Question de M. de MONTESQUIOU Aymeri (Gers - RDSE) publiée le 02/02/2000
M. Aymeri de Montesquiou attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la politique gouvernementale menée en matière d'aménagement du territoire, notamment concernant la répartition des services publics. La France dispose d'un espace d'une ampleur, d'une qualité et d'une diversité uniques. La concentration de population dans les villes et les banlieues favorise les comportements inciviques, agressifs et violents, dans la rue comme dans les établissements scolaires. Un rééquilibrage du territoire par une meilleure répartition de la population est donc nécessaire. Il passe par le maintien, si ce n'est par une présence accrue, des services publics de proximité dans les zones rurales. Or, après les bureaux de poste et les gendarmeries, le Gouvernement envisage de réorganiser les trésoreries en réduisant les effectifs, singulièrement dans un certain nombre de trésoreries rurales. Certaines perceptions pourraient même être supprimées. Il lui demande donc de bien vouloir lui faire savoir les mesures qu'elle envisage de prendre ou de décider avec les autres membres du Gouvernement pour mettre fin à la réduction des services publics génératrice de désertification rurale et permettre ainsi un meilleur équilibre du territoire français.
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Réponse du ministère : Équipement publiée le 23/02/2000
Réponse apportée en séance publique le 22/02/2000
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, je ne veux bien sûr pas mettre en cause vos capacités et votre
connaissance des dossiers, mais je suis surpris que Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement ne prenne pas la peine de répondre elle-même à une question qui relève de sa compétence ; mais
peut-être ne le souhaite-t-elle pas !
Mme Voynet avait annoncé, en prenant ses fonctions, qu'elle mettrait fin à la politique « ruralo-ruraliste » du
gouvernement précédent. Les citoyens des zones rurales ne savaient pas très bien ce que cela signifierait. Ils le savent
aujourd'hui : désormais, le principe républicain de l'égalité de tous les citoyens devant les services publics ne s'applique
plus à eux !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Oh !
M. René-Pierre Signé. C'est méchant !
M. Aymeri de Montesquiou. Dans les brigades de gendarmerie rurale, les gendarmes mutés ou partant à la retraite
sont très fréquemment remplacés par des gendarmes adjoints, ce qui déséquilibre le fonctionnement des brigades et,
parfois, les rend même inopérationnelles.
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Christian Demuynck. Il a raison !
M. Aymeri de Montesquiou. Dans les postes rurales, le passage aux 35 heures n'est pas compensé par des
recrutements et le service s'en ressent fortement. Certains bureaux de poste ont ainsi réduit leurs horaires d'ouverture
au public, et les usagers attendent la distribution du courrier beaucoup plus longtemps, parfois jusqu'à 24 heures de
plus.
M. Raymond Courrière. Vous trouvez d'habitude qu'il y a trop de fonctionnaires !
M. Aymeri de Montesquiou. En ce qui concerne les perceptions, le discours est contradictoire. D'un côté, le ministre
fait des déclarations qu'il veut rassurantes, de l'autre, les fonctionnaires reçoivent un document, le contrat d'objectif et
de moyens 2000-2002, mentionnant explicitement la « libération » - c'est le terme employé par le ministre - de plus de
3 000 emplois à la direction générale des impôts.
En ville, ces mesures sont peut-être indolores ; en milieu rural, elles portent atteinte à la vitalité des chefs-lieux de
canton. J'attire en particulier l'attention sur la suppression en cours des recettes auxiliaires des douanes, qui jouent un
rôle prépondérant dans les zones viticoles.
L'effort financier que le Gouvernement dit déployer en faveur des villes - au détriment des campagnes - ne donne pas à
ce jour de résultats probants, si l'on en juge par les informations quotidiennement données par les médias.
Il est regrettable, d'une part, de laisser se dégrader la sécurité et les conditions de vie dans nos campagnes, et, d'autre
part, d'amoindrir la capacité d'accueil de nos zones rurales. C'est aller contre la volonté de nos concitoyens des villes et
des campagnes. Une étude réalisée par l'Institut français d'opinion publique, l'IFOP, en avril 1999 montrait en effet que
70 % des Français préféreraient habiter une ville moyenne de province ou une petite commune, et 44 % un village. Un
Français sur deux estime que, dans dix ans, il sera plus « moderne » - c'est le mot employé - de vivre à la campagne.
Les mesures que vous prenez à l'encontre des services publics en milieu rural vont donc à l'encontre des aspirations
des Français et de la bonne utilisation de l'espace, qui est une des richesses de notre pays.
Monsieur le ministre, comptez-vous poursuivre cette politique, qui sacrifie le présent et l'avenir de nos campagnes, ou
réactiver le moratoire mis en place par les gouvernements précédents ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mme Voynet n'étant pas
disponible ce matin m'a prié de vous communiquer sa réponse. Pour votre information, elle est actuellement à
l'Assemblée nationale pour discuter la proposition de loi sur la chasse, que les sénateurs ont adoptée. Pourquoi faire
preuve d'agressivité à son égard alors qu'elle remplit son devoir de membre du Gouvernement ? (Applaudissements sur
les travées socialistes.)
La précente de services publics de proximité dans les zones rurales est une question importante et l'amélioration de la
qualité des services publics et leur répartition équilibrée sur le territoire national constituent une priorité du
Gouvernement.
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement précise que la situation des services publics est
actuellement régie par deux textes.
Il s'agit, d'une part, de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999,
qui a complété et renforcé la loi du 4 février 1995 et qui définit la situation des grands organismes publics à l'égard de
l'aménagement du territoire.
Il s'agit, d'autre part, des décrets du 20 octobre 1999 qui confient aux préfets la responsabilité de l'organisation des
services déconcentrés de l'Etat ainsi que celle de la coordination et de la concertation locales lors des réorganisations
de services publics.
Nous disposons ainsi des moyens de coordonner l'évolution territoriale de l'ensemble des services publics. Pour mettre
en oeuvre cette coordination, à l'échelon local, un ensemble de structures de concertation fonctionne.
Certaines sont spécialisées, comme les commissions départementales de présence postale territoriales ou les
conseils départementaux de l'éducation nationale, alors que la commission départementale d'organisation et de
modernisation des services publics a une vocation générale.
Mme Voynet a conscience que ce dispositif d'ensemble est encore en cours de rodage, mais il n'en porte pas moins
les promesses d'une évolution plus raisonnable et plus consensuelle des services publics.
L'indispensable modernisation de nos administrations doit s'effectuer de façon à assurer à la population, notamment
rurale, le maintien d'un service de qualité.
Ainsi, une importante rationalisation des missions est entreprise au ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie entre la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique. Mme Florence
Parly, secrétaire d'Etat au budget, a d'ailleurs rappelé que « l'objet de cette réforme n'était absolument pas de fermer
les services du Trésor public dans les cantons ruraux » et « qu'il n'y aura pas de fermeture de trésorerie liée à cette
réforme ».
Dans la voie de la modernisation que nous, élus et administrations, devons rechercher ensemble, des solutions
innovantes ont déjà commencé à montrer leur potentiel. Des formes d'organisation comme les points publics en milieu
rural, les espaces ruraux emploi-formation ou les maisons des services publics - 260 fonctionnent déjà à titre
expérimental - sont des formules attractives pour tous les acteurs des services de proximité polyvalents.
Par ailleurs, les nouvelles technologies de l'information et de la communication offrent des possibilités innovantes
d'accès à différents services et sont particulièrement soutenues, tant par le ministère de Mme Voynet que par le
ministère de l'équipement, des transports et du logement.
En conclusion, je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que la conciliation du maintien des services de proximité en
faveur de tous nos concitoyens des cantons ruraux avec l'indispensable modernisation des services publics est une
préoccupation majeure du Gouvernement.
Telle est la réponse que souhaitait vous faire Mme Voynet.
M. Aymeri de Montesquiou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, je comprends parfaitement que Mme Voynet n'ait pas le don
d'ubiquité et ne puisse être à la fois à l'Assemblée nationale et au Sénat. Je comprends aussi l'objectif de la
modernisation et de la rationalisation du service public. Je comprends enfin parfaitement que l'informatique est un des
moyens de l'atteindre.
Cela étant, vous parlez « administration » alors que je parle « terrain ». Aujourd'hui, je dresse un constat.
Il est certain que, dans nos campagnes, la sécurité se dégrade et que les gendarmeries n'ont plus la même force de
frappe en effectifs.
Il est évident que le service public postal à la disposition des usagers est beaucoup moins performant. Je le déplore car
les conditions de vie se dégradent dans nos campagnes. Je le déplore aussi et surtout car les mesures qui sont prises
aujourd'hui freinent l'aspiration des citadins à venir habiter dans nos campagnes.
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