission a fait paraître en février 2000 un livre blanc portant sur la mise en oeuvre d'un principe de responsabilité civile en matière d'environnement, qui devrait déboucher prochainement sur un projet de directive-cadre. Les conditions de prise en compte du principe " pollueur-payeur " dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ont notamment été évoquées par le Conseil économique et social dans son rapport intitulé " Les enjeux des négociations commerciales multilatérales du millénaire " (adopté le 24 novembre 1999). Son examen conduit à souligner qu'il convient de répondre aux inquiétudes suscitées par la globalisation économique. Les craintes de voir certains pays pratiquer des formes de " dumping environnemental " ou de voir certaines firmes multinationales transférer leurs activités de production les plus polluantes vers les pays les moins exigeants en ce qui concerne les normes environnementales méritent effectivement la plus grande attention. Pour autant, la prise en compte du principe " pollueur-payeur " dans le cadre de l'OMC se heurte à plusieurs difficultés. Sur le plan écologique, des divergences entre normes nationales en matière d'environnement peuvent parfois être justifiées par des disparités en ce qui concerne les capacités d'absorption des nuisances par l'environnement. Sur les plans économique et politique, de nombreux pays en voie de développement craignent que la protection de l'environnement soit utilisée par les pays développés comme un prétexte pour appliquer à leur encontre des mesures protectionnistes ; certains pays font également valoir que les priorités nationales peuvent être variables d'un pays à l'autre et dans le temps, tout comme les niveaux de tolérance, par la société, des nuisances environnementales. Sur le plan juridique, la prise en compte du principe " pollueur-payeur " par l'OMC n'apparaît actuellement pas suffisante. Certes, le rapport d'octobre 1999 du secrétariat de l'OMC sur le commerce et l'environnement rappelait le rôle des systèmes nationaux de régulation pour garantir une prise en charge adéquate, par les producteurs et les consommateurs, du coût de la prévention et/ou de la réparation des impacts environnementaux négatifs. A contrario, certains accords de l'OMC permettent, sous certaines limites, d'octroyer des subventions aux producteurs afin de les aider à adapter leurs installations existantes à de nouvelles prescriptions environnementales (article 8.2 de l'accord sur les subventions et les mesures compensatoires) ou, s'agissant des exploitants agricoles, de leur accorder des subventions au titre de programmes de protection de l'environnement (article 12 de l'accord sur l'agriculture). De même, et d'une manière plus générale, les règles de l'OMC laissent aux Etats-membres la possibilité de prendre les mesures qu'ils jugent nécessaires " à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux (article XXb de l'accord GATT, préambules des accords sur les obstacles techniques au commerce - OTC - et sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires) " ainsi qu'" à la protection de l'environnement (préambule de l'accord OTC) ". Mais ces possibilités ne répondent que très partiellement aux inquiétudes concernant les risques de " dumping environnemental " ou de délocalisation des activités polluantes. En effet, elle n'autorisent les Etats-membres qu'à prendre des mesures relevant de leur champ de compétence territorial. Ainsi, lors d'un contentieux examiné en 1994 (Affaire " Etats-Unis - restriction à l'importation de thon ", rapport DS29/R du 16 juin 1994), le groupe spécial chargé de l'affaire a rappelé que l'article XX de l'accord GATT ne saurait être " interprété comme autorisant les parties contractantes à prendre des mesures commerciales de manière à contraindre d'autres parties contractantes à modifier leurs politiques dans leur sphère de compétence, y compris leurs politiques de conservation ". Cette analyse, au demeurant conforme au principe international de souveraineté des Etats, conduit l'OMC à avoir une position restrictive s'agissant de mesures réglemtaires ou tarifaires prises à l'encontre de produits importés et qui seraient en lien avec les méthodes et procédés de production mis en oeuvre dans les pays d'origine. Une solution, évoquée par le rapport précité du Conseil économique et social, consisterait à élaborer des normes internationalement reconnues en matière de procédés et méthodes de production. Cependant, sa mise en oeuvre risque de se heurter aux fortes réticences de nature politique et économique susmentionnées. Nonobstant cette difficulté, le mandat de négociation donné le 25 octobre 1999 par le Conseil à la Commission européenne en prévision de la 3e conférence ministérielle de l'OMC à Seattle mettait l'accent sur le fait que " la politique commerciale et celle de l'environnement devraient se compléter l'une l'autre en faveur du développement durable. (...) Il conviendrait en particulier d'inclure dans les négociations un ensemble de questions visant (...) à examiner le rôle des principes fondamentaux de l'écologie (...) ". Le principe " pollueur-payeur " est couramment reconnu comme faisant partie de ces principes fondamentaux. Ce mandat de négociation a été maintenu dans les mêmes termes en prévision de la 4e conférence ministérielle, qui s'est tenue à Doha du 9 au 14 novembre 2001. La déclaration ministérielle adoptée à l'issue de cette conférence ne comporte pas de mention explicite du principe pollueur-payeur. En revanche, elle indique en son point 6 que " les objectifs consistant à maintenir et à préserver un système commercial multilatéral ouvert et non discriminatoire, et à oeuvrer en faveur de la protection de l'environnement et de la promotion du développement durable peuvent et doivent se renforcer mutuellement (...) qu'en vertu des règles de l'OMC aucun pays ne devrait être empêché de prendre des mesures pour assurer la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, la préservation des végétaux, ou la protection de l'environnement, aux niveaux qu'il considère appropriés, sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre des pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, et qu'elles soient par ailleurs conformes aux dispositions des Accords de l'OMC. Par ailleurs, en son point 31, cette déclaration dispose qu'" afin de renforcer le soutien mutuel du commerce et de l'environnement, il est convenu des négociations, sans préjudice de leur résultat, concernant : I) la relation entre les règles de l'OMC existantes et les obligations commerciales spécifiques énoncées dans les accords environnementaux multilatéraux (AEM). La portée des négociations sera limitée à l'applicabilité de ces règles de l'OMC existantes entre les parties aux AEM en question. Les négociations seront sans préjudice des droits dans le cadre de l'OMC de tout membre qui n'est pas partie à l'AEM en question ; II) des procédures d'échange de renseignements régulier entre les secrétariats des AEM et les comités de l'OMC pertinents, ainsi que les critères pour l'octroi du statut d'observateur ; (...) ". Ainsi, dans le cadre du nouveau cycle de négociations ouvert à la suite de la conférence ministérielle de Doha, il conviendra de veiller à ce que, le cas échéant, les dispositions des AEM relevant du principe pollueur-payeur soient clairement reconnues au regard des règles et des procédures de règlement des différents de l'OMC. Par ailleurs, il faudra également promouvoir la prise en compte de ce principe lors des travaux sur les liens entre commerce et investissement, préfigurant les règles éventuelles d'un futur cadre multilatéral de règles pour les investissements transfrontières à long terme (la décision d'ouvrir des négociations sur un tel cadre ayant été reportée à la prochaine conférence ministérielle de l'OMC). Enfin, il s'agira également de s'assurer que le principe " pollueur-payeur " soit pris en compte lors des négociations déjà engagées en vue d'une libéralisation accrue des services dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services.
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